Décidément, la France est un mauvais élève en matière de respect des droits de la défense.
Après plusieurs condamnations de la Cour Européenne des Droits de l’Homme relatives aux gardes à vue, c’est le droit routier qui prend le relai. En effet, l’Etat français vient de verser à un automobiliste la somme de 965 euros alors qu’il s’agissait, à l’origine des poursuites, de lui payer une amende d’un montant de … 68 euros !
Comment ce retournement de situation a–t-il été possible ? En faisant respecter le droit des automobilistes, tout simplement. Explications.
La procédure de la l’amende forfaitaire
Pour les contraventions au code de la route, le ministère public (qui poursuit les infractions, notamment les infractions au code de la route), choisit le plus souvent d’utiliser une procédure aussi rapide que complexe à savoir la procédure dite de l’amende forfaitaire. C’est par exemple systématiquement le cas lorsque l’automobiliste est flashé par un radar fixe pour un excès de vitesse (à condition qu’il ne s’agisse pas d’un excès de plus de 50 km/h). Si la mise en œuvre de cette procédure est complexe, le principe est simple : vous recevez un avis de contravention, vous payez une amende forfaitaire et l’action publique est éteinte. En d’autres termes : vous payez, vous reconnaissez l’infraction, et comme par magie, vous êtes définitivement condamné sans qu’aucun jugement ne soit jamais intervenu. Heureusement, il est, en théorie tout au moins, toujours possible de contester.
Le droit de contester
La validité du système repose sur le fait que l’automobiliste a toujours le droit de contester la contravention au code de la route qui lui est reprochée. La contestation se fait auprès de l’officier du ministère public à l’adresse figurant sur l’avis de contravention.
Mais la contestation doit répondre à des conditions de forme très précises à peine d’irrecevabilité (Article 529-10 du code de procédure pénale). Tellement précises qu’il s’agit d’un vrai parcours du combattant. Ainsi, il faut : renseigner la requête en exonération (le document pré imprimé joint à l’avis de contravention), écrire et signer une lettre motivant la contestation, joindre l’original de l’avis de contravention et envoyer le tout en lettre recommandée avec demande d’avis de réception. Sans oublier… la fameuse consignation d’une somme égale au montant de l’amende forfaitaire.
Et c’est justement là que le bas blesse.
Car payer pour contester, voilà déjà une bien belle curiosité juridique. Mais à cette obstacle s’en ajoute souvent un autre de taille. En effet, l’officier du ministère public qui n’a selon les textes pas d’autre choix que de saisir la juridiction compétente – la juridiction de proximité – s’arroge le droit d’apprécier le bien fondé de la contestation. Conséquence de cet abus de pouvoir : la consignation versée se transforme en paiement de l’amende forfaitaire ce qui prive automatiquement l’automobiliste de tout recours.
Le droit d’être jugé
L’officier du ministère public, lorsqu’il reçoit une contestation, n’a en principe qu’un droit : annuler le titre exécutoire qui a été émis (article R49-8 du code de la route) et saisir la juridiction de proximité. L’article 530-1 du code de procédure pénale ne lui permet que deux autres possibilités : renoncer aux poursuites ou déclarer la requête irrecevable parce qu’elle n’a pas été adressée dans les formes prévues à l’article 529-10 du code de procédure pénale que nous avons vues précédemment.
C’est la raison pour laquelle la pratique des officiers du ministère public, abusive et pourtant si répandue, consistant à priver l’automobiliste de soumettre ses arguments à une juridiction digne de ce nom a été déclarée contraire à l’article 6 de la Convention Européenne des Droits de l’Homme. Désormais, nous savons que consigner n’est pas payer. Les automobilistes qui n’avaient pas la force de franchir tous ces obstacles pour contester se sentiront peut-être pousser des ailes. La persévérance paie toujours… La preuve !
Jean-Charles Teissedre
Avocat au barreau de Montpellier