Hier dimanche, le mouvement du 20 février a appelé à manifester et cet appel a été suivi dans beaucoup de villes par quelques milliers de personnes, selon les diverses sources d’information plus ou moins neutres. Les photos parues dans L’EXPRESS et sur le site de RFI donnent une idée sur la véritable portée de l’affluence lors de ces manifestations!
Ces nouvelles manifestations, dont on ignore l’objet car il varie selon les villes, placent le citoyen lambda que je suis devant un vrai problème : celui de connaître les véritables objectifs de ce mouvement contestataire?
Depuis quelques semaines, j’essaie d’analyser les tenants et les aboutissants du 20 Février, ce mouvement qui, selon quelqu’un qui m’est proche, méritait d’être “considéré avec de la bienveillance”! Sauf que la bienveillance se mérite et qu’elle s’entretient!
Dernier né des mouvements de protestation socio-politiques du monde arabe, le “Mouvement du 20 février” tente dans un beau désordre idéologique de se trouver une orientation politique à défaut d’une assise populaire!
Apparu comme un mouvement de contestation sociale et sociétale totalement légitime – lutte contre la corruption, le clientélisme, les inégalités, lutte pour la dignité, l’égalité des chances – il a changé de cap en revendiquant un changement politique qui dépouillerait le roi de tous ses pouvoirs traditionnellement reconnus!
Revendication pour le moins inexplicable si l’on considère que le Mouvement du 20 février exigeait dans ses premiers communiqués, entre autres, la dissolution de tous les partis politiques, signe du peu de confiance que les contestataires avaient dans ces instances!
Que serait ce Maroc où le roi régnerait mais ne gouvernerait pas et où le peuple serait livré à lui-même, sans autre moyen de s’exprimer que la rue?
Ce détail n’est que l’un des clignotants annonciateur dès le début du manque de maturité politique des meneurs de ce mouvement!
Pour juger de l’impact réel de ce mouvement, il est intéressant de mettre en parallèle ce qui se passe au Maroc avec les autres péripéties du “printemps arabe”.
La comparaison avec les mouvements similaires développés en Egypte et en Tunisie permet d’emblée de relever un certain nombre de différences, dont la plus importante à mon sens est le manque total d’ancrage historique du mouvement du 20 Févier dans la société marocaine!
Les égyptiens et les tunisiens ont travaillé en profondeur leur société depuis des années : l’origine des revendications des uns et des autres dans ces deux pays remonte à des années et s’inscrit dans une lame de fond de contestation contre des régimes politiques, personnels et despotiques devenus illégitimes!
Les initiateurs des mouvements égyptien et tunisien sont des internautes reconnus internationalement comme étant les porte-voix des sans voix de leurs pays ! Wael ABBAS l’égyptien et SLIM4O4 le tunisien avaient dans leur pays respectifs et à l’échelle de la toile une audience infiniment plus grande que des nos bloggueurs contestataires ou nihilistes les plus influents, souvent installés à l’étranger (ce qui n’enlève rien à la valeur de leur engagement, pour peu qu’il soit sincère).
Les internautes marocains qui ont opté pour le soutien du mouvement du 20 Février, à quelques rares exceptions, ont préféré prendre le train en marche : la blogoma a ainsi vu fleurir, disons de manière “soudaine”, des billets enflammés dénonçant la situation du pays et portant haut le flambeau de la contestation “févrieriste”! On pourrait se demander où donc se terraient tous ces contestataires au clavier teinté de rouge et parfois de vert!
Il faut rappeler que le mouvement du 20 février est né de façon presque spontanée, à l’initiative de quelques jeunes, dont les motivations et surtout les soutiens et les les appuis sont plutôt flous! Le mimétisme n’explique pas tout, on pourrait parler bien plus d’opportunisme et de manipulation : il suffit juste de reconstituer le puzzle en plaçant les grosses pièces autour desquelles se sont greffés les contestataires de la toile! Une suite de noms s’impose d’elle-même tellement le discours véhiculés par ces noms se complètent et se recoupent depuis un certain temps.
Les mouvements égyptien et tunisien, ayant des objectifs définis et une stratégie bien élaborée, sont parvenus à leur fin : mettre un terme à un régime politique honni et discrédité! Le reste est affaire de manoeuvres politiques!
