Le plateau du Larzac, ses grands espaces sauvages, ses Templiers très hospitaliers, ses Hospitaliers qui n'ont pas tant plié, ses canyons, ses brebis (pas toutes égarées), son gaz de schiste (non merci!), son fromage de Roquefort à manger seul ou en Société, ses bouddhistes et leur plus grand temple d'Europe... Zen. Foin de polémique à deux balles à Bloglouglou Corral, causse toujours, retour au réel et à la vraie vie, celle faite de rencontres authentiques, avec des vrais gens, des vrais paysages et des vrais vins. Oui, quand même aussi, parfois. Ce n'est pas parce que l'on est en vacances qu'il faut se laisser aller et ne pas boire bon!
Le Caylar et la manière
Blotti entre le Roc Castel, vestige de son passé, et l'aire de service de l'A 75, symbole de son présent et de son futur, le petit village du Caylar vit à son rythme. L'orme séculaire de la place a été sculpté, d'abord par le temps, puis par un artiste local en 1987, lorsque la sève l'a quitté.
Cette rue du Quai (lard ou cochon?) ne conduit pas au Barry du Grand Chemin, la maison d'hôtes où il fait bon dormir et manger. La cuisine de Guy Vandenbroucke, chef belge autodidacte, est particulièrement goûteuse et les viennoiseries du petit déjeuner sont tout simplement les meilleures du monde, causse inclus. Les éclats de rire de Martine et les aboiements de Victor, bouvier bernois de son état, égaient et ponctuent les allées et venues dans cette belle et bonne maison caussenarde qui cultive le Caylar de vivre. Une étape incontournable, avant de basculer dans la plaine languedocienne par le Pas de l'Escalette. Mais on peut aussi s'y arrêter et prendre son temps...
Au fil des Causses
Randonner sur le Grand Causse nécessite de bonnes chaussettes, faute de quoi le bonheur lumineux d'une longue et bonne marche à pieds sera atténué par les ampoules. Paradoxe électrique autant que pédestre. Heureusement, il y a Compeed®. Du Caylar à la Couvertoirade, via le Cros, puis retour au Caylar, 17 km en plein cagnard au milieu des ruffes et des dolomies, ça use, ça use les doigts de pieds.
Un tour de Vis et, quel cirque! Je ne suis pas Navacelles que vous croyez! Tout le long du parcours de la superbe randonnée longeant les gorges de la Vis, au départ du cirque de Navacelles jusqu'à la résurgence de la Foux, en rive droite, le sol est parsemé de blancs petits mouchoirs, masquant pudiquement les excréments des femelles de Petit Poucet ayant perdu l'instinct de faire leurs besoins naturellement dans la nature sans les signaler à la terre entière. Les spectaculaires moulins de la Foux, abandonnés au début du XXème siècle après une crue particulièrement dévastatrice de la Vis, furent magnifiquement restaurés en 1997. Le retour à Navacelles par la rive gauche s'effectue partiellement en balcon au dessus du cirque, sans difficulté aucune, mais n'en est pas moins impressionnant. 10 km pour un parcours époustouflant à couper le souffle et une randonnée 4 étoiles à ne pas manquer pour qui passerait dans le coin!
Sur le Causse noir, c'est le chaos. Ça ne sent pas la naphtaline, même si les dolomites habillent le paysage. L'érosion a sculpté le paysage en donnant des formes spectaculaires aux rochers ruiniformes de Montpellier-le-Vieux, baptisée "Lou Clapas Viel" en occitan par les bergers du bas Languedoc, en transhumance sur le plateau, et qui y voyaient une ressemblance avec la seule ville qu'ils connaissaient, Montpellier.
En suivant la Dourbie, là où Durzon et Barbaresque se rencontrent, point de digue, non. Pas de cul, même si le confluent est à Nant, qui se prononce comme du côté de Montaigu. Une jolie cité monastique, avec son église, ses halles, sa place, ses restaurants. La bistronomie de terroir, concept pourtant très parisien, y a trouvé sa place, à la Brasserie du Claux. Une côte de veau, oui, mais du veau de l'Aveyron, élevé sous la mère. Les grosses frites "maison" croustillent sous la dent, mais sont moelleuses à cœur, très certainement élevées sous la terre. La planchette de charcuterie terroite à mort, élevée au dessus de la mer, sans aucun doute. La cuvée Les Templiers 2007 de la Commanderie de Preissan s'est retrouvée ici en milieu hospitalier pour épauler le veau. Une bien bonne adresse, il faut le dire.
Retour aux fondamentaux, dans la vallée de la Sorgues, à Fondamente, anciennement connue sous le nom de Montpaon. Chez Baldy, le temps semble s'être arrêté. Dans un cadre immuable de peintures murales de paysages locaux, soigneusement restaurées en cas de dégât des eaux, les tripous et les ris d'agneau sont rois. Service à l'ancienne, sur des grands plats maintenus au chaud, cuisine authentique et goûteuse, mise en conserve l'hiver, pour emporter chez soi un peu de cet Aveyron gastronomique historique. Courte carte des vins, mais il y avait au moins un vin de Marcillac pour faire l'affaire avec les ris.
