1964. Depuis 50 ans, une guerre déchire l’Europe. Alors que le conflit entre la France et l’Allemagne semblait sur le point d’entrer dans une phase décisive, l’insurrection bolchevique de 1917 en Russie se vit matée dans le sang par le baron Nikolai von Ugenberg. Celui-ci se bâtit ensuite un empire russo-mongol avec lequel il menaça l’occident. Rejointes par les américains, les nations alliées d’Europe firent front commun contre le tyran sous le nom d’États-Unis d’Europe de l’Ouest, ou Alliance, et la guerre prit un autre visage.
À présent, le conflit sert de poule aux œufs d’or aux marchands d’armes, et les spéculateurs de ce marché devenu si lucratif se fichent comme d’une guigne du sort des soldats morts dans les tranchées au nom d’une guerre qui ne les concerne plus depuis longtemps… Un jour, le lieutenant James Anderson se voit confié la très délicate mais toute aussi vitale mission d’infiltrer les lignes ennemies afin de saboter l’usine où les ingénieurs d’Ugenberg fabriquent une arme secrète qui pourrait bien annihiler les forces de l’Alliance.
En dépit de son potentiel pourtant bien au-dessus de la moyenne, Iron Storm présente comme principal défaut ce qui reste un pêché cardinal du genre FPS : son level design se résume à trois lettres, R-C-R – pour Room-Corridor-Room, soit « salle-couloir-salle » en français – où, comme cette expression l’indique, un passage long et étroit débouche sur une salle toute simple dont on ne peut sortir que par un autre chemin en tous points identique au précédent et qui mène lui aussi dans une pièce sans aucune réelle différence avec celle déjà évoquée, dont on ne peut sortir que par… Mais vous voyez où je veux en venir. Ajouter à ça que les diverses zones ne présentent pratiquement aucune possibilité de combat vertical et le tableau est complet : toutes les séquences d’action, ici, se résument à du tir au pigeon sans aucun intérêt.
Alors, peut-être pour rajouter de la difficulté en espérant qu’elle parviendra à masquer l’ennui du joueur, les développeurs de 4X Studios ont semble-t-il jugé bon d’implémenter un niveau de difficulté rendu inouï par une surabondance de snipers disséminés tout le long de la partie et capables de vous tuer d’une seule balle que, bien sûr, vous ne pouvez voir venir et donc encore moins éviter. Par-dessus le marché, ils se tiennent presque toujours hors de vue dans des zones elles-mêmes peu visibles et sombres, vêtus d’uniformes qui leur permettent de se fondre presque totalement dans leur environnement immédiat. Ils sont donc non seulement mortels mais aussi invisibles, et vous passerez des heures de votre vie à retenter un passage pour en repérer un seul… avant de vous faire buter par le suivant. Bref, c’est une horreur.
Mais malgré ça, Iron Storm parvient à tirer à peu près son épingle du jeu, notamment par une certaine diversité de style de jeu. Si la progression le long des niveaux reste tout à fait linéaire, elle requiert néanmoins de varier les approches. Vous obtiendrez d’ailleurs souvent des instructions assez précises de votre supérieure, en contact avec vous par radio, qui vous permettront de mieux comprendre ce qu’on attend de vous à un moment donné… Ainsi devrez-vous – par exemple – trouver des mines anti-char pour vous débarrasser d’un tank qui vous barre le passage, ou bien traverser un niveau entier armé d’une simple dague en déployant des trésors d’ingéniosité pour rester discret devant des adversaires qui, eux, sont en pleine possession d’armes lourdes. Des choses de ce genre…
D’ailleurs, Iron Storm rappelle beaucoup Half-Life (Valve Software ; 1998) par moments, avec cette manière de placer le joueur dans des positions qui demandent d’utiliser son cerveau, ce qui ne plaira pas forcément à tout le monde – et surtout pas à ceux d’entre vous qui lancent un First Person Shooter pour shooter, justement… À ceci s’ajoutent des designs de niveaux assez labyrinthiques en fin de partie, où les chemins peuvent se montrer assez nombreux pour rejoindre un point donné, et où toute votre attention ainsi que votre patience seront requis pour ne pas vous perdre. Bref, sous ses dehors de jeu d’action, Iron Storm se veut en fait un titre plutôt cérébral où la précision des tirs et les réflexes jouent un rôle somme toute plutôt mineur – même s’ils deviendront assez indispensables dans les derniers niveaux.
Mais on peut aussi évoquer la dimension uchronie du titre qui lui donne une forte identité. Si le récit reste plutôt simple et assez convenu, au moins dans les grandes lignes, il se déroule néanmoins dans un univers atypique où la Première Guerre mondiale perdure après un demi-siècle et où la situation politique internationale rappelle bien sûr celle des blocs est et ouest lors de la guerre froide, ce qui correspond assez bien à ce crédo de l’uchronie voulant que, même parallèle, l’Histoire débouche sur des situations comparables. On reconnaît là un aspect caractéristique de ce genre bien particulier et qu’Iron Storm doit peut-être à l’implication de l’écrivain de science-fiction Stéphane Beauverger sur ce projet. Et si la conclusion se montre un peu attendue, elle souligne néanmoins certaines réalités hélas bien actuelles…
Enfin, mérite de se voir mentionné le portage d’Iron Storm sur Playstation 2, développé par Rebellion Software et sorti en 2004 sous le titre de World War Zero. Si le scénario reste inchangé et le level design à peine altéré ici et là, cette version console présente la très agréable surprise de se montrer beaucoup plus agréable que l’original pour le PC : bien que la plupart des défauts de ce type de jeu sur ce type de matériel restent présents, l’homogénéité des tactiques à adopter en fait au final un titre bien plus digeste pour les joueurs orientés action. On apprécie aussi d’y voir l’ensemble des graphismes et des animations retravaillés, même si le résultat final demeure sensiblement inférieur aux standards de l’époque. World War Zero se verra par la suite porté sur PC par Reef Interactive en 2005.
En raison de ses mécaniques de jeu tiraillées entre deux extrêmes mais aussi de sa réalisation technique assez limitée, Iron Storm se montre incapable de tenir ses promesses pourtant aguichantes. De sorte que si on a vu de meilleurs potentiels plus gâchés que celui-là, le titre laisse malgré tout un goût un peu amer. Il reste néanmoins un univers bien assez atypique et qui confère à ce jeu une personnalité unique.
Reste à savoir si ça vous suffira…
Séquelle :
Le jeu Bet on Soldier: Blood Sport (Kylotonn ; 2005) serait présenté par ses développeurs comme une suite spirituelle d’Iron Storm : beaucoup des développeurs de Kylotonn travaillèrent en effet sur ce dernier chez 4X Studios, et bien qu’aucun de ces deux titres ne précise de quelque manière que ce soit qu’ils se déroulent dans le même univers fictif, on trouve chez l’un et chez l’autre des éléments communs – comme par exemple une Première Guerre mondiale qui fait rage depuis bien longtemps…
Iron Storm
4X Studios, 2002
Windows & Playstation 2, env. 10 €