L’attente a duré, au fil d’une polémique en Corée qui a failli empêcher la sortie du film, qui s’est finalement faite sans la grande effusion que l’on aurait pu attendre. Les mois ont passé, l’année s’est écoulée, et J’ai rencontré le Diable est enfin visible sur nos écrans, quelques uns, même pas quinze sur tout le territoire. Après l’attente, la rencontre a donc pu se faire. La rencontre du titre mais aussi celle du spectateur que nous sommes avec une œuvre brutale, sanglante, dévastatrice, une œuvre ne laissant pas celui qui la regarde impassible.
On a parlé et l’on parlera de la violence du film de Kim Jee-Woon. Les scènes de torture, l’acharnement, la douleur infligée, les membres sectionnés. Le risque de ce genre de film, c’est de se faire taxer de gratuité dans sa représentation graphique. De n’être qu’un déchainement futile et poseur de violence ne cherchant pas à gratter assez loin ce que celle-ci peut représenter. Un écran de fumée cachant le néant. Derrière la fumée de J’ai rencontré le Diable (merci à ARP d’avoir choisi un titre français plutôt que se contenter du titre anglais international comme c’est trop souvent le cas lorsqu’il s’agit de cinéma coréen), j’ai pourtant aperçu bien trop de choses pour me contenter d’y constater une quelconque gratuité.
Il n’est pas question pour Soo-hyun de se transformer lui-même en monstre comme ceux après qui il court. Il parvient un temps à entretenir sa flamme d’humanité, à sauver la veuve et l’orphelin sur le chemin de sa vengeance. Mais son adversaire le force à repousser toujours plus loin ses limites. Kyung-chul le tueur a beau avoir des traits de caractère de bouffon qui confine parfois au rire (pour désamorcer ou parodier ?), il est d’une froideur et d’une cruauté qui n’a pas de limite. Or pour atteindre le tueur, le fiancé veut le faire souffrir comme lui a souffert, ce qui va le pousser à une cruauté similaire à celle de celui qui a fracassé son existence. A devenir lui aussi ce Diable.