1963, dans l’Oregon. Criminel récidiviste, Randle P. McMurphy purge une courte peine pour viol sur mineure quand il demande à se faire transférer dans un hôpital psychiatrique en plaidant la folie. Dans cet institut, il découvre peu à peu des êtres fragiles et attachants dont la folie lui semble aussi discutable que ce qu’ils restent soumis à l’autorité oppressive de mademoiselle Ratched, l’infirmière en chef. Pour le plaisir du jeu, McMurphy va bousculer le rythme de vie de l’établissement, mais Ratched ne le voit pas ainsi…
Quand Ken Kesey (1935-2001) écrivit le roman original que ce film adapte sur grand écran, il travaillait dans un asile psychiatrique pour financer ses études et le mouvement hippie allait entamer son essor en Californie. Ces deux éléments a priori sans aucun lien entre eux se rejoignent en fait assez vite quand on conçoit ce récit comme un précurseur de ce mouvement appelé à connaître une dimension mondiale et une postérité alors complétement sous-estimée. Ken Kesey et son livre se trouvaient plus ou moins dans l’air du temps en quelque sorte, dans le sens où ils annonçaient cette vague de contestation qui allait enflammer toute cette génération d’après-guerre excédée du conservatisme forcené de leurs parents.
Il apparaît assez clair, en effet, que l’hôpital psychiatrique où se déroule cette histoire représente une métaphore de ce corps social aussi autoritaire que borné dans ce qu’il se montre incapable d’assimiler les idées neuves ou plus simplement l’originalité. Il préfère les briser pour mieux les faire entrer dans le moule. Or, les hippies s’insurgeaient contre toutes formes d’autorité, en revendiquant haut et fort la liberté de chacun à choisir pour lui-même en dehors de toutes pressions sociales. Un peu comme McMurphy d’ailleurs, ce qui n’est bien sûr pas un hasard : à sa manière un des premiers hippies de l’Histoire, il s’oppose à un système qui ne se caractérise pas par son humanité – ce qu’il paiera au prix fort…
Mais pour son réalisateur, Vol au-dessus d’un nid de coucou reste une métaphore de ce système communiste dans lequel Milos Forman grandit et qui fit tout son possible pour saccager ses films en les déclarant productions anticonformistes, c’est-à-dire des œuvres plus ou moins dérangées. Les excentricités d’un fou en quelque sorte. Voilà pourquoi Vol… s’affirme aussi comme une ode à a différence, à l’originalité, voire à l’excentricité, bref, à ce qui fait de nous des individus différents des autres et ainsi tous à même de contribuer à enrichir ce monde en dépit de ce que prétendent les psycho-rigides qui nous gouvernent – vous aurez tous reconnu là l’infirmière en chef mademoiselle Ratched…
Discours éternel, chef-d’œuvre parmi les chefs-d’œuvres de ce cinéma qui dit ce qu’il pense, Vol… reste un film d’une troublante actualité : à l’époque du « Je consomme donc Je suis », soit une autre extrémité du conformisme, il demeure pour nous rappeler que la vie reste bien trop courte pour se cantonner à suivre tous le même chemin.
Récompenses :
- LAFCA : Meilleur film (à égalité avec Un après-midi de chien, de Sydney Lumet)
- Oscars du cinéma : Meilleur film, Meilleur producteur (Michael Douglas), Meilleur réalisateur (Milos Forman), Meilleur acteur (Jack Nicholson), Meilleure actrice (Louise Fletcher), Meilleur scénario (Bo Goldman & Lawrence Hauben)
- British Academy of Films and Television Arts : Meilleur film.
Notes :
Le rôle de l’infirmière en chef Ratched fut proposé à de nombreuses stars de l’époque avant de se voir confié à Louise Fletcher une semaine à peine avant le début du tournage ; Milos Forman attribue le refus de ces grands noms d’Hollywood d’incarner ce personnage à l’essor du féminisme qui ne tolérait plus une telle image de la femme.
Le directeur de l’hôpital psychiatrique où ce film fut tourné accepta de « prêter » son établissement en raison de son progressisme : à l’époque, électrochocs et lobotomies comptaient encore parmi les châtiments appliqués aux malades non coopératifs.
Bien que le film mette surtout en vedette Jack Nicholson, suivi de Louise Fletcher, on peut trouver dans le casting des noms comme Christopher Lloyd ou Danny DeVito, ou encore Brad Dourif.
Avant de devenir un film, le roman Vol au-dessus d’un nid de coucou connut une adaptation en pièce de théâtre sur Broadway, en 1963.
Vol au-dessus d’un nid de coucou (One Flew Over the Cuckoo’s Nest)
Milos Forman, 1975
Warner Bros., 2011
133 minutes, env. 10 €