Histoire d’enfant – Peter Handke

Par Livraire @livraire

Gallimard
Traduit de l’allemand par George-Arthur Goldschmidt
Titre original : Kindergeschichte

Quatrième de couverture :
Il est peu de livres écrits avec une telle sincérité et une telle précision.
Ce qui est raconté – la vie d’un adulte et d’un enfant – n’est jamais ce qu’on attend mais toujours ce qui compte. Entre  » prétention au bonheur  » et violence contenue, leur existence quotidienne est un apprentissage réciproque. De la naissance à sa sixième année, l’homme vit avec son enfant en Allemagne ou à Paris où a lieu le premier contact avec l’école, celle  » du seul peuple à pouvoir être appelé ainsi  » d’abord et une école de banlieue ensuite.
Ce livre grave et généreux a la puissance d’une épopée puisqu’il fait voir dans la relation entre un adulte et un enfant cela même à quoi on ne prête jamais attention et qu’on élude sans cesse, ces petits faits d’une exceptionnelle grandeur.

Mon avis :
Après une lecture un peu décevante de La faim de Knut Hamsun, j’ai enchaîné sur Histoire d’enfant. Peter Handke est encore un de ces auteurs autour duquel il m’était arrivé de tourner sans jamais savoir par quel biais l’aborder, comme si, dans certains cas, un déclic, ou dans le cas présent un passeur -bien que j’ai l’expression en horreur, trop galvaudé dans le milieu du Livre- était nécessaire. Au passage, cette forme de nécessité peut s’avérer délicate, parce que tout le monde ne possède pas la même sensibilité littéraire, sans même s’aventurer sur le terrain des goûts, et il est terriblement gênant de se retrouver à dire à une personne qui tente de vous transmettre une lecture possible, que cette lecture, une fois effectuée était un pensum, ou que la simple manière dont votre interlocuteur parle du livre en question vous ôte pour un bon bout de temps l’envie d’essayer.

Histoire d’enfant est un livre dont le résumé tient en quelques mots : un homme vit avec son enfant, un peu en retrait des choses, et le regarde grandir et évoluer.
L’intérêt du texte ne tient pas tant à l’annonce de son contenu -et encore- qu’à la manière dont tout est ressenti. Nos vies ne sont, dans l’ensemble, pas tellement différente de ce que ce court roman exprime : dans la majorité des cas nous suivons des trajectoires banales, à quelques exceptions près, et résumées sur une feuille de papier nos existences toutes entières tiendraient en quelques mots ridicules, facilement renversables. La force du texte réside dans sa puissance d’évocation, dans cette observation discrète et constante des grands mouvements de l’existence.

Les personnages n’ont pas de nom, ne sont pas décrits, ils n’ont pas d’existence incarnée. Tout juste sait-on que l’enfant est une fille, et cette précision n’apporte quelque chose au texte qu’au moment où on l’apprend, le reste du récit se passant à merveille de toute obligation de genre.
Fragment par fragment, ce sont les riens du quotidien dépeint par une  voix que le détachement rend presque mystique. Tout l’universalité est là, il ne s’agit pas de la vie d’une famille, d’un homme se détachant progressivement de sa femme  et prenant soin de leur fille, mais de  deux sphères, l’une en dehors du monde et l’autre en dedans et d’un fragile équilibre qui s’établit. Dualité renforcée par les déménagements successifs, les changements de pays, les changements d’écoles, les liens précaires avec les autres enfants. Le seul petit reproche à ce récit serait dans l’utilisation de quelques lieux communs par rapport aux enfants et à l’avenir qu’ils représentent.

Histoire d’enfant est moins, à mes yeux, la description d’une relation avec un enfant que celle de la conscience diffuse d’une séparation progressive, de se retrouver en retrait de tout. L’écriture de Peter Handke ne comporte aucun mot superflu, tout est parfaitement à sa place au milieu de l’ensemble. Son traducteur, Georges-Arthur Goldschmidt, y est sans aucun doute pour beaucoup.