Créés le 23 octobre 1958 par Peyo, alias Pierre Culliford, les Schtroumpfs ont envahi la Terre entière. Trois ans après le cinquantenaire de l’une des séries BD les plus emblématiques de l’imaginaire belge, les petits gnomes bleus traduits en 25 langues font l’actualité cet été. Le Lombard a publié en avril dernier le T.29 de la série qui se classe toujours parmi les meilleures ventes d’albums du semestre et débute une nouvelle série . L’éditeur de Spirou, où la série est née, Dupuis réédite l’un des albums les plus marquants, Le Schtroumpfissime, 1a première longue aventure publiée, avec les commentaires érudits d’Hugues Payez. Sans image, Antoine Buéno publie chez Hors Collection un essai Le Petit Livre bleu, une analyse critique et politique de la société des Schtroumpfs. Enfin, Columbia Pictures et Sony Pictures Animation sortent l’adaptation cinématographique en 3D et Ubisoft sortira le jeu vidéo tiré de la série et du film. Autant d’occasions pour revenir sur une étonnante réussite et longévité, tant au plan du 9e art que du markéting.
Curieusement, Les Schtroumpfs sont, comme de nombreuses recettes de cuisine fameuses, créés par hasard et sans l’idée d’en faire une série à part. Peyo travaillait chez Spirou sur sa série Johan et Pirlouit. Pour l’épisode La Flûte à six trous, il intègre quelques petits bonshommes, genre de lutins bleus en collant blanc et bonnet phrygien tout aussi blanc, à l’exception de leur chef vêtu de rouge. Outre leur accoutrement et leur couleur bleue, leur particularité réside dans leur langage simplifié attribuant à « schtroumpf » des traductions infinies mais une signification quasiment unique dans le contexte de la phrase. Cette petite société de petits hommes insolites suscite rapidement l’engouement du public au point que le rédacteur en chef du magazine Yvan Delporte demande à Peyo de poursuivre des nouvelles aventures à ces petits hommes hauts comme trois pommes sans Johan ni Pirlouit.
Le public va continuer à suivre la trentaine d’albums et les nombreux hors séries, albums dérivés, publicitaires ou d’histoires courtes de la série publiée chez Dupuis, de manière éphémère chez Cartoon Creation (édition familiale de Peyo) et depuis 1992 au Lombard. Aujourd’hui plus de 25 millions d’albums ont été écoulés dans le monde entier en 25 langues ! La série deviendra aussi très vie un dessin animé jusqu’à devenir un film prochainement où les schtroumpfs en 3D rencontreront de vrais acteurs. Sa notoriété universelle s’est aussi accompagnée de la production de produits dérivés, et notamment des figurines miniatures démarrées comme cadeau dans une boîte de céréales. Contrairement à ce qui se passera plus tard pour d’autres séries, l’éditeur n’a pas touché des droits sur cet immense business, propriété de la famille Peyo, soit plus de 3000 produits dérivés vendus à plusieurs millions d’exemplaires. La série a aussi son magazine Schtroumpf mag.
La disparition de Peyo en 1992 n’a pas signé l’arrêt de la série, contrairement à Hergé et son célébrissime Tintin. Peyo travaillait aussi avec un studio où de nombreux auteurs sont passés comme Derib, François Walthéry ou Bernard Swyssen ; Roba ou Gos ont aussi contribué au dessin comme Yvan Delporte au scénario. Son épouse Nine, coloriste de la série, à qui Peyo attribue le choix de la couleur bleue, s’assure avec son fils Thierry et sa fille Véronique de sa poursuite. Les nouveaux épisodes sont écrits par Thierry Culliford avec Alain Jost et Luc Parthoens et dessinés par Ludo Borecki, Jeroen De Coninck, Pascal Garray ou Alain Maury.
Le succès de la série est de pouvoir plaire à toutes les générations et de pouvoir se lire à plusieurs niveaux. Cette société des Schtroumpfs parle de la société des hommes, en critique ses travers et se bat régulièrement contre un ennemi, l’infâme Gargamel et son chat odieux. Ils sont toujours 100, âgé de 100 ans au moins (le Grand Schtroumpf a 542 ans) et montrent une société finalement immuable, malgré ses vicissitudes. Les derniers albums ont pris une direction plus pédagogique et aborde des questions éducatives. L’UNICEF a d’ailleurs utilisé les Schtroumpfs comme ambassadeurs. Pourtant certains détracteurs attaquent le mythe et se demandent comme Antoine Buéno si cette société imaginaire n‘est « un archétype d’utopie totalitaire empreint de stalinisme et de nazisme ». Le biographe de Peyo, Hugues Dayez semble justement lui répondre en disséquant l’album Le Schtroumpfissime qui condamne la dictature. Ce sera l’objet de deux prochains épisodes avant un dernier qui présentera le film à sortir en début août dans les salles de l’univers !
Photo à Angoulême en 2008 © Manuel F. Picaud
______________
Les Schtroumpfs - T.29 : Les Schtroumpfs et l'arbre d'or - du Studio Peyo - Le Lombard - 8 avril 2011 - 10,45 €
L'Univers des Schtroumpfs - T.1 : Gargamel et les Schtroumpfs - du Studio Peyo - Le Lombard - 30 juin 2011 - 10,45 €
Photos et illustrations © Peyo / Le Lombard sauf spécifié