En lisant l'interview du général Valotto (le CEMA italien), dans le dernier DSI, je tombe sur ce passage : "selon le dernier classement de Foreign policy , il y a aujourd'hui 37 Etats faillis". Cela fait pas mal de temps que j'achoppe sur ces adjectifs accolés à l'Etat : Etat-Nation, Etat voyou, Etat failli, Etat-providence, .... Mais c'est la première fois que je pense à un "classement". Il ne s'agit pas en fait d'un rangement ordinal (du premier au dernier) mais d'une catégorisation.
En effet, on a souvent classé les Etats selon leur développement économique : il y avait les Etats du tiers monde, ceux du monde socialiste, puis les Etats développés. Le phénomène de l'émergence a substitué le deuxième monde, socialiste, à un nouveau deuxième monde, émergent. On se reportera à ce billet, qui n'a pas pris une ride dix-huit mois après...
Mais si on catégorisait les Etats non en fonction de leur développement économique, mais politique ? Alors, on aurait la grille suivante :
- Etats faillis
- Etats dictatoriaux
- Etats politiquement émergents
- Etats démocratiques.
Immédiatement, je remarque qu'il y a une sorte de progression qui présente la démocratie comme l'Etat achevé du développement politique, ce qui peut être critiqué comme une vue très occidentale. Il reste que tous les Etats adhèrent aux Nations Unies : certes pour se faire reconnaître comme souverains. Mais ce faisant, ils adhèrent à la Charte qui promeut justement ces valeurs démocratiques. Je n'entre pas non plus dans le débat de la réalité de ces démocraties, imparfaites, oligarchiques, inachevées, etc....
Il va de soi qu'une telle catégorisation simplifie, et qu'on pourra me reprocher des limites imparfaites et des discontinuités entre catégories. Certes ! so what ? si cela permet de compendre ?
On a donc environ 20 % d'Etats faillis (avec d'ailleurs, quasiment dès sa naissance, le nouveau sud-Soudan). Mettons que nous ayons 35 % de dictatures et 35 % de démocraties : on devine que la vraie question est celle de ces démocraties émergentes, encore plus imparfaites. J'en vois plusieurs exemples : il peut s'agir bien sûr des nouvelles formules arabes (Tunisie, Maroc, voire Egypte) ou de structures plus anciennes (Russie, Géorgie).
La question est alors la suivante : la part des démocraties (pleines ou émergentes) augmente-t-elle dans le temps ? la part des Etats faillis aussi ? Et y a-t-il corrélation entre le développement politique et le développement économique, ou entre le parti au pouvoir (gauche droite) et le développement démocratique ? Y a-t-il recouvrement de l'émergence politique et de l'émergence économique ?
Autant de questions sans réponse.
O. Kempf