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Manifestation du 2O FEVRIER à Rabat le dimanche 10 juillet : TEMOIGNAGE!

Par Citoyenhmida

J’ai reçu de notre ami SALVADORALI un commentaire fort détaillé sur la manifestation  organisée par le Mouvement du 20 Février le dimanche 10 juillet 2011 dans le centre ville de Rabat!

Avec son accord, je mets en ligne ce texte, sous sa signature, car il constitue un des rares témoignages directs et personnels que l’on puisse trouver sur la toile sur les événements de cet après-midi d’été dans la capitale.

“Toujours aptes !

Rabat, dimanche 10 juillet, 17h30. Au volant du taxi qui me conduit de la station Mabella à Bab el Hedd, Abderrahim ne décolère pas contre ses collègues qui n’ont « ni crainte ni honte », de « voler des places » pour faire office de taxis collectifs, cinq cent mètres plus haut que la station officielle, sur le boulevard Tariq El Ouljah.

Tout ça, selon lui, c’est la faute des syndicats qui ne se soucient que très peu de la bonne réputation des chauffeurs honorables…

Arrivés au niveau de la mosquée Assounnah, la mauvaise humeur de Abderrahim monte d’un cran. L’agent de police posté au croisement du boulevard Mohammed V nous fait signe que l’accès est bloqué et mon chauffeur de taxi m’en explique la raison en bougonnant : « Ah, j’avais oublié qu’aujourd’hui, il y a une manifestation des petits et grands taxis, pour protester je crois contre les gens du 20 février, qui ont prévu d’occuper la rue en fin de journée. »

Ça n’était pas le bon jour, faut croire, pour passer une fin d’après-midi à farnienter chez les bouquinistes du Marché de Bab el Hedd. Mais ça n’était pas le Mouvement du 20 février qui allait m’empêcher d’aller manifester mon amour des vieux bouquins.

Que retenir de cette énième manifestation post référendum de révision de la Constitution ? Quatre ou cinq choses intéressantes, à commencer par le fait que le Mouvement du 20 février apparait de mieux en mieux organisé, de plus en plus déterminé et de moins en moins légitime aux yeux des badauds…

Certes, comme il n’y a que les imbéciles qui ne changent pas d’avis et que les agités du 20 février sont tout de même des jeunes gens raisonnables, il reste des chances pour que cette fièvre finisse par retomber et que les animateurs du mouvement comprennent que le meilleur moyen d’assainir le Parlement est de s’y faire élire…

En ce qui me concerne, s’ils se constituent en parti politique, juré-craché je vote pour eux ! Bon, je n’en veux pas autant qu’eux à Veolia ni au “hizb frança” et leur fanatisme démocratique me rebute fortement mais grâce à la démocratie, tout le monde a le droit de se tromper désormais et même de céder à l’exaltation.

Or, la fièvre du 20 février était surtout perceptible – par ce beau dimanche après-midi sur l’avenue Hassan II, grouillante de passants débonnaires, de jeunes filles en fleur et de familles épanouies, sans compter les marchands plus ou moins ambulants ni les pickpockets de circonstance – dans l’acharnement des “encadreurs”, à moins qu’il faille les appeler “chauffeurs”, au sens de chauffeurs de salle, ou de rues, bien entendu.

A de nombreuses reprises, ils ont du, les pauvres, faire appel à tout leur professionnalisme pour redémarrer à la manivelle le moteur de la manif, qui cessait de temps en temps de scander ses slogans, ce qui donnait une lamentable impression de flottement, à part les drapeaux noirs du mouvement qui eux, flottaient fièrement au vent mauvais de la démocratie ainsi prostituée…

Il y avait beaucoup plus de naturel voire de spontanéité en revanche, dans l’irruption soudaine de ce triporteur motorisé de marque Suzuka, conduit par un homme enveloppé d’un immense drapeau du Maroc, et sur la plate-forme duquel trois femmes, deux jeunes hommes et un vieillard brandissaient des banderoles rouges frappées de l’étoile verte.

