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Réduire l’État à ses justes proportions : la Nouvelle Zélande

Publié le 06 juillet 2011 par Copeau @Contrepoints

Réduire l’État à ses justes proportions : la Nouvelle Zélande

Carte de la Nouvelle Zélande

Par Maurice P. McTigue, ancien ministre néo-zélandais – octobre 2005, publié par l’Institut Hayek

Réduire la place de l’État dans l’économie ? Réformer la fonction publique ? Diminuer les impôts ? Tout cela est possible, comme le montre le cas de la Nouvelle Zélande. Maurice Mc Tigue, ancien ministre de ce pays, illustre de nombreux exemples le nouveau regard qu’il propose de porter sur l’État : ses services, à qui rendent-ils service ? A qui en rendent-ils compte ?

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Si nous regardons l’histoire, l’importance prise par l’État dans la société est un phénomène relativement récent. A partir du milieu du XIXe siècle et jusqu’aux années 1920-1930, dans la plupart des pays industrialisés, les dépenses gouvernementales représentaient seulement 6 % du PNB environ. La période qui a suivi, et plus particulièrement à partir des années cinquante, a vu une explosion gigantesque des dépenses publiques. Elles ont pu représenter, dans certains pays, jusqu’à 35 à 45 % du PNB. Dans le cas de la Suède, les dépenses publiques sont allées jusqu’à représenter 65 % du PNB, ce qui a conduit à une quasi destruction de son économie. Maintenant, pour redonner un peu d’air à son économie, la Suède est en train de démanteler un certain nombre de ses programmes sociaux. Cette augmentation continue des dépenses publiques peut-elle être arrêtée ? Est-il même possible de faire machine arrière ? Pour moi, et en me fondant sur mon expérience vécue, la réponse est positive. Mais une telle volte-face requiert de la part de ceux qui conduisent ce changement un grand art de la communication pour faire comprendre les buts poursuivis et les moyens mis en oeuvre. Il faut aussi avoir le courage de prendre le risque de se tromper, et aussi celui de tirer les leçons de ses erreurs. Tout cela n’est évidemment pas facile.

Nous voyons actuellement dans le monde ce que j’appellerais une révolution silencieuse : les gens veulent maintenant savoir si l’argent dépensé par leur gouvernement a réellement été utilisé à bon escient. Autrefois, il leur suffisait de savoir que les fonds publics n’avaient pas été détournés de l’affectation décidée par leur gouvernement. Aujourd’hui, ils veulent connaître concrètement les services qu’ils ont reçus en échange de ce que leur prélèvent les pouvoirs publics. Au coeur de la vie économique, dans le monde des affaires, dans les milieux industriels et commerciaux, on s’interroge constamment sur les avantages retirés des dépenses effectuées. Jusqu’à récemment, on ne se posait pas nécessairement cette question pour les dépenses publiques. Pourtant, si les gouvernements ont le courage de se la poser, il peut en résulter d’extraordinaires conséquences. C’est ce qui est arrivé dans mon propre pays, la Nouvelle Zélande.

Sur la base d’un classement fondé sur le revenu national par habitant, la Nouvelle Zélande se classait au troisième rang mondial vers la fin des années cinquante, juste après les États-Unis et le Canada. En 1984, selon ce même classement, la Nouvelle Zélande avait chuté au 27ème rang, au niveau du Portugal et de la Turquie. De plus, le taux de chômage avait atteint 11,6 %, le budget de l’État était en déficit continuel depuis 23 ans : il s’était même élevé certaines années jusqu’à représenter 40 % du PNB, la dette publique s’était élevée à 65 % du PNB et la confiance accordée aux emprunts publics allait en se dégradant régulièrement (ce qui renchérissait d’autant le coût des emprunts de l’État). Les dépenses publiques représentaient plus de 44 % du PNB, les capitaux fuyaient le pays en masse, et l’État s’impliquait de mille et une façons et dans les moindres détails de la vie économique. Le contrôle des changes était draconien. Ainsi, