Mois après mois, Nicolas Sarkozy tente de se décrire comme le président du redressement, l'homme qui nous conservera le sacro-saint « triple A », cette note de crédit fantastique qui permet aux Etats de s'endetter à souhait comme un client Cetelem.
Pour sa cause, il est prêt aux pires arguments, aux pires chantages. Il oublie son bilan.
Puisque le rééquilibrage des comptes publics est en passe de devenir l'un des thèmes de la campagne de 2012, il nous faut remettre quelques pendules à l'heure.
Sarkozy, double bêtise
Voici 10 jours, alors qu'il présentait les premiers résultats, inexistants, de ses « investissements d'avenir » au Palais de l'Elysée, le Monarque était allé jusqu'à accuser la gauche de menacer la signature de la France sur les marchés internationaux. C'était l'hôpital qui se moque de la charité ! Surtout, le Monarque utilisait les mauvais arguments : « Ceux qui auront l'idée de revenir sur le non remplacement d'un fonctionnaire sur deux (partant à la retraite, NDLR), de revenir sur la réforme des retraites ou de refuser une règle d'or qui obligera tous les gouvernements à prévoir un budget en équilibre à terme, ce sera l'explosion de la dette, l'explosion des déficits et l'impossibilité de la France de se financer ». En avril dernier, le Monarque avait lancé l'UMP, via Hervé Novelli, critiquer le programme socialiste sur le même thème.
Le 24 juin déjà, il nous avait gratifié du même petit tacle, pendant une conférence de presse à Bruxelles, à propos d'une question sur un fichu rapport de la Cour des Comptes dénonçant ses dérapages : « Je pense que le premier président de la Cour des comptes, M. Migaud, s'est souvenu de ses amitiés et qu'il a voulu adresser un message à ceux qui pensent qu'il ne faut pas respecter le rendez-vous de 2013, qu'il faut s'exonérer de la règle du 'un sur deux' , qu'il faut refuser de voter la 'règle d'or' et qu'il faut remettre en cause la réforme des retraites pour revenir à la retraite à 60 ans. »
Résumons l'argument :
- l'opposition voudrait revenir sur le non-remplacement d'un fonctionnaire partant à la retraite sur deux. Cela menace-t-il les comptes publics ? Non. La Cour des Comptes chiffre à 100 millions d'euros la véritable économie annuelle de la mesure sarkozyenne. La simple réduction de la TVA sur la restauration coûte 3 milliards.
- L'opposition refuserait la règle d'or, c'est-à-dire l'inscription constitutionnelle de l'obligation, à terme, d'équilibre budgétaire. Sarkozy est responsable, tout seul et sans la crise, de 62% de l'aggravation du déficit public. Restons sérieux !
Ces agios nous plombent.
Quand on emprunte, on paye des intérêts au prêteur. C'est normal... en général . C'est plus curieux quand les prêteurs, manquant de disparaître collectivement un mois de septembre 2008 à cause de placements d'une stupidité criminelle inédite, sont alors renfloués par ces mêmes Etats endettés à coup de milliards d'euros. Ces milliards viennent gonfler la dette et donc les agios, et la boucle est bouclée.
Certes, cette présentation simplifie une réalité plus complexe. Mais quand même... on s'interroge. Pourquoi donc aucun Etat n'a demandé aux institutions financières qu'il sauvait un rabais sur les agios de ces propres dettes ?
En France comme ailleurs, le poids des déficits publics - déficit budgétaire ou endettement public - est allègrement servi comme argument pour justifier la réduction des dépenses sociales de toutes natures.
De 1979 à 2010, l'endettement public est monté de 243 milliards (21% du PIB) à 1.591 milliards d'euros, (82% du PIB). Chaque année depuis 2000, les seuls intérêts financiers à payer ont représenté 2,5 points de PIB, soit environ 38 milliards d'euros par an ! En 2006 et 2007, le budget de l’État était en excédent primaire, mais au final déficitaire à cause du services de la dette. En 2010, la charge d’intérêts des administrations publiques (Etat + collectivités locales + sécurité sociale) a augmenté de 5,2 % pour atteindre 50,5 Md€, soit 2,6 % du PIB, rappelait la Cour des Comptes dans son dernier rapport sur l'état des finances publiques.
