Avec son sujet ordinaire, Blue Valentine aurait pu passer inaperçu. Pourtant, le film a été sélectionné à Sundance et à Cannes (section Un certain regard), et Michelle Williams a même été nominée à l’Oscar. Parce que Blue Valentine, précis et follement sincère, arrive à montrer un amour qui meurt. Parce qu’il se dégage de ce film quelque chose de rare : une vraie tristesse.
Synopsis : A travers une galerie d’instants volés, passés ou présents, l’histoire d’un amour que l’on pensait avoir trouvé, et qui pourtant s’échappe…
Deux époques s’entrecroisent, deux histoires semblent se contredire. D’un côté, le quotidien d’un couple en crise, les disputes, les frustrations, la vie de famille. De l’autre, les moments exceptionnels de la rencontre amoureuse, les minauderies de la séduction, le bonheur de la passion. Entre ces deux moments de la vie d’un homme et d’une femme, quelques années seulement. Quelques années, le poids d’une vie immobilisée par le choix définitif de fonder une famille, les mêmes défauts de l’un qui se frottent toujours aux mêmes agacements de l’autre et réciproquement, et la passion s’est fanée, il ne reste qu’un amour mort, d’autant plus insupportable qu’on l’a rêvé immortel.La rencontre amoureuse et, bien plus tard, la rupture, comme si dans l’amour il n’existait que ça, la naissance et la mort. Condamné à être toujours plus fort s’il ne veut pas immédiatement s’affaiblir. Blue Valentine, en faisant le choix de ne rien montrer entre ces deux périodes de la vie de Dean et Cindy, frotte l’un à l’autre ces processus qui semblent pourtant s’exclure. Comment peut-on aimer assez fort pour que rien d’autre n’ait d’importance et, (presque) l’instant d’après, ne plus supporter l’autre, s’ennuyer de tous ses gestes, de toute sa personne?
Blue Valentine montre avec beaucoup de vérité et de cruauté la décristallisation amoureuse dont parlait André Gide dans Les Faux-monnayeurs.
Tout dans l’image, son cadre imprécis et mobile, sa lumière naturaliste, sa mise au point approximative, rapproche Blue Valentine d’un film de famille, d’une captation du vrai. Les personnages parfaitement dessinés et les situations triviales renforcent encore le réalisme d’une romance qui aurait pu paraître démonstrative.
Heureusement pour Blue Valentine, la sincérité qui semble éclairer chaque plan permet au spectateur de ne jamais s’interroger sur le simplisme d’un scénario sans originalité. Au contraire, Derek Cianfrance arrive à dire avec évidence toute la tristesse qu’il y a à ce qu’un grand amour ne soit pas éternel. Et dans sa volonté de retrouver l’amour originel étouffé sous le poids de la vie commune, le film rappelle même parfois le chef d’oeuvre de Michel Gondry, Eternal Sunshine of the spotless mind.
Mais dans Blue Valentine, le champ des possibles est verrouillé. Au bout d’une histoire d’amour, il n’y a que la solitude, l’amertume, et des souvenirs d’autant plus douloureux qu’ils sont devenus incompréhensibles.
Note : 6/10
Blue Valentine
Un film de Derek Cianfrance avec Ryan Gosling et Michelle Williams
Romance – USA – 1h54 – Sorti le 15 juin 2011