Escapade en Escarpolette
À Montpeyroux, ce Hérault au vignoble si doux, ça balance pas mal pour Ivo Ferreira. Son Escarpolette a le vent en poupe, plus besoin de la pousser beaucoup. Au départ, rien, pourtant, ne le prédestinait à s'installer ici. C'est une succession de rencontres qui l'ont conduit du service en salle à la sommellerie, des restaurants étoilés aux bars à vins, puis à la vigne, de Paris au Jura puis à Bordeaux, de la Tour Blanche au château Le Puy, avant qu'il ne pose ses valises en Languedoc, à une encâblure d'une gare TGV, ce qui est bien pratique pour rester connecté à la Capitale. Premier millésime en 2009 mais il n'y en a déjà plus une seule bouteille à vendre. Les réseaux et les connaissances ont fonctionné à plein régime. Il y en aura un peu plus en 2010, mais, là aussi, il faudra se dépêcher. Les étiquettes sont particulièrement originales, réalisées par une amie artiste, restauratrice au musée Picasso. Quand les ceps de vignes s'inspirent d'idéogrammes japonais. À moins que ce ne soit le contraire.
En 2010, cette petite crapule d'Ivo a embouteillé deux versions distinctes de sa Petite Crapule. Carignan et mourvèdre, vinifiés en courte macération carbonique, étaient destinés à être assemblés. Ils ne l'ont pas été. Seuls les excellents dégustateurs parviendront à faire la différence. Excepté pour sa cuvée l'Escarpolette, Ivo pratique l'élevage parcellaire mono-cépage. Comme ses différentes parcelles sont éparpillées entre Lagamas, Arboras, Saint-Jean de Fos, Saint-Félix et, un peu, Montpeyroux, les cuvées d'Ivo sont vinifiées séparément. On applaudit le merlot des deux mains et le cinsault enchante. Jeux de mains et L'Enchanteur sont leur nom, pas étonnant, finalement. En 2010 comme en 2009. La bouteille sans étiquette, avant-dernière à droite sur la photo du haut, est un pirate. Une goutte de Dieu qui n'était pas encore tombée, un Château Le Puy 2003, souvenir rapporté de Gironde par Ivo, bien avant que les Japonais aient pu se l'approprier. À siroter goutte à goutte, comme une véritable offrande.
Sa vie sous le pic...
C'est l'histoire d'une reconversion et d'un nouveau départ dans la vie. C'est l'histoire de la naissance d'un (petit) domaine, blotti au pied du Pic du Vissou. C'est l'histoire de Véronique et Jean Attard, c'est aussi celle du Mas Coris. Il ne faudrait pas croire qu'à Cabrières on se la coule douce, il y a du travail pour remettre en état ce vignoble, le replanter en partie et le convertir à l'agriculture biologique. Premier millésime en 2010, déjà épuisé au domaine. Un rosé, La Coulée douce, et un rouge, Première vague. Déjà goûtés par ici. C'est bon. Le caractère légèrement épicé du rosé va à merveille avec la cuisine méditerranéenne et la ratatouille froide servie au bord d'un fossé à l'ombre d'un grand arbre, en bordure des vignes, là, juste sous le pic.
Dans la toute nouvelle cave de Cabrières, la syrah poursuit son élevage. Deux barriques, goûtées l'une derrière l'autre: léger boisé, mais très fin et élégant, dans la première, caractère plus massif du deuxième fût, qui donne une structure plus imposante au vin. Sûr que quelqu'un que je connais la trouverait à son goût et suffisamment charpentée, cette syrah-là!
Une bien belle histoire, que celle du Mas Coris, dont on attend avec impatience la suite.
Come back Chai Christine Cannac
Cet été, n'abandonnez pas votre caviste! Ce sera la thématique des prochains Vendredis du vin, on aura l'occasion d'en reparler, c'est juste un échauffement. On ne soulignera jamais assez la détresse de ces pauvres petits êtres sans défense, que l'on retrouve attachés au pied d'un arbre, sur une aire d'autoroute, ou, pire encore, abandonnés dans un Courtepaille© avec pour unique pitance un gobelet en plastique et un Tétrapak© de Préfontaines©. Paradoxalement, il arrive que ce soit les cavistes qui abandonnent leurs clients, quand ils ne savent pas résister à l'appel du vignoble et préfèrent aller lichtronner eux-mêmes sur la Côte (laquelle?) plutôt que de croupir dans leur petite boutique avec vue sur une arrière-cour des miracles, dans laquelle pas un client ne rattrappe l'autre, ni le moustachu en short, ni le cadre à lunettes, ni le père de famille à poussette double.
Grande consolation néanmoins, il arrive que l'on trouve des cavistes sur le lieu même de ses vacances. Parfois, ils sont même mieux que ceux de la maison, mais ça, il faut éviter de le crier trop fort.
Chai Christine Cannac, à Bédarieux, y aller une première fois donne irrésistiblement envie d'y revenir. Ça sent bon le vin nature à l'intérieur de la boutique climatisée et même parfois aussi dehors, par terre, mais ce n'est pas toujours fait exprès. L'ambiance estivale donne soif et faim aussi un peu. Les bulles peuvent venir d'Auvergne et n'en faire qu'à leur tête (Tête de Bulles de François Dhumes, un pet'nat de chardonnay légèrement et agréablement sucré, vif et frais). Ceux qui boivent plus vite peuvent également faire Trinquette pour patienter (Trinquette 2010 de La Petite Baigneuse, Roussillon, du grenache de soif, particulièrement fruité et gouleyant), avant de liquider les petits minous ardéchois sans aucun scrupule (Chatons de Garde 2009, d'Andréa Calek, qu'il sera dur de garder très longtemps, parce que de la syrah comme ça, ça se boit jusqu'à plus soif!).
On causse, on causse, mais tout a une fin, y compris les vacances. Vivement les prochaines! N'est-ce pas, Victor?
Olif