Le Secours catholique a publié sur son site un entretien avec Muhammad Yunus, promoteur du microcrédit, fondateur de la Grameen Bank et Prix Nobel de Paix en 2006. Depuis la publication de son livre "Pour une économie plus humaine", Yunus défend le social business et le développement des partenariats public-privé (PPP) dans un esprit d'économie sociale. Parmi ces initiatives, on peut citer le joint-venture Danone-Grameen pour créer un yaourt enrichi en nutriments destiné aux enfants du Bangladesh ; ou encore le projet Grameen Veolia Water, permettant de distribuer de l'eau potable à un village au Bangladesh. Muhammad Yunus profite également de cet entretien pour condamner les dérives de la microfinance. Selon lui, il faut imposer des limites aux taux d'intérêt des microcrédits.
Y a-t-il des limites au social-business ?
Non, aucune. Cette économie possède un potentiel énorme compte tenu du nombre de pauvres. Imaginez le nombre d’entreprises sociales que nous pourrions créer rien que pour permettre l’accès de chaque foyer à l’énergie ! Des sociétés seraient créées pour distribuer à prix abordable des panneaux solaires à chaque famille. Leur objectif ne serait pas de faire du profit mais de protéger la planète. J’ai créé en Haïti un fonds pour le social-business. Au lieu d’attendre que les institutions internationales reconstruisent le pays, j’encourage les Haïtiens à créer des entreprises sociales afin de relever leur économie nationale. Par ailleurs, le social-business ne se limite pas aux pays pauvres, il peut également se développer dans les pays riches, comme aux États-Unis, pour améliorer l’accès à la santé, par exemple. Il n’y a pas d’obstacle au développement du social-business car la créativité humaine n’a pas de limite [...] Le monde doit simplement réussir à sortir de la logique du profit.
Cette notion de profit a pourtant gangrené le microcrédit en Inde…
Il s’agit d’une dérive du microcrédit. Lorsqu’une institution de microfinance fait des prêts à des taux supérieurs à 15 %, on ne peut plus parler de microcrédit. Par ailleurs, les organismes qui entrent en bourse affichent une volonté de faire du profit et s’écartent des principes fondateurs du microcrédit.
Comment prévenir ce genre de dérive ?
Il faut imposer des limites aux taux d’intérêt à ne pas dépasser. Par ailleurs, chaque pays devrait créer une autorité de régulation du microcrédit, comme c’est le cas au Bangladesh depuis cinq ans. Cette autorité délivre une licence aux institutions de microfinance. Elle supervise leurs taux d’intérêt et permet une plus grande transparence. J’ai développé le microcrédit afin de permettre aux pauvres d’améliorer leurs conditions de vie. Je souhaite que cela continue.