Antoine Blondin (1922-1991) romancier et journaliste est le fils de la poétesse Germaine Blondinet d’un père correcteur d’imprimerie. Après des études aux lycées Louis-le-Grand à Paris et Corneille à Rouen, il obtient à la Sorbonne une licence en lettres.
Sous l'Occupation, il est envoyé en Allemagne dans le cadre du STO, qui lui inspire L'Europe buissonnière (1949). Avec ce premier roman, il capte l'attention d'auteurs comme Marcel Aymé et Roger Nimier qui lui accordent aussitôt leur amitié. Le livre obtient le Prix des Deux-Magots.
D'autres romans et nouvelles suivent comme Monsieur Jadis ou l’Ecole du soir (1970), Quat’ Saisons (1975) etc.
Journaliste engagé il collabore à de nombreux journaux et notamment à la presse de droite : Aspects de la France, La Nation française et Rivarol. Il est aussi lié au groupe des Hussards et participe à la création des Editions de La Table ronde. Journaliste sportif également, il est l'auteur de nombreux articles parus notamment dans L'Équipe. Il suivra pour ce journal vingt-sept éditions du Tour de France et sept Jeux Olympiques, et obtiendra le Prix Henri Desgrange de l'Académie des sports en 1972.
Les Editions de la Table Ronde viennent de rééditer deux romans majeurs dans l’œuvre de Blondin, L’Humeur vagabonde (1955) et Un Singe en hiver (1959), en un seul volume. Magistralement imprimé sur un épais beau papier, les deux textes sont accompagnés chacun, d’un livret de photos et fac-similés d’articles de journaux de l’époque, d’extraits du manuscrit et du verbatim d’une émission de France Culture, où Blondin explique la genèse de ses deux livres. C’est somptueux, mais ce n’est rien comparé à ce que l’on va lire.
Dans L’Humeur vagabonde, Benoît un jeune provincial, marié et déjà père de famille quitte le domicile conjugal pour monter à Paris, poussé par sa mère afin de faire carrière. Son carnet d’adresses s’avèrera décevant, les portes restent closes, Paris n’a que faire de lui, « A part quelques amis, on n’y connaît vraiment que le dos des gens ». Revenant à l’improviste chez lui, il déclenche malgré lui un drame puisque sa mère tue sa belle-fille, la soupçonnant d’adultère. Ce fait divers malheureux le propulse à la une des journaux et les portes fermées hier, s’ouvrent maintenant en grand, les bourgeois s’encanaillant à le recevoir lors de leurs dîners. Ce vedettariat n’aura qu’un temps … La visite au cimetière du Père Lachaise est un moment d’anthologie, entré pour y déposer un bouquet sur une tombe et ne la trouvant pas il en ressort les fleurs sous le bras – cas de figure trop rare pour ne pas interpeller les gardiens des lieux puis la maréchaussée à laquelle Blondin aime bien décocher ses flèches assassines.
Avec Un Singe en hiver, nous montons d’un cran encore dans l’excellence pour atteindre au chef d’œuvre. Fouquet, un jeune divorcé s’installe dans un petit hôtel dela côte Normande, hors saison, pour se rapprocher incognito de sa fille en pension. L’hôtel est tenu par Quentin et sa femme, ils sont âgés, lui a fait serment de ne plus jamais boire d’alcool et elle, douce et calme, le couve craignant la rechute. Seul client, le jeune homme et les deux vieux vont créer entre eux, une sorte de lien familial obscure. Le jeune se cuite dans un café de la ville, diable séducteur auquel Quentin résiste sous l’œil inquiet de sa femme. L’un est jeune et vivant tentant de soigner ses blessures, femme partie et enfant qu’il n’a jamais élevée, l’autre est vieux et calme réfugié dans une vie monotone que seuls ses rêves nocturnes libèrent « Une nuit sur deux, Quentin Albert descendait le Yang-tsé-kiang dans son lit bateau ». Le roman confine au sublime non seulement par ses qualités intrinsèques, le style ample et exquis, les formules savoureuses qui roulent en bouche quand on le lit, les thèmes abordés, l’amitié et les rêves de vies devenues, le rôle de l’alcool « Si quelque chose devait me manquer, ce ne serait pas le vin mais l’ivresse » mais aussi parce que nous avons tous vu et revu la remarquable adaptation cinématographique par Henri Verneuil (1962) avec Jean Gabin le patron bourru et grande gueule discourant sur la Chine, Jean-Paul Belmondo et sa gouaille goguenarde improvisé toréador à un carrefour routier et Suzanne Flon, délicieuse et discrète épouse de l’hôtelier. Quand on entre dans ce roman, ce sont leurs voix familières qui nous font la lecture, le film et le livre se confondent, une expérience extraordinaire. Un bouquin indispensable pour des moments de lecture inoubliables, Noël est encore loin mais n’attendez pas pour vous faire ce cadeau.
Antoine Blondin L’Humeur Vagabonde – Un Singe en hiver La Table RondeUn extrait du film d’Henri Verneuil :