Nouvelle élection et donc nouvelle défaite pour la gauche européenne. José Socratès n’est qu’un nom de plus sur la liste des valeureux chefs de gouvernement socialiste ou social-démocrate européen vantés par les élites européennes avant d’être battus par leur propre peuple. Avec près de 38% des voix, son challenger conservateur, le bien-nommé Parti social-démocrate portugais a remporté 105 sièges dans la chambre monocamérale qui en compte 230. Allié au Centre démocratique et social qui a obtenu 24 sièges pour 12% des voix, la droite conservatrice a donc une confortable majorité qui va lui permettre de mettre en place des plans de rigueur encore plus rigoureux que ceux de José Socratès. Le futur premier ministre, Pedro Passos Coelho, s’est d’ailleurs déclaré « absolument lié » aux termes du dernier plan d’austérité élaboré par l’UE et le FMI.
Après les victoires municipales et régionales des droites espagnoles il y a quinze jours seulement, nous assistons donc à un printemps droitiste ibérique dont on peut déjà tirer au moins trois leçons :
1) Les échecs électoraux des socialistes ibériques Zapatero et Socratès, pourtant portés aux nues pour leur pragmatisme par les oppositions de gauche dans le reste de l’Europe, sonnent le glas du socialisme d’accompagnement de la crise. Sur les 27 pays européens, la gauche ne dirige plus aujourd’hui, excusez du peu, que 5 pays : Chypre (dirigé par un communiste), la Slovénie (où le gouvernement social-démocrate est minoritaire depuis mai), l’Autriche (en grande coalition avec les conservateurs), la Grèce de Papandréou et donc l’Espagne de Zapatero.
2) Les débats électoraux n’ont porté que sur la position du curseur sur l’échelle de l’austérité généralisée. Aucune imagination de la gauche gouvernementale, un suivisme ahurissant à l’égard des marchés financiers qui dictent leurs lois, tel est le quotidien du pauvre électeur qui se réclamerait encore de gauche… On le démobiliserait pour moins que cela !
3) Le mécontentement déserte le champ électoral pour se réfugier dans l’indignation (en Espagne) ou l’abstention (41% ce dimanche au Portugal, nouveau record pour la pourtant jeune démocratie portugaise !). Même la gauche de la gauche ne profite pas de la crise (-5% pour le Bloc de gauche au Portugal).
Face à un tel désastre, la sidération de la social-démocratie européenne est au moins aussi grande que celle de la France face à l’affaire DSK ! Il suffirait presque de quelques victoires municipales d’une gauche morale en Italie qui conteste plus Berlusconi dans son style que dans le fond de sa politique pour que la gauche se reprenne à rêver ! Chimères en réalité ! La crise continue de porter les droites européennes et les contestations semblent autant de nourritures nouvelles dont elles se délectent.
Face à un tel séisme politique et idéologique, la solution ne peut pourtant venir que d’une Révolution interne à la social-démocratie européenne. On attendrait d’elle qu’elle invente un socialisme de transformation qui lui permette de gagner un soutien populaire dans la durée. On voudrait voir l’Internationale socialiste décréter une sorte d’état d’urgence idéologique, s’ouvrir à toutes les tendances progressistes et tenir des Etats généraux du renouveau. On voudrait voir des responsables politiques prendre du recul par rapport à leur action, des penseurs européens lancer un débat pour la refondation de la gauche. On aimerait participer d’un grand mouvement d’émancipation des peuples, un nouveau printemps des peuples européens… malheureusement, comme l’écrivait le dramaturge espagnol Calderon au XVIIe siècle : « La vie est un songe et les songes rien que des songes. »
Jean-Philippe Huelin - Tribune | Mardi 7 Juin 2011