Par Philip Booth et Alberto Mingardi (publié initialement dans le Wall Street Journal Europe en anglais)
Dans les années 1960, Ronald Reagan a pu dire qu’il n’y avait pas de réponse facile aux problèmes alors croissants des USA, mais qu’il y avait des réponses simples. D’une certaine manière, l’Europe d’aujourd’hui ressemble à la vision de Reagan sur l’Amérique d’alors. L’avenir de la zone euro ne semble pas brillant. Pourtant, il y a des réponses simples aux problèmes de la zone euro, mais nous manquons de dirigeants ayant le courage politique de les mettre en place. A chaque événement, l’élite politique européenne fait montre de sa myopie et de sa préférence pour la facilité.
Première question pour l’UE : comment se sortir du désordre dans lequel se trouve la zone euro ? L’adoption de l’euro a apporté certains avantages à ses membres. Elle a, en particulier, « dépolitisé » la politique monétaire dans un certain nombre de pays dont les gouvernements avaient traditionnellement avili leurs monnaies. L’adoption de l’euro a cependant empêché la politique monétaire de s’ajuster aux chocs et a conduit à des bouleversements économiques chez certains de ses membres.
Les membres de l’eurozone n’ont que deux options. Les deux sont simples, mais aucune n’est facile. La première consiste en une libéralisation sérieuse, en particulier du marché du travail, afin de s’assurer que leurs économies soient assez souples pour réagir aux chocs. La seconde est d’envisager une rupture de la zone euro.
Si les dirigeants de l’UE refusent obstinément de libéraliser les marchés du travail, il faut alors envisager la fin de la zone euro en tant que zone de monnaie unique. Cela pourrait se produire d’une façon désordonnée, lorsque les niveaux de chômage et d’endettement conduiront à des troubles sociaux graves. Il serait préférable que cela se produise de façon ordonnée.
Malheureusement, les traités de l’UE ne permettent pas une transition ordonnée du fonctionnement de la politique monétaire dans la zone euro : un membre de la zone euro ne peut pas se retirer de l’euro sans également se retirer de l’UE.
Si l’éclatement de l’euro devient inévitable mais qu’il n’est pas encore constitutionnellement permis, une ombre va planer sur la monnaie unique et le résultat final pourrait être catastrophique. En outre, les investisseurs n’auraient pas confiance dans les monnaies des nouveaux membres sortants, si l’éclatement devait se produire, rendant l’inflation très difficile à contrôler dans ces pays.
Mais il y a une alternative à la destruction complète de la zone euro : la concurrence monétaire. L’euro devrait devenir une monnaie commune, en concurrence avec les autres devises – comme cela avait été envisagé par le gouvernement britannique dans les années 1990 – et non une monnaie-monopole. Les traités doivent être modifiés pour permettre à tout gouvernement de la zone euro de donner cours légal à toute autre monnaie qu’il souhaite parallèlement à l’euro – y compris une nouvelle monnaie locale, des monnaies émises de manière privée, la livre sterling ou encore le dollar. L’Allemagne, par exemple, pourrait opter pour garder uniquement l’euro ; l’Irlande, la livre sterling, une nouvelle devise et l’euro. Aucun pays ne serait en mesure de se retirer de l’euro, mais aucun pays ne serait obligé d’avoir l’euro comme seule monnaie ayant cours légal.
L’existence de monnaies concurrentes au sein de l’UE permettrait de s’assurer que la pression a été maintenue sur la BCE pour que l’euro soit une monnaie à faible taux d’inflation. Selon ce plan, les entreprises pourraient continuer à utiliser l’euro, les contrats pourraient être libellés et réglés en euros, mais également dans les nouvelles monnaies nationales. Les coûts de transaction seraient maintenus à niveau faible et le commerce au sein de l’UE serait toujours facilité par l’existence d’une monnaie commune. La concurrence entre devises, ainsi qu’une monnaie commune remplaceraient le monopole monétaire et la monnaie unique.
Même si cette stratégie peut fournir un moyen d’aplanir les problèmes monétaires de l’UE, elle ne traiterait pas le problème de l’endettement des États. La dette de la Grèce représente 126,8% de son PIB et celle de l’Italie, 118%. L’Irlande, si elle n’a pas les mêmes problèmes structurels que les autres pays endettés, a également une dette nationale croissante. Il n’est ni souhaitable ni possible que la zone euro porte ces fardeaux de manière centralisée.
On croit communément que la sortie de l’euro fournira un moyen facile de se débarrasser du fardeau de la dette par l’inflation. C’est faux : les engagements de ces pays sont libellés en euro et le resteront même si un pays quitte l’euro. La méthode avec laquelle nous proposons de mettre un terme à une zone de monnaie unique assurera que ce fait est bien clair.
Concernant la politique budgétaire, il n’est pas souhaitable de renflouer des États endettés par le biais d’une entité centrale de l’UE. La réponse simple au problème de l’endettement – qui ne nécessite aucune avancée vers la centralisation budgétaire au niveau européen – est de laisser la question de la dette publique à régler entièrement entre les États et leurs créanciers. Les États pourraient faire défaut sur leur dette et leurs créanciers pourraient souhaiter prendre des mesures pour saisir des actifs en compensation, comme l’a d’ailleurs suggéré le professeur Robert Barro. La dette future pourra être émise dans n’importe quelle devise souhaitée par l’État concerné : la gestion de la dette des États ne devrait pas concerner l’UE ou la BCE.
Toutes ces mesures favoriseront la concurrence, la stabilité monétaire et la décentralisation au sein de l’Union européenne. Nous devons considérer les mauvaises créances pour ce qu’elles sont. Nous ne pouvons plus les packager et les repackager, prétendant que les futures générations de contribuables seront en mesure de régler la facture. Nous avons besoin d’une Union européenne qui met la décentralisation et la concurrence en son cœur, plutôt que la centralisation et le monopole. Ce processus devrait commencer en matière de politique monétaire et budgétaire. De manière urgente.
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Phillip Booth est directeur éditorial et directeur de programme de l’Institute of Economic Affairs à Londres et professeur d’assurance et de management du risque à la Cass Business School. Alberto Mingardi est directeur général de l’Istituto Bruno Leoni à Milan.
Cet article a été publié initialement en anglais dans le Wall Street Journal Europe et que la traduction en français a été effectuée par www.UnMondeLibre.org pour la publication originale en français. Reproduit avec l’aimable autorisation d’Emmanuel Martin.