L’engin s’était élancé à la rencontre de la manif des 20 févriéristes qui eux se dirigeaient vers l’angle du boulevard Mohammed V en direction du Parlement, encadrés par plusieurs escouades de mokhaznis, combinaisons vertes et matraques assorties, et flanqués de journalistes de tout poil, dont quatre espagnols frétillants de zèle, qui m’ont eu l’air très déçus de constater qu’en fait de « baltajiya », il n’y avait là que trois femmes en colère tendant force doigts d’honneur aux Agités, et leur opposant des pancartes sur lesquelles était calligraphiée l’injonction : “20 février, dégage !” ; tandis que le conducteur du triporteur faisait de son mieux pour fendre la foule sans dommages tout en s’opposant à l’avancée des autres. Ah, j’oubliais le plus édifiant : le slogan des ontre manifestants loyalistes, qui clamaient à pleins poumons : « Rad balek ya el 3adou, el malik ândou cha3bou ! »

Très impressionnante également, au niveau de la grande Poste, cette barricade humaine de citoyens loyalistes, hommes femmes et enfants, tous catégories sociales confondues, venus apporter la contradiction à la manif des 20févriéristes tentant de s’avancer vers eux mais bloquée par le commando triporté et surtout par l’imposante force policière savamment déployée. Parmi ce groupe, une dame très élégante dans une belle jellaba, retraitée de l’enseignement public après 41 années de bons et loyaux services, qui expliquait paisiblement à un journaliste : « Non, je n’en veux pas à ces jeunes qui manifestent de façon aussi outrancière, après tout ce sont nos enfants et nous ne leur voulons que du bien… D’ailleurs nous ne sommes là que pour exprimer nous aussi notre droit à manifester notre opinion contraire.»

Bref, tout avait l’air de baigner dans l’huile, quand bien même beaucoup d’huile semble avoir été jetée sur les braises de la fièvre du printemps arabe pour que ce beau dimanche rbati, les commerçants du quartier Bab el Hedd aient été poussés à donner publiquement leur avis sur la question : l’agitation et le désordre ne valent rien de bon aux affaires et encore moins à la prospérité du pays, le 20 février doit dégager !

Le problème, c’est qu’il n’était pas possible de demander l’heure à un journaliste étranger en service commandé cet après-midi à Rabat sans qu’il s’imagine avoir affaire à un suppôt du régime tentant de lui faire voir midi à quatorze heures, vu que les quatre abrutis de reporters espagnols s’attendaient probablement à voir surgir des chameliers armés jusqu’aux dents de leurs chameaux pour disperser à coup de chasse-mouches made in Cairo les traîtres de manifestants…

Faut croire que sur ce terrain-là, les manifestants en question sont en train de réussir à faire croire au monde entier, à commencer par les quatre journalistes ibériques, que le Maroc c’est kif-kif la Syrie, l’Égypte, la Lybie etc.

Bien joué Mme Khadija Riady, égérie marocaine des droits humains sans concession, et marraine parmi d’autres parrains du mouvement du 20 février, qui se dépense sans compter auprès de la presse et même des universitaires étrangers (http://pierre.piccinin-publica…..43348.html) pour faire valoir sa thèse d’un Maroc qu’il faudrait absolument libérer du pouvoir horriblement despotique qui y règnerait…

Mais le plus saisissant était sans conteste les drapeaux du 20 février, logo gentiment facebookien mais qui une fois imprimé sur tissu et monté sur hampes, s’était mis à flotter férocement au-dessus du cortège des manifestants, des drapeaux méchamment noirs et visibles de loin, tranchant nettement sur les couleurs nationales et qui donnait l’impression, à faire froid dans le dos, d’assister au tournage d’un film de Pirates qui ne serait pas du cinéma.

Heureusement, devant le Parlement, les anciens prisonniers de guerre de Tindouf qui campent là-bas depuis 48 jours dans l’indifférence générale ont eu suffisamment d’humour pour dédramatiser la situation, malgré leur propre détresse : « Quand même ils exagèrent, marmonne l’un d’eux, ces jeunes du 20 février ! Si encore ils avaient passé dix ans de souffrance dans les prisons à ciel ouvert du Polisario pour se voir finalement reniés dans leurs droits à une retraite digne d’eu,x et de leur dévouement à la patrie, on comprendrait qu’ils soient aussi indignés que ça… »

Quoi qu’il en soit, les rescapés de la guerre des sables ont beau en avoir gros sur le cœur et vouer un mépris sans bornes aux députés qui siègent confortablement au Parlement devant lequel ils campent désespérément, l’une de leurs banderoles proclamait fièrement : « TOUJOURS APTES A NOUS BATTRE POUR LA GLOIRE DE DIEU, LA PATRIE, LE ROI ! »

Voila, en gros, ce qu’on peut dire de la manif du 20 février qui s’est tenue dimanche 10 juillet à Rabat. En concluant que si d’aucuns s’y sont fait tabasser, c’est qu’ils l’auront bien cherché.

Il n’est de richesse que d’hommes…

Salvadorali”


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