Parmi les quelques rituels du vendredi soir que j'affectionne tout particulièrement se trouve notamment le plaisir de lancer un period drama anglais pour s'évader et conclure une semaine pesante. Hier, devant ma DVDthèque, j'ai finalement opté pour une mini-série atypique, mélange des genres assez savoureux et pour laquelle j'éprouve une tendresse particulière : Lost in Austen. Composée de 4 épisodes de 45 minutes chacun, elle fut diffusée sur ITV en 2008.
Dotée d'un indéniable charme, cette fiction s'adresse tout aussi naturellement au profane qu'au plus fidèle lecteur de Jane Austen, lequel y trouvera sans aucun doute une saveur particulière. Par sa fraîcheur et l'attrait naturel que cet univers familier exerce sur le téléspectateur, qu'il ait lu le livre d'origine ou vu une adaptation portée à l'écran, Lost in Austen est une de ces mini-séries agréablement dépaysante qui laisse libre court à notre imagination en proposant sa propre version de Pride & Prejudice.
Amanda Price est une anglaise, moderne, vivant à Hammersmith. Pour tromper son quotidien et s'évader d'un job guère épanouissant et d'un petit ami avec lequel la relation est des plus distendue, elle se plonge dans son livre préféré, qu'elle connaît désormais par coeur : Orgueil & Préjugé. Rêvant de l'univers couché sur le papier par Jane Austen, de cette société galante, mais aussi de cet amour naissant et se fortifiant entre Elizabeth et Darcy, la jeune femme n'hésite pas à s'isoler toute une soirée en tête à tête avec son roman. Or un jour, qu'elle n'est pas sa surprise de tomber nez à nez, dans sa salle de bain, sur Elizabeth Bennet, en chair et en os. Un portail, dissimulé, semble faire le lien entre le monde réel du présent et le passé issu de la littérature.
Incrédule, Amanda franchit cette porte qui paraît lui ouvrir la voie vers ses rêves. Mais le passage se referme derrière elle, laissant Elizabeth à sa place dans le présent, tandis qu'Amanda se retrouve invitée par les Bennet à rester quelques jours, puisque leur autre fille s'est, croient-ils, rendue à Hammersmith (le leur). Piégée dans ce monde qu'elle connaît sur le bout des doigts, Amanda se fixe rapidement pour mission de s'assurer que toutes les rencontres à venir se déroulent fidèlement au livre d'origine dont elle s'apprête à vivre les différents évènements marquants. En effet, le lendemain matin, Mr. Bingley, nouveau voisin, rend visite à la maisonnée, les invitant à une réception chez lui. Malgré elle, Amanda sent son coeur s'emballer à cette perspective : elle s'apprête à rencontre Mr. Darcy.
Lost in Austen est une mini-série qui entremêle les genres et les tonalités pour proposer un appel à l'évasion des plus attrayant. Une partie du charme réside d'ailleurs dans sa capacité à nous immerger aux côtés de l'héroïne dans ce cadre familier tout droit sorti de la littérature. La narration joue sur les contrastes entre les conventions sociales du début du XIXe siècle et le franc parler plus que direct d'Amanda pour délivrer une sorte de fiction moderne en costume. Le style soigne son anachronisme calculé, proposant un réel décalage lors de certaines scènes qui ne manquent pas de références et de clins d'oeil. Cette absence de rigueur convient d'ailleurs parfaitement à l'ambiance. Ce n'est pas une reconstitution, mais bien une fantaisie qui se vit et qui prend peu à peu un tournant très humain d'où vont naître plus d'émotions que l'on aurait pu imaginer.
En effet, Lost in Austen va parfaitement savoir capitaliser sur son concept : adaptation libre, elle s'offre sa propre re-écriture d'Orgueil & Préjugé. Si les protagonistes sont les mêmes, Amanda vient jouer malgré elle les troubles-fêtes tout en ayant à coeur de permettre à tous les couples "destinés" l'un à l'autre de se former. Si bien que, bientôt, ce n'est plus la version de Jane Austen, mais une voie indépendante que suit le récit. Au plaisir de retrouver ces figures connues, que nous découvrons à travers le regard chargé de préconceptions d'Amanda, se substitue ensuite la saveur tout particulière de découvrir d'autres facettes de ces personnages si emblématiques. Si Mr. Darcy se montre encore plus sec et arrogant que dans notre imaginaire de lecteur, Wickham se révèle sous un jour autrement plus sympathique. C'est d'ailleurs dans cette émancipation, consacrée dans la deuxième partie, que Lost in Austen trouve vraiment son ton juste, provoquant avec aplomb des changements importants.
D'observateur extérieur, Amanda devient peu à peu une participante incontournable de l'histoire, impliquant d'autant plus le téléspectateur dans cet Orgueil & Préjugé qui se reconstruit finalement sous ses yeux, et assumant pleinement ce statut de fantasme littéraire devenant réalité.
Le dynamisme dont fait preuve Lost in Austen pour s'approprier avec modernité ce récit classique se ressent également sur la forme. Si la réalisation se permet quelques scènes introductives au parfum un peu irréel que l'on a l'impression de voir tout droit sorties du roman ou des fantasmes d'Amanda, dans l'ensemble, la photographie, très claire, offre des images riches en couleurs, où la dualité présent/passé joue pleinement. C'est frais, plaisant pour les yeux et agréable à suivre. Pour compléter l'ensemble, un petit thème musical récurrent prolonge cette ambiance : le but apparaît vraiment de s'approprier les protagonistes de l'oeuvre pour s'offrir avec eux une forme d'évasion.
Enfin, le casting se révèle très sympathique. Parfois versant volontairement dans une forme de sur-jeu, il reste aussi très naturel. Jemima Rooper (Hex) incarne une Amanda Price vive et pragmatique, oscillant entre ses devoirs envers l'histoire d'origine et les passions de son propre coeur. Elliot Cowan (The Fixer, Marchlands) est un Darcy aux traits aristocratiques encore plus affirmés, tandis que Tom Mison joue un Mr. Bingley qui s'égare en s'éloignant de sa destinée. Du côté des Bennet, Alex Kingston (Urgences, Marchlands) et Hugh Bonneville (Downton Abbey) jouent les parents, tandis que Morven Christie (The Sinking of the Laconia), Perdita Weeks (The Promise), Florence Hoath, Ruby Benthal (Lark Rise to Candleford) et Gemma Arterton incarnent leurs filles. Enfin, on retrouve Tom Riley (Monroe) dans le rôle de Whickham.
Bilan : Faisant vibrer la fibre de l'imaginaire chère à toute personne connaissant l'oeuvre d'origine, Lost in Austen est une adaptation libre qui propose une immersion plaisante et attachante dans cet univers classique parmi les classiques de la littérature anglaise. Mini-série divertissante, appel détourné aux rêves, elle n'est certes pas dépourvue de quelques maladresses, mais c'est sûrement par sa simplicité qu'elle séduit. Son style direct, très franc, lui confère un charme frais par lequel le téléspectateur se laisse entraîner.
NOTE : 7/10
La bande-annonce de la série :