1 : Le poinçonneur des tympans
CC beak90sfx
Il ne peut pas se contenter d’applaudir ou de gueuler des mots indistincts une fois que l’accord final a fini de s’effilocher, comme tout le monde. Non. Lui, son kiff, c’est de se fourrer les doigts dans la bouche jusqu’aux coudes et de s’astiquer la glotte en produisant des sons stridents enrubanés de postillons. Vous savez, celui qui fait “FUUUUUUUUUUIIIIIIIIIIIIIIIIIII”, avec son glissendo final à faire pèter votre verre en plastique recyclable. Et vos tympans par la même occasion.
L’acouphène que vous ramassez le lendemain n’a alors pas la saveur d’un concert d’anthologie passé blotti contre la batterie mais pue plutôt la frustration de ne pas lui avoir fait bouffer sa main, à votre voisin.
Variante : Certains ne savent pas siffler. Ils se rattrapent le plus souvent en criant systématiquement la même chose à tout bout de champ, « Alleeuueeeeezz » et autres « A pooooiiiiiiiills ! » proscrits pourtant depuis longtemps par la Convention de Genêve.
2 : Le parolier autiste
CC Husky
C’est sans doute la dix-neuvième fois qu’il vient voir ce groupe en concert mais, tu comprends, « ça lui donne toujours autant de frissons ». Ce type est un mono-obsessionnel doublé d’un musicien raté et n’imagine pas qu’il ait pu exister quoi que ce soit dans le rock avant Two Door Cinema Club ou, pire, avant Martin Solveig côté électro.
Alors, inlassablement, il hurle les paroles de chaque titre comme d’autres récitent leur chapelet. Mais fort, très fort. Et faux, très faux. Et la tentation de lui enfoncer le poing du siffleur d’à côté dans l’oesophage est grande, très grande.
Variante : Certains n’ont pas eu le temps d’ingurgiter tout le livret ou n’ont pas la chance d’avoir la mémoire taillée pour emmerder le monde. Alors ils ne retiennent qu’un seul passage d’une chanson, mais jamais plus d’une phrase ou deux. Appuyés par leur sens musical inexistant, ils répètent inlassablement les mêmes mots en pensant qu’ils finiront bien un moment par tomber juste. Ou pas.
Le plus : Les orfèvres vont jusqu’à taper dans leurs mains en même temps. A contre-temps, évidemment.
3 : La première partie moisie
CC Anirudh Koul
On ne saura jamais s’il s’agissait du beau-fils du propriétaire de la salle, s’il s’est tapé la chanteuse du groupe en tête d’affiche ou si les programmateurs sont tout simplement sourds et aveugles. Reste que ce gars-là a su ruiner votre soirée en trois titres entâchés de mauvaise humeur, de dédain ou de médiocrité (rayer la mention inutile).
Agacé d’avoir déboursé votre argent pour subir ce désastre scénique, vous sortez pour vous en griller une. Et ratez le début du concert. Le vrai, celui pour lequel vous avez VRAIMENT payé.
4 : Les musicos experts-comptables
CC Jessica Rabbit's Flickr
Les musiciens aussi savent parfois être chiants. Certains sont passés maîtres dans l’art de maximiser leur rapport temps / thune en s’attardant le moins possible sur scène. Hop, 45 minutes et c’est plié. Un rappel ? Et puis quoi encore on n’est pas à la fête à Michou ici.
Ces gars-là sont des petits Pareto en puissance, le plus souvent des parvenus propulsés rapidement en une des fanzines mais tout juste capables d’expédier leur partition proprette puis de retourner en backstage se remettre sur les rails (de coke). Un concert généralement vite oublié, pas comme le trou injuste laissé dans votre porte-monnaie.
Le plus : Les lumières de la salle qui se rallument alors que vous et quelques irréductibles tentiez encore de battre le rappel.
5 : La balance ratée
CC leafar
On a beau faire partie du meilleur groupe du monde et assurer comme une bête sur scène, on ne fera jamais rien de mieux que de la soupe si l’ingé son s’est planté. Envolé le solo del fuego quand Booby fait péter sa guitare et bye bye les vibratos érotiques du chanteur à lunettes noires, noyés dans la pâte informe de la basse poussée à fond et des grattes trop saturées.
Des balances mal exécutées transforme n’importe quel concert en pictionary sonore dans lequel vous tentez tant bien que mal de reconnaître des bribes de vos morceaux fétiches.
Le plus : Les musiciens qui se transforment en sémaphores hystériques pour tenter de faire comprendre à l’ingé son qu’il faut leur donner un peu plus de retour au clavier et baisser un peu le niveau de la batterie. Pour finalement obtenir le résultat inverse.
