J’ai pris beaucoup de plaisir à parler à mon enfant. Je suis passée par des étapes de jeux en babillant, en explorant tous les bruits de bouche : brrr, blllll (langue dehors et postillons aussi), le cheval et toute la bouche (lèvres) qui bouge, claquement de langue, articulation de la mâchoire, tirage de langue, souffle sonore ou non et plus encore. J’ai aussi lu indéfiniment « Le livre des cris » des animaux, une certaine ritournelle, des mots les uns derrière les autres comme si je lisais un dictionnaire en ne lisant que les noms sans jamais dire une phrase…les couleurs devaient aider…
Et puis ces onomatopées dites, redites, comme un cliquetis, une impulsion, un petit cri etc…je vous en parlais là.
Pour le reste, au quotidien, toujours, je lui ai parlé, comme à un adulte, à la Françoise DOLTO (ou du moins ce que j’en ai retenu) : des phrases plus lentes avec des mots justes et des phrases si possibles claires. J’ai pris le parti de considérer que même si sa compréhension des paroles n’était pas encore au point, l’intonation et mon visage communiquaient mon intention ou tout au moins mon attention à sa personne. Et bien sûr je considère le bébé comme une personne, un enfant et non un infans…un potentiel déjà complet, un être de communication. Alors je lui ai toujours « parler vrai » de tout ce qui le concerne : son environnement, mes réactions et émotions en sa présence, ce que je croyais être les siennes, mes sautes d’humeur, je parle de lui aux autres tout en le prenant à témoin et en l’incluant etc…pour plus de détails sur l’héritage Dolto c’est ici.
Maintenant je n’ai jamais « parlé bébé ». Il apparait que les tous petits préfèrent le mamanais (ou motherese ou parentais) au langage des adultes. Mais alors ne suis-je pas passée à côté ?
Il faut déjà délimiter ce que nous entendons par là. Si j’ai bien compris il s’agit d’un langage assez universel que les mères emploient envers leurs bébés : le mamanais n’est pas un langage bébé mais un langage aux pics prosodiques plus importants. La prosodie étant la quantité, l’accent et l’intonation, pour les oreilles plus musicales c’est ici pour un détail. Le mamanais ne peut être feint et se retrouve très rarement dans le langage courant des parents car il dépend d’un état subjectif de plaisir (pic d’énergie très bas) et de surprise (pic d’énergie très haut). Alors oui je parle le mamanais pendant les repas et les changes, comme toutes. Quand vous avez envie de manger les petits petons de votre enfant, votre surprise et vos jeux sont avec cette intonation propre au mamanais.
La communication aux tous petits est une étape importante pour leur développement, beaucoup d’études marquent qu’une défaillance de communication parentale avant l’âge de 3 ans peut accentuer une fragilité latente de l’enfant (ou hypersensibilité) et ouvrir à la non communication aux autres, à une certaine forme d’autisme. Comme communication défaillante, les spécialistes entendent la non-communication mais aussi la communication neutre, comme à une grande personne mais sans intonation ou repos dans le débit de la mère (entre autres). Et pourquoi avant 3 ans, parce que c’est l’âge à partir duquel un diagnostic d’autisme peut être proposé. Si le sujet vous intéresse, je ne peux que vous recommander ce long texte très pertinent sur la prosodie avec les bébés à risque autistique (la Recherche PREAUT). Une superbe présentation aussi de l’utilisation de la « voix de sirène » (prosodie porteuse de « sidération et de lumière ») est offerte avec cette situation (page 232): donner un yaourt à la vanille en s’imaginant la vanille, le pays chaud d’exportation, les odeurs et en proposant par réflexe de « regarder l’odeur ». Pour aller plus loin dans ces études de l’état pré-autistique des bébés et avoir des illustrations photos et une synthèse du premier document c’est ici. Il en ressort que pour qu’un bébé soit sur la bonne voie de communication, il doit passer par trois étapes : 1er temps actif où le bébé va vers l’objet de satisfaction, le 2nd temps autoérotique où il prend une partie de son corps comme objet de satisfaction et le 3ième temps, très important, de passivité pulsionnelle (le bébé propose une partie de son corps à goûter au parent, le parent joue le jeu en goûtant la petite main et le bébé montre sa joie d’avoir susciter ce plaisir parental et recommence). Dans le premier texte, il est aussi question d’un livre, « La métaphysique des tubes » d’Amélie NOTHOMB, comme d’une très belle description de l’état pré-autistique d’un enfant de 2 ans (page 247)…il faudrait que je le relise…
un aller aussi sur les pas des sirènes est proposé par les psychanalystes ici ou comment comprendre la voix des sirènes.
Une communication idéale serait l’utilisation de mots justes, le bébé traité comme un véritable interlocuteur et l’instauration de tour de parole….voilà sur quelle voie je dois continuer…
Je serais assez tentée de continuer les découvertes sur la communication et la voix dans ce livre « Au commencement était la voix » qui reprend toutes les études scientifiques et musicales et nous amène vers la métaphore de l’identité profonde…