Requêtes contre l'interdiction des minarets irrecevables par la CEDH

Publié le 11 juillet 2011 par Francisrichard @francisrichard

Le 29 novembre 2009 le peuple suisse  par 57,5% des voix approuvait l'initiative populaire par laquelle il devenait interdit de construire de nouveaux minarets en Suisse. 

Un troisième alinéa était ajouté à l'article 72 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse :

"La construction de minarets est interdite"
Deux requêtes étaient aussitôt déposées auprès de la CEDH, la Cour européenne des droits de l'homme. L'une était déposée le 15 décembre 2009 par M. Hafid Ouardiri, de confession musulmane, ressortissant français, porte-parole de la mosquée de Genève de 1978 à 2007. L'autre par des associations musulmanes, et notamment la Ligue des musulmans de Suisse, le 16 décembre 2009.
Ces deux requêtes invoquaient les articles 9 et 14 de la Convention européenne des droits de l'homme pour soutenir que l'article 72 alinéa 3 de la Constitution fédérale constituait une violation de la liberté religieuse et une discrimination en raison de la religion. En outre M. Ouardiri invoquait l'article 13 de la Convention pour se plaindre qu'il n'existait pas de recours interne effectif possible pour constater que cette modification était contraire à la Convention

Dans un communiqué publié le 8 juillet 2011 la CEDH ici a déclaré que, siégeant le 28 juin 2011, elle avait à la majorité décidé que ces deux requêtes étaient irrecevables [la photo ci-dessus provient d'ici]. A l'appui de ces deux décisions les motifs de la Cour sont analogues.

Dans la décision relative à M. Ouardiri :

"La Cour relève que le requérant se plaint essentiellement que la disposition constitutionnelle religieuse heurte ses convictions religieuses."

Selon la Cour M. Ouardiri n'en est pas victime directe puisqu'elle n'a pas "un quelconque effet concret à son égard", qu'il n'en est pas non plus victime indirecte puisqu'aucun de ses proches n'est touché, qu'il n'est pas une victime potentielle puisqu'il n'a pas l'intention de construire de minarets.
La Cour souligne :

"L'interdiction de construire des minarets n'étant assortie d'aucune sanction pénale, elle n'est pas susceptible d'influencer le comportement du requérant, qui demeure libre d'exercer la religion musulmane et de contester publiquement l'opportunité de la modification constitutionnelle litigieuse."

La Cour n'est pas dupe :

"La requête ayant pour seul but de contester une disposition constitutionnelle applicable de manière générale en Suisse, la Cour considère que le requérant n'a pas apporté la preuve de circonstances tout à fait exceptionnelles susceptibles de lui conférer la qualité de victime. Bien au contraire, sa requête s'apparente  à une action populaire au travers de laquelle il cherche à faire contrôler in abstracto, au regard de la Convention, la disposition constitutionnelle litigieuse."

Enfin l'invocation de l'article 13 est mal fondée :

"L'article 13 de la Convention ne va pas jusqu'à exiger un recours par lequel on puisse dénoncer devant une autorité nationale la législation d'un Etat comme étant contraire en tant que telle à la Convention [...]. Dès lors que la présente espèce concerne le contenu d'une disposition constitutionnelle et non une mesure individuelle d'application, le grief tiré de la violation de l'article est manifestement mal fondé et doit donc être rejeté."
Dans sa décision la Cour rappelle la position du Gouvernement suisse :
"On ne saurait interpréter l'issue de la votation populaire comme une preuve de la volonté du peuple suisse de discriminer les musulmans résidant en Suisse."
En fait ce vote qui a fait couler beaucoup d'encre était un avertissement sans frais à l'égard de la communauté musulmane qui pourrait être tentée un jour par des velléités de domination, dont le minaret, qui n'est pas indispensable à l'architecture d'une mosquée, peut être considéré comme le symbole.

La Cour européenne des droits de l'homme confirme donc que l'interdiction de la construction de nouveaux minarets ne viole pas la liberté religieuse et n'est pas une discrimination en raison de la religion. Ce n'est évidemment pas ce que le monde politico-médiatique prétendait avant le vote du 29 novembre 2009...

Francis Richard

L'internaute peut écouter ici sur le site de Radio Silence mon émission sur le même thème.