Depuis l'automne, Nicolas Sarkozy répète à chaque déplacement de terrain (1) qu'il n'a fait que son devoir, (2) qu'il a assuré le financement du régime des retraites à compter de 2018.
Depuis son élection en mai 2007, Nicolas Sarkozy a une conception toute personnelle du mot devoir. Son paquet fiscal de l'été 2007, par exemple, a aggravé les comptes publics et sociaux. Une réforme des retraites était nécessaire, comme l'est celui du financement de notre assurance sociale dans son ensemble. Mais le Monarque s'est bien gardé de tout remettre à plat. Il a occulté les effets, conjoncturels, de la crise pour justifier ses actions.
Et sa réforme, au final, est largement injuste. Assorti d'une durée de cotisations maintenue à 41,5 années, le système français se distingue désormais de bien de ses voisins: on y cotisera plus longtemps qu'ailleurs. Les travailleurs précoces (16, 17 ou 18 ans) devront toujours cotiser 44 ans. Et ceux affectés par un travail pénible devront prouver leur invalidité physique, d'au moins 20% avec des critères d'exposition draconiens.
En fait, Nicolas Sarkozy « devait » donner quelques gages aux marchés financiers en alourdissant la charge des retraites sur les plus fragiles. L'été dernier, il avait du raccourcir ses vacances après qu'une agence de notation ait menacé d'abaisser la note de crédit de la France.
Ensuite, contrairement à ses dires, la réforme Sarkozy ne « sauve » pas le régime des retraites :
1. D'après les évaluations gouvernementales, la réforme laisse 15 milliards d'euros par an non financés. Les propres tableaux d'Eric Woerth, alors ministre du Budget, distribués le 16 juin 2010 pour justifier ses prévisions affichaient ce trou béant.
2. L'équilibre annoncé et répété par Sarkozy pour 2018 n'est qu'un objectif, basé sur des hypothèses économiques aléatoires voire fantaisistes : un chômage à 7% dans 4 ans (2015), et le plein emploi dès 2020 (une situation jamais connue en France depuis... 30 ans). Pire, les déficits accumulés jusque là ne seront pas financés.
3. D'ailleurs, le gouvernement a discrètement prévu l'organisation d'une « réflexion nationale » sur l'équilibre des retraites... en 2013, deux ans à peine après l'entrée en vigueur de la réforme ! Un comité de pilotage a été créé à cet effet pour organiser la concertation.
Ce 1er juillet, pour quelques milliers de Français, la réforme entrait donc en vigueur. Et pour certains, c'est le choc.
1. L'âge minimal, initialement de 60 ans, pour liquider sa pension est reculé de 4 mois pour chaque génération, jusqu'à atteindre 62 ans (pour celles et ceux nés en 1956).
2. L'âge maximal à partir duquel un assuré a le droit de liquider sa pension à taux plein même s'il n'a pas cotisé suffisamment est également reculé de 4 mois pour chaque génération, pour être au final relevé de 65 ans à 67 ans.
3. Troisième peine, Nicolas Sarkozy n'a pas touché à la durée de cotisations nécessaires, qui, donc, continuera de s'allonger de 6 mois tous les deux ans.
4. Avant ce 1er juillet fatidique, nombre de futur retraités ont cherché à savoir s'ils pouvaient bénéficier des exceptions, prévues ou conservées, dans le nouveau dispositif. Ainsi, certains régimes spéciaux (pas tous) subissent également un recul des bornes d'âge, mais plus tard (SNCF, RATP, Opéra de Paris, clercs de notaire); les taux de cotisations retraites du public ont déjà été alignés sur ceux du privé. Grand seigneur, Sarkozy a laissé les aidants familiaux de personnes handicapées ou parents d'enfants handicapés, les assurés handicapés et quelques générations de parents de trois enfants ayant interrompu leur activité professionnelle pour leur éducation partir à taux plein à 65 ans.
5. La dérogation pour pénibilité reste dérisoire, car réservée à celles et ceux apportant la preuve médicale d'un handicap physique d'origine professionnelle d'au moins 20% après 17 années consécutives d'exposition à un risque professionnel. En mars dernier, la Dares estimait que plus de 2,6 millions de personnes âgées de 50 à 59 ans ont été exposées à 15 années ou plus de pénibilité physique dans leur travail.
Un malheur n'arrivant jamais seuls, certain(e)s découvrent aujourd'hui que l'Allocation Equivalent Retraite (la fameuse pré-retraite) a été supprimée depuis le 1er janvier 2009.Or, comme le rappelait la Dares en janvier dernier, 61% des personnes quittant leur emploi entre 50 et 54 ans sont employés et ouvriers.
A ces pré-retraités sans pré-retraite, il ne reste plus qu'à pointer au chômage (celui des plus 50 ans ne cesse de progresser), et à l'Allocation de Solidarité Spécifique : environ 450 euros par mois. Près de 40% des nouveaux retraités ne sont plus en activité quand ils entrent en retraite.
Triste coïncidence, le gouvernement avait également décidé de repousser du 1er juillet au 1er août la réévaluation semestrielle automatique du SMIC.
Que demande le peuple ?
Lire aussi :
- Pénibilité au travail : le Medef s'en remet à l'Etat (Alternatives Economiques, juillet 2008)
- Pénibilité et retraite : la nouvelle manoeuvre gouvernementale (Sarkofrance, juillet 2010)
- Sarkozy : les gros mensonges sur les retraites (Sarkofrance, février 2010)
- Prise en compte de la pénibilité : Le tour de passe passe du MEDEF et de l'UMP ! (Slovar, septembre 2010)
- Retraites : pourquoi cette réforme reste mauvaise (Sarkofrance, octobre 2010)
- Retraites : les 7 désinformations de Sarkozy pour contrer la contestation sociale (Sarkofrance, septembre 2010)
- Retraites : l'heure des mensonges est arrivée (sarkofrance, juin 2010)
- Retraites, et le gagnant est ... (Yann Savidan, octobre 2010)
- La retraite des 4X4 (Intox2007, mai 2010)