Le 20 février continue a se débattre dans ses contradictions, passant d’une revendication à une autre, d’une stratégie à une autre, d’une référence à une autre!
Après cinq mois d’existence et un départ en fanfare, on a vite relevé des dissensions internes, un manque de visibilité dans l’action, et bientôt des signes clairs d’essoufflement.
Le mouvement n’a pas réalisé le centième de ses objectifs qui étaient pourtant largement partagés par une grande partie de la société civile : les 20 Févrieristes ont oublié qu”il faut du temps pour réussir la lutte contre la corruption, contre le népotisme, contre l’affairisme des responsables politiques, pour construire une justice indépendante, ou pour mettre à niveau un système d’enseignement ou celui de la santé publique!
Quant à comparer le 20 février à MAI 68 en France, comme certains ont tenté de le faire, j’estime que l’exercice est pour le moins improbable!
MAI 68 a représenté une double révolte globale : contre un homme, De Gaule et contre un système économique, le capitalisme! La société française dans son ensemble s’y était impliquée : travailleurs, ouvriers, étudiants, fonctionnaires, artistes, intellectuels, le tout en dehors des circuits habituels!
Par ailleurs, MAI 1968 s’est inscrit dans un contexte mondial dépassant la France : les USA faisaient face au conflit du Viet-Nam et à son impact sur le plan interne, la Chine vivait une révolution “culturelle” dont personne ne pouvait mesurer les conséquences, le modèle soviétique commençait à être contesté! Partout dans le monde occidental la colère sociale grondait : manifestations en Italie, troubles aux USA, émeutes sanglantes à Tokyo, à Montréal, à Mexico!
Il ne faut pas oublier que es conséquences de Mai 68 ont marqué la société française durant les décennies qui ont suivi!
Le 20 Février, qui remue de l’air chaud, qui récupère un slogan par ici un slogan par là, qui reprend telle revendication glanée par ici ou tel rejet soufflé par on ne sait pas trop qui, ne semble pas demander autre chose qu’une existence médiatique sur certaines chaines de télévision étrangères toujours prêtes à ouvrir leurs ondes aux protestataires de tous bords!
Peut-on dire que le 20 février n’a et n’aura aucun impact sur le Maroc d’aujourd’hui et de demain?
Non et cent fois non!
Mais doit-on pour autant lui attribuer le mérite des changements que connait et que doit obligatoirement connaitre le Maroc?
Non et là je dirai mille fois non! D’ailleurs, les quelques représentants de ce mouvement qui ont encore un semblant de crédibilité reconnaissent que rien de ce qu’ils espéraient sans oser le réclamer publiquement n’a été réalisé : tant que le roi règne et gouverne, ils ne seront pas satisfaits!
Quel sera donc l’avenir éventuel du 20 Février?
En ce mois de juillet, une fois la constitution révisée et une fois un nouveau processus électoral enclenché, le Mouvement du 20 Février doit se positionner clairement sur l’échiquier politique et social de ce pays!
Soit il continue ses appels à manifester contre tout, à tout bout de champ, juste pour prouver qu’il survit, et l’irréparable finira par advenir : un dérapage est vite provoqué ou vite arrivé.
Soit il s’inscrit dans la voie de la raison en optant pour une action politique, militante, organisée, loin des manifestations de rue chaque fois affublée d’un nouvel objectif , loin surtout de la virtualité “facebokienne”!
Né comme une réaction cutanée allergique à une situation sociale pourrie et à une champ politique bloqué, le mouvement du 20 février semble glisser vers une tumeur bénigne cherchant à s’implanter dans un corps en pleine mutation : il ne faut pas qu’elle se transforme en cancer nécessitant une intervention lourde et couteuse!
Le Maroc n’a pas besoin de drames : il a juste besoin de changements, de changements radicaux et salutaires!
Et ces changements doivent venir de la plus haute sphère du pouvoir, concerner toute les instances dirigeantes, en passant par les courroies de transmission que sont les partis pour toucher également le citoyen lambda!
Ce n’est ni les déclarations fracassantes aux médias étrangers ni les manifestations regroupant quelques centaines de personnes qui les provoqueront : le mouvement du 20 Février doit comprendre que, s’il a contribué à libérer la parole dans ce pays, il a l’obligation historique d’entretenir cette libération!
Sinon, la réalité quotidienne aura vite fait de reprendre le pas sur le mythe de la virtualité!