C'est la très grande conceptrice tchèque, Libuše Niklová (1934-1981), qui est à l'honneur dans la Galerie des jouets du Musée des Arts décoratifs de Paris depuis le 9 juin et jusqu'au 6 novembre 2011.
Cette créatrice a réalisé une œuvre gigantesque des années 50 à la fin des années 70. Très connue dans son pays, très peu en France, on lui doit des jouets qui sont devenus des classiques et qui ont marqué une génération.
Ses inventions l'ont rendue célèbre en Tchénie à l'instar de Bruno Munari en Italie, connu pour son singe Zizi, né en 1952 à la demande de la société Pirelli pour promouvoir la mousse de plastique, ou de la girafe, baptisée Sophie parce que ce prénom était celui de son jour de naissance, en Haute-Savoie, dans la société Vulli, en 1961. Sophie était d'ailleurs en latex naturel, peinte avec des coloris alimentaires afin qu'elle puisse être portée à la bouche sans provoquer d'intoxication.
Les pièces les plus anciennes sont exposées dans la première vitrine de part et d'autre du petit veau qui fut la première création en 1956. Les animaux sont alors très réalistes et peints à la main. Ils obéissent à de sévères critères d'hygiène et de solidité. On doit pouvoir les presser et les plier. Il faut qu'ils émettent un son pour contribuer à remplir chez les enfants, dès l'âge de 4 mois, une fonction d'éveil sensori-moteur à travers la vue, le toucher, l'ouïe et même le goût puisqu'on peut les mordiller. Le jouet tchèque s’inscrit dans la tradition du jouet en bois issu du mouvement Artel, mouvement moderniste d’art appliqué du début du XXe siècle, essentiellement actif à Prague, et marqué par la très forte influence du cubisme français, en particulier inspiré par Picasso. Une section est consacrée aux jouets.
Après la Seconde Guerre mondiale, et les firmes se tournent vers le plastique qui avait été inventé au XIX° siècle pour imiter l'ivoire des boules de billard et les matières précieuses. Il a permis de remplacer la soie des parachutes et le caoutchouc des pneus, d'où un essor gigantesque après la seconde guerre mondiale quand le bois est devenu un matériau trop cher à exploiter.Libuše Niklová passe son enfance et sa jeunesse à Zlín en Moravie, qui est la ville marquée par l'entreprise de chaussures de Tomas Bata. C'est pour avoir étudié la mise en œuvre du plastique pendant ses études que la jeune femme a pu devenir la spécialiste du jouet en plastique. Quand elle effectue un stage chez Dumotex Breclav le département design n'existe pas encore. Elle conçoit d'abord des animaux en mousse sur armature métallique. Elle évolue très vite vers les PVC, qui sont des plastiques rigides, puis elle se tourne vers les plastiques souples et la stylisation prend le pas sur le réalisme.
Entre le milieu des années 1950 et le milieu des années 1960 elle va créer pour la firme Gumotex Breclav qui l'embauche comme designer toute un ensemble de figurines incarnant les métiers. Très vite on intègre la tradition avec les personnages du cirque, les petits métiers comme le ramoneur et finalement des personnages de la modernité comme les motards et les cosmonautes. Tout au long de cette période Libuše Niklová n'aura de cesse de simplifier les formes et les silhouettes de ses personnages.
Après avoir exploité les propriétés du plastique souple et dur, Libuše Niklová met au point une gamme très riche de jouets gonflables pour la firme Fatra Napajedla de 1963 à 1981.
Durant ces années, elle est à l’origine de plusieurs inventions pour lesquelles elle dépose des brevets, notamment pour cette série de culbutos, composés en deux parties. Le bas est rempli d'eau et le haut se gonfle d'air.
Elle puise son inspiration dans les contes traditionnels comme le Petit Chaperon Rouge ou Hansel et Gretel (ci-contre) en soignant toujours le sens du détail. Elle a privilégié les motifs vifs et gais, plus ou moins stylisés aux contrastes colorés, déployant différents effets d’optique.
En 1963, elle a l’idée géniale de se servir d’un tuyau d’évacuation souple qui émet un son lorsqu’on le presse pour constituer le corps en accordéon de cette série de petits animaux et de nourrissons. L’ingéniosité de ces jouets réside aussi dans le fait que l’on peut les démonter et les assembler comme des jeux de construction. Le Chat, connaît un succès immédiat.
Il est suivi, entre autres, d’un Lion (1964), du Chien Rafan (1965) et de la Chèvre (1965).
Le jouet en plastique industriel et standardisé est né. Il est vendu dans un emballage assorti et conçu pour que l'enfant ne soit pas passif, mais acteur. C'est lui qui effectue le montage.
La créatrice synthétise parfaitement les trois domaines avec lesquels le designer doit composer : le matériau, l'usage et l'esthétique.
La designer va aussi imaginer de petits sièges amusants, légers pour que les enfants puissent les déplacer facilement, en forme d’animaux qu’elle rend encore plus vivants en les équipant de yeux mobiles et en y incorporant un petit sifflet.
C'est toujours le même principe d'assemblage entre une plusieurs parties soudées entre elles. Par contre les couleurs n'obéissent plus à la réalité. Nous sommes directemetn entré dans un monde imaginaire, tout en continuant d'accorder de l'importance aux éléments caractéristiques de l'animal ou du personnage.
Voici donc le Buffle rouge (1971), l'Éléphant bleu (1972) et la Girafe jaune (1971), qui demeurent parmi ses créations les plus populaires. On les voit dans la vitrine, posés sur les billes qui sont celles qui sont utilisées fondues pour produire les jouets gonflables.
Il se dégage quelque chose de magique de l'objet gonflable qui nait sous les yeux. Leur manque de résistance est un défaut qui va être pallié par la commercialisation d'une colle spéciale. Néanmoins on est dans un monde qui change et où les objets ne sont plus faits pour durer.
Gumotex et Fatra existent toujours mais elles ne font plus de jouets. Les jouets-sièges n'étaient plus commercialisés depuis 1990 et il a fallu cette rétrospective, réalisée à l'initiative de son fils, pour que quelques-unes de ses pièces soient de nouveau disponibles.
Quelques années plus tard les jouets investissent les plages et la sérigraphie permet la répétition des motifs.
Plus de 120 jouets sont réunis et retracent ainsi l’ensemble de la carrière de l’artiste, depuis ses tout premiers projets jusqu’aux objets manufacturés, en passant par la présentation de dessins et de modèles en plâtre.
Depuis la galerie des jouets le visiteur a une vue plongeante sur une autre exposition qui, vue d'en haut semble être constituée de modèles réduits. mais ces "jouets" n'en sont pas. Il suffit de comparer ces modèles à la taille des enfants et des adultes qui les admirent.
Plastique ludique : Libuše Niklová (1934-1981), designer de jouets
du 9 juin 2011 au 6 novembre 2011
Musée des Arts décoratifs - galerie des jouets
L'Art de l'automobile. Chefs-d'œuvre de la collection Ralph Lauren
du 28 avril 2011 au 28 août 2011
107 rue de Rivoli
75001 Paris
Tél. : 01 44 55 57 50
www.lesartsdecoratifs.fr
Heures d’ouverture du mardi au dimanche de 11h à 18h, nocturne: jeudi de 18h à 21h, fermé le lundi
Accès gratuit pour les moins de 26 ans.