Lorsque l’univers musclé, glacé, tendu de Schoendoerffer (Agents secrets, Truands) rencontre celui du romancier Jean-Christophe Grangé (Les Rivières Pourpres), cela donne Switch, titre américain pour une œuvre qui se verrait bien rivaliser avec les ricains sur le terrain du film d’action à tiroirs et de l’efficacité. Sauf que. On est bien loin d’un film de Fred Cavayé. L’histoire de cette jeune québécoise, 25 ans, sans amis, copain ni boulot (oui, ça fait beaucoup) qui quitte Montréal pour rejoindre Paris peine à convaincre. Pourquoi donc ? Déjà parce que Grangé recycle. [SPOILER] Ses personnages féminins, ses doubles, ses obsessions génétiques et autres psychoses sororales, il nous les ressort à toutes les sauces. [FIN DU SPOILER]. Ensuite parce qu’il s’adonne à une surenchère d’invraisemblances plutôt poussive : les flics multiplient les bourdes, la fragile montréalaise lambda a tout d’une sportive surentraînée, les coïncidences scénaristiques pleuvent au milieu de mauvais dialogues. Quant aux possibles des villes de Paris et Montréal, ils sont réduits à des visions de dépliants publicitaires.
Dans ce n’importe quoi général, irrésistiblement drôle par ailleurs, Cantona a beau sortir le grand jeu (moue ténébreuse et barbe de trois jours), on ne croit à rien, pas une seconde. Que reste-t-il alors à sauver de ce Switch bancal et désincarné ? L’habileté du cinéaste surtout, au top lorsqu’il s’agit de capter la nervosité d’une course poursuite, le rythme de l’avancée de l’enquête, l’épuisement de corps qui courent et que l’on abîme. La photographie est impeccable, les deux interprètes féminines également : Karine Vanasse, très convaincante, et Karina Testa, géniale lors de ses quelques apparitions. Après L’Empire des loups, Le Concile de Pierre, et la palme pour Vidocq, on commencerait presque à croire qu’écrits de Grangé et pellicule ne font pas bon ménage.