Philip Seelen et JLK ont participé au Festival des désespérés culminant lors de la Nuit de la Saint-Jean...
Sur la scène du charmant théâtre aux ornements décatis, devant la salle pleine, le Maestro, entouré de cinq jeunes comédiens, deux filles et trois garçons, a commencé la cérémonie en se lavant les mains dans une sorte de cuvette rituelle évoquant un baptistère, puis il a regagné la table derrière laquelle il a dirigé le spectacle, un peu comme un meneur de jeu, pour ne pas dire un marionnettiste à figures humaines…
Comme dans ses balades du temps présent (à commencer par La Patience du brûlé), et comme dans ses collages, le Maestro excelle à l’art du patchwork signifiant, et c’est ainsi que sa variation sur le thème du fameux Helter skelter des Beatles, convoquant Charles Manson et Hitler dans la même évocation du Mal, s’inscrit dans le droit fil de sa poésie qu’on pourrait dire « idéophore », comme c’était la vocation même du Teatro dei Sensibili.
Bref, tout cela est bel et bien du pur Ceronetti, grinçant et tragique, tendrement lyrique aussi, et c’était touchant de voir autour de lui, complices malicieux ou prévenants, affectueux ou parfois impatients, ses jeunes et très talentueux disciples du Teatro dei Sensibili.
Il nous explique ainsi que, dans son état actuel, comptant sept comédiens, le Teatro dei Sensibili rassemble des acteurs de toutes les régions d’Italie, qui se retrouvent de temps à autre pour travailler avec le Maestro, comme pour cette dernière occurrence après laquelle ils restent dans l’incertitude.
Passionné par l’enseignement du théâtre, Filippo Usellini, en charge du rôle de Nicolas dans les personnages emblématiques du Teatro dei Sensibili, a eu deux autres grands maîtres en les personnes d’Ariane Mnouchkine et de Sotigui Kouyaté, mais on lui sent une tendresse particulière pour le Maestro, dont le despotisme de vieil enfant le fait également sourire…
« Ce qui est exceptionnel, avec Guido, c’est que c’est un poète au sens antique du mot, et donc pas seulement sur le papier. Il vit la poésie autant qu’il l’a compose. La connaissance qu’il nous transmet est essentiellement vivante, et c’est sur scène que ça se passe, comme cela s’est passé hier soir. Nous travaillons certes sur un canevas, nous s avons à peu près ce que Guido attend de nous, mais à chaque fois il y a une part d’improvisation, et la possibilité de variantes qui dépendent de nos inspirations du moment. Guido m’a énormément apporté du point de vue de la liberté de pensée. Il nous aide à vivre par sa propre vitalité et sa jeunesse d’esprit...»
Guido Ceronetti. Ti saluto mio secolo crudele ; mistero e sipravvivenza del XX secolo. Einaudi, 124p.
La dernière livraison du Passe-Muraille, No 86, de Juin 2011, a consacré son ouverture à une présentation de Guido Ceronetti.
Images: Philip Seelen