6 : Le pogoteur fou
CC michael wieser
Quatre accords tirant vaguement sur le ska ? Il sautille. Un microscopique break de batterie ? Il sautille. Un morceau poignant et sa forêt de briquets levés ? Il trouvera le moyen de sautiller. Celui-là est au public d’un concert ce que Jared Leto est à la musique : une erreur de la nature. Un anachronisme ambulant. A croire qu’il ne supporte pas de venir à un concert sans avoir perdu douze kilos à bondir sans cesse et dans tous les sens à s’en disloquer les tendons. Et vos pieds par la même occasion.
Le plus : Le combo saut + mouvements de bras désordonnés sera du plus bel effet sur votre t-shirt une fois l’intégralité de votre bière renversée.
7 : Le torse-nu qui pue
CC badjonni
Le pogoteur fou peut éventuellement se mettre à poil, mais ça ne l’empêche pas d’avoir une hygiène acceptable. Si ce n’est lui c’est donc son frère. Car l’autre, par contre, sans s’agiter forcément, ne pourra pas s’empêcher d’embaumer les environs et de faire fondre les espaces vitaux de ses voisins de fosse.
Le pire chez lui c’est qu’il ne s’en rend pas toujours compte : un peu comme comme le mec débonnaire qui s’installe à côté de vous dans l’avion et retire ses pompes pour se mettre à l’aise. Il a beau avoir l’air gentil toussa, il est quand même en train de répandre dans l’air son zyklon B perso rappelant les heures les plus sombres de notre histoire. Idem en concert. Sauf que vous n’osez pas vous risquer à lui faire un commentaire car : 1/ après tout il a le droit de retirer son t-shirt même si ça vous arrache la gueule de le reconnaître 2/ il pourrait bien vous arracher la gueule tout court pour peu que ce type soit aussi :
8 : Le teigneux forcené
Il est du genre à se mater La Haine avant chaque concert, se répétant à l’envie « jusque là tout va bien » mais n’attendant que le moment où tout ira mal. Tu lui marches malencontreusement sur l’orteil ? Tu t’en tires au mieux pour deux minutes de tension jusqu’à ce que sa copine vienne l’attraper par la taille pour lui dire de laisser tomber, au pire avec quelques dents laissées pour la postérité.
Le teigneux a un alter-ego. A eux deux ils forment un peu le yin et le yang de l’emmerdement maximum. Il s’agit bien sûr de celui-ci :
9 : Le hipster dédaigneux
CC craigfinlay
A quel moment a-t-il pu pu SERIEUSEMENT pensé qu’avoir la moitié de son crâne rasé pour laisser tristement pendouiller de l’autre côté ce qui reste de ses cheveux gras pouvait avoir intérêt esthétique ? Bon, qu’il souhaite se laisser pour la moustache pour ressembler à ton père y a vingt-cinq ans, soit. Mais ce regard contri en voyant ta gueule enfarinée et tes chaussures pourries était-il vraiment nécessaire ? [Mode teigneux ON] ET MA MAIN DANS TA GUEULE, C’EST NECESSAIRE ? [Mode teigneux /OFF]
Le plus : Parfois le hipster et le mono-maniaque autiste fusionnent pour ne faire qu’un. Ils deviennent un peu le super sayan du concert empoisonné, les as de la torture géniale.
Reste que tout ce beau monde serait encore à jouer dans le bac à sable de la banalité si leur maître à penser et son melon disproportionné n’avaient pas aussi daigné se pointer :
10 : Le blogueur musical
CC Wandering Eyre
Mélomane sans talent d’écriture, étudiant en journalisme apeuré ou raté (dans ce cas-là il travaille dans la com’), le blogueur musical pérore allègrement juste devant la scène avec son accréd photo arrachée en mentant au programmateur sur la fréquentation réelle de son site.
Qu’à cela ne tienne, il passe l’air guilleret les barrières de sécurité en prenant ça et là des clichés avec le Lumix de papa. De quoi écrire quelques jours plus tard la chronique d’un concert qui aura bien évidemment été « épique », quitte à lècher un peu l’arrière-train aux salles de concert pour squatter à l’œil au prochain show de Metronomy.
Variante : Le blogueur musical peut aussi mettre un point d’honneur à t’expliquer que le groupe qui se produit ce soir c’est « so 2010 » et déjà enterré. Même si tu ne lui as rien demandé, il enchaînera sur LE truc à connaître cette semaine (en attendant le suivant), probablement composé d’Islandais et de Suédois qui chantent à tue-tête en tappant sur des essieux. Hipster ou teigneux, choisis ton camp pour lui répondre.
Mais bon, qu’on ne s’y trompe pas. Voir un groupe sur scène, même entouré de caves, surclassera toujours l’écoute d’un titre entre deux stations de métro. Parce que la sueur et les décibels, au fond, y a que ça de vrai.