Le Tribunal administratif de Chalons en Champagne vient de prononcer l'annulation d'un arrêté préfectoral qui revenait à un refus de création d'une zone de développement de l'éolien en région Champagne Ardenne (jurisprudence cabinet). Analyse.
Le jugement rendu le 7 juillet 2011 par le Tribunal administratif de Chalons en Champagne est intéressant à plusieurs titres.
En premier lieu, le Juge a admis, implicitement mais nécessairement, la recevabilité du recours formé par une société de droit privé de développement éolien. Or, la procédure de création d’une ZDE ne fait en principe intervenir que des personnes publiques. La proposition de création d'une ZDE, adressée au Préfet, est présentée par des élus locaux. Aux termes du présent jugement, une société privé qui entend par la suite procéder à la création d’un parc éolien au sein de la ZDE en projet, a intérêt à agir pour solliciter l’annulation du refus de ZDE.
En second lieu, le refus préfectoral s’était ici exprimé au moyen, non pas d’un arrêté de rejet mais d’un arrêté « positif » de création, ne retenant qu’une petite partie de la surface de la ZDE proposée. Ainsi, au moyen d’un arrêté d’acceptation de la proposition de création de ZDE, le Préfet avait en réalité procédé à un refus de création. Le procédé est lui aussi censuré.
En troisième lieu, le jugement précise que la procédure de ZDE a également pour objet de lutter contre le mitage du territoire et d’encourager le « regroupement des installations éoliennes ». Or, l’arrêté litigieux, ne retenant qu’une toute petite partie de la ZDE proposée, violait manifestement ces objectifs.
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TRIBUNAL ADMINISTRATIF DE CHÂLONS-EN-CHAMPAGNE
(Extraits)
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Audience du 9 juin 2011
Lecture du 7 juillet 2011
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Considérant que, par un arrêté en date du 17 novembre 2009, le préfet de la Marne a créé une zone de développement de l’éolien sur le territoire de la communauté de communes de X ; que les conclusions de la requête de la SOCIETE X doivent être regardées comme tendant à l’annulation de cet arrêté, ensemble le rejet de son recours administratif en date du 18 février 2010 ;
Sur la légalité de l’arrêté attaqué :
Considérant qu’aux termes de l’article 10 de la loi n° 2000-108 du 10 février 2000 relative à la modernisation et au développement du service public de l’électricité : « Sous réserve de la nécessité de préserver le bon fonctionnement des réseaux, Electricité de France et, dans le cadre de leur objet légal et dès lors que les installations de production sont raccordées aux réseaux publics de distribution qu'ils exploitent, les distributeurs non nationalisés mentionnés à l'article 23 de la loi n° 46-628 du 8 avril 1946 précitée sont tenus de conclure, si les producteurs intéressés en font la demande, un contrat pour l'achat de l'électricité produite sur le territoire national par : (…) 3° Les installations de production d'électricité utilisant l'énergie mécanique du vent qui sont implantées dans le périmètre d'une zone de développement de l'éolien, définie selon les modalités fixées à l'article 10-1 ; (…). » ; qu’aux termes de l’article 10-1 de la même loi : « Les zones de développement de l'éolien sont définies par le préfet du département en fonction de leur potentiel éolien, des possibilités de raccordement aux réseaux électriques et de la protection des paysages, des monuments historiques et des sites remarquables et protégés. Elles sont proposées par la ou les communes dont tout ou partie du territoire est compris dans le périmètre proposé ou par un établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre, sous réserve de l'accord de la ou des communes membres dont tout ou partie du territoire est compris dans le périmètre proposé. / La proposition de zones de développement de l'éolien en précise le périmètre et définit la puissance installée minimale et maximale des installations produisant de l'électricité à partir de l'énergie mécanique du vent pouvant bénéficier, dans ce périmètre, des dispositions de l'article 10. Elle est accompagnée d'éléments facilitant l'appréciation de l'intérêt du projet au regard du potentiel éolien, des possibilités de raccordement aux réseaux électriques et de la protection des paysages, des monuments historiques et des sites remarquables et protégés. / La décision du préfet du département intervient sur la base de la proposition dans un délai maximal de six mois à compter de la réception de celle-ci, après avis de la commission départementale compétente en matière de nature, de paysages et de sites (…). Le préfet veille à la cohérence départementale des zones de développement de l'éolien et au regroupement des installations afin de protéger les paysages. » ;
Considérant qu’il résulte de ces dispositions qu’un arrêté portant création d’une zone de développement de l’éolien a pour objet la définition d’un périmètre privilégié par les autorités publiques pour l’implantation des aérogénérateurs d’électricité ; qu’il repose sur une appréciation comparative et globale, à l’échelle d’un vaste territoire, des regroupements qu’il convient de favoriser dans le but notamment de respecter les paysages et les sites remarquables et protégés ;
Considérant qu’il ressort des pièces du dossier que la communauté de communes de X. a, par une délibération en date du 19 mars 2008, présenté une proposition de création d’une zone de développement de l’éolien comprenant un secteur n° 1 situé sur le territoire des communes de C. et P., d’une superficie de 470 hectares, pour l’implantation d’un maximum de 20 éoliennes d’une puissance de 2,3 MW et un secteur n° 2 situé sur le territoire des communes de Z. et Y., d’une superficie de 524 hectares, pour l’implantation d’un maximum de 20 éoliennes d’une puissance de 2,5 MW, soit, au total, une zone de développement de l’éolien d’une superficie de 994 hectares pour une puissance maximale de 96 MW produite par 40 éoliennes ; que, par l’arrêté attaqué, le préfet de la Marne a autorisé la création d’une zone de développement de l’éolien limitée à une partie du seul secteur n° 2 à T d’une superficie de 298 hectares pour une puissance maximale de 30 MW produite par 12 ou 13 éoliennes, soit une réduction de 70 % en superficie et 68 % en puissance par rapport à la proposition de la communauté de communes de X ;
Considérant que, dans ces conditions, eu égard à la superficie et à la capacité productive retenues et comparées au projet initial, la zone de développement de l’éolien ainsi définie par le préfet sur la base de la proposition de la communauté de communes de X n’est pas de nature à satisfaire aux objectifs de regroupement des installations éoliennes et de protection des paysages fixés par les dispositions précitées de l’article 10 de la loi du 10 février 2000 ; qu’ainsi, la SOCIETE X est fondée à soutenir que le préfet de la Marne, en prenant l’arrêté attaqué, a commis une erreur dans son appréciation des caractéristiques de la zone au regard desdits objectifs ; que, par suite, et sans qu’il soit besoin d’examiner les autres moyens de la requête, l’arrêté du 17 novembre 2009, et par voie de conséquence, la décision en date du 18 février 2010 portant rejet du recours gracieux de la société requérante, doivent être annulés ;
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