Vraiment pas facile d'être spécialiste de la télévision! Au lieu de passer une bonne soirée au restaurant, il m'a fallu rester devant mon poste, rester au poste, devrais-je dire, veiller et surveiller Secret story... On nous avait promis du nouveau. L'animateur, Benjamin Castaldi, avait même annoncé sur le site de TF1: "Secret Story est devenu le maître étalon du genre." [...] Peut-être que Secret Story durera 20 ans...". Quand l'animateur lui-même a une telle connaissance de la langue et une telle faculté de futurologue, on peut tout attendre des candidats...
Castaldi avait aussi annoncé que tout serait nouveau. Qu'en est-il de cette promesse? D'abord, un constat: on ne parle plus de télé-réalité ni d'"aventure", mais de jeu. La jurisprudence de l'Ile de la tentation est passée par là. Les participants ne sont plus que des joueurs, que l'on interroge sur les "stratégies" qu'ils vont adopter. Le générique, comme l'habillage, avec ses incrustations, ses effets vidéo, renvoient à l'univers ludique. Les candidats annoncent qu'ils "sont rentrés dans le jeu pour gagner".
Et les secrets? Apportent-ils de vrais changements à l'émission?
Pas vraiment. Endemol a voulu montrer que la production refusait la futilité et apportait ce sens qui manque si souvent à TF1: on a donc mis dans la "maison" un ou une malade de la mucoviscidose sauvé par une greffe de poumon, l'aventure de Gregory Lemarchal dans Star Academy avait si bien ému le public... On a mis aussi deux mères de famille, puisque depuis Loana, les mamans qui abandonnent leurs enfants pour une durée limitée ou définitivement ne choquent personne. Pour le reste, on a recouru aux vieilles recettes des pièces et des opéras du XVIIIe, quiproquo, dissimulation ou usurpation: deux vrais couples échangent leurs rôles et doivent faire croire aux autres à la réalité des nouveaux duos ainsi formés. Et, surtout, on a pris garde de bien caractériser les "personnages" par des traits de caractère qui expliqueront la suite du récit: le manipulateur, le séducteur, la colérique, etc.
Pour marquer ostensiblement la quête de sens, on a aussi eu recours à un procédé qui était à l'origine de la télé-réalité, mais qui avait disparu: le témoignage d'experts, médecin ou psy, venant justifier le bien fondé de tel ou tel secret.
Au total, on le voit, rien de très nouveau. Et cette "nouvelle recette", comme on dit d'un yaourt ou d'un plat surgelé, a-t-elle du succès? C'est bien sûr la question que tout le monde se pose. Le premier prime-time est en tête des audiences avec 4,2 millions de téléspectateurs, soit 300 000 de plus que Carré VIIP, et un peu plus de 22% de parts d'audience. Les optimistes notent que c'est à peu près le même score que Secret story 4. Dans la mesure où toute "première" suscite de la curiosité, je ne suis pas sûr que ce soit suffisant. Quoi qu'il en soit, pour juger de la réception, il est plus instructif d'aller voir sur le net les commentaires que de s'en tenir aux chiffres bruts. On constate, en lisant ceux des fans sur TF1, que les personnages les plus stéréotypés sont ceux qui ont le plus de succès: Morgan, qui joue la "grande folle" plus que la "surdouée". Ce qui accrédite l'idée que la télé-réalité est condamnée à se parodier elle-même. On relève aussi une volonté, chez les jeunes téléspectateurs, de s'attacher très vite à l'un ou l'autre des personnages qui leur sont présentés. Il faut lire les quasi déclarations d'amour à des jeunes femmes à peine entrevues pour comprendre ce que peuvent être les attentes de ces jeunes. Seront-ils suffisants pour gonfler l'audience de TF1? C'est toute la question.