Régine Detambel, dans ce livre paru en 2000, évoque ce que font sur les enfants les blessures, les brûlures, les cicatrices, comme autant de blasons, non seulement parce qu’elle les décrit avec une grande précision qui en appelle à tous les sens, mais aussi parce qu’elles ont l’apparence des éclats portés sur les boucliers, autre synonyme de blasons.
Cet ouvrage m’en a rappelé deux autres : Graveurs d’enfance, parce que souvent les égratignures, les coupures, sont causées par les objets du quotidien scolaire, et Petit éloge de la peau, parce qu’il s’agit ici toujours de cette surface qui nous met en contact avec « l’angle rugueux du monde ».
Chaque petit texte raconte l’accident, décrit la plaie, en rappelle le goût salé ou fade dans une écriture étonnante de précision sans être médicale. C’est en éveillant en nous les sensations que nous avons oubliées des gerçures (causées peut-être par les gros mots), des hématomes (« qui forment une suite ininterrompue de couleurs »), d’une morsure de la langue, de l’aphte « qui rend tout imprononçable », du bouton de fièvre qui « se manifeste au moment où le bonheur est à son comble », que l’auteur nous ramène au corps, à l’expérience du monde que nous faisons sur nous-mêmes. Elle fait couler d’une page à l’autre des couleurs étonnantes, de translucide (« à peine si elle suinte ») jusqu’à garance qui a le dernier mot.