Ce poids appelle deux remarques. Primo, la dette entraîne la dette. Depuis 1980, ce sont plus de 1.000 milliards d'euros d'agios qui ont été payés par les administrations publiques. Secundo, nos dirigeants sont stressés par la notation du crédit de la France. La sensibilité des comptes français à l'évolution des taux d'intérêts est évidente. La France emprunte actuellement à 3,5% environ. Une hausse d'un point augmenterait la charge budgétaire de l'Etat de 2 milliards d'euros la première année, puis 6 milliards en seconde année, puis 9 milliards en troisième année, etc.
Sarkozy ? irresponsable !
Pour 2012, Nicolas Sarkozy tente d'instrumentaliser à son profit cette ultra-dépendance des administrations publiques. L'antienne est connue : « après moi, le déluge ! ». Il est pourtant loin d'être qualifié pour donner des conseils de bonne gestion.
La Cour des Comptes a souligné, à plusieurs reprises, combien la responsabilité du gouvernement Sarkozy dans la dégradation structurelle des comptes publics était importante. Dans son dernier rapport, elle s'inquiétait notamment de l'emballement de l'endettement public : « Le niveau de déficit atteint en 2010 est tel que la dette risquerait de s’emballer si aucun effort de redressement n’était opéré, ce que met en évidence un scénario tendanciel à l’horizon de 2020.»
Sans mesures de redressement, « la dette publique atteindrait dès 2012 le seuil de 90 % du PIB au-delà duquel, selon certaines études, la croissance du PIB pourrait être diminuée. La dette atteindrait 100 % du PIB en 2016 et dépasserait 110 % du PIB en 2020.» Et la Cour nous prédisait qu'alors la charge d’intérêts en 2020 « approcherait le seuil de 10 % des prélèvements obligatoires au-delà duquel le risque de dégradation des dettes des Etats devient particulièrement important ».
Ensuite, les mesures de redressement des comptes initiées par Sarkozy sont largement insuffisantes :
1. La réforme des retraites ne garantit pas le retour à l'équilibre des régimes : il manque 15 milliards d'euros par an pour le régime des fonctionnaires, et les prévisions gouvernement reposent sur un retour rapide au plein-emploi (qui permettrait un basculement des cotisations chômages en faveur du financement des retraites). Lundi 4 juillet, certains esprits amnésiques ont réalisé que la durée de cotisations ne cesserait d'augmenter, ce qui fait du régime français « l'un des plus durs d'Europe ». La Cour des Comptes prévient que « les risques pesant sur la prévision d’un déficit des régimes de retraite ramené à 2,6 Md€ en 2020 sont de l’ordre de 10 Md€ et le déficit à cette date pourrait donc être supérieur à 12 Md€.»
2. L'assurance maladie accumulera, malgré les coups de rabots ici ou là, quelques 35 milliards de déficits supplémentaires entre 2012 et 2018, avec les propres prévisions « optimistes » du gouvernement. De même, la branche famille génèrera quelques 17 milliards d'euros de déficit sur la même période.
3. Enfin, le vrai marqueur fiscal de Nicolas Sarkozy reste la maîtrise, voire la réduction des prélèvements obligatoires. Or c'est justement là que le bas blesse. Les défiscalisations successives initiées par Nicolas Sarkozy ont coûté 62% de l'aggravation du déficit public depuis 2007. La crise (perte de recettes et pla,s de relance) n'explique que les 38% restants.
On s'interroge, par exemple sur la défiscalisation des heures supplémentaires (« Il conviendrait notamment de vérifier que ces dispositions n’incitent pas les entreprises à substituer des heures supplémentaires fictives à des hausses de salaires.» notait la Cour des Comptes en juin dernier), qui coûtent 3,3 milliards d'euros par an.
Enfin, les dépenses fiscales ont été insuffisamment révisées. « Les recettes publiques devraient être accrues de 30 à 40 Md€ sur cinq ans, selon l’ampleur des économies de dépenses, pour atteindre un effort structurel total de réduction du déficit de 5 points de PIB » notait la Cour en juin dernier. Or les mesures du budget 2011 ne représentent que 13 milliards d'euros.
Qui dit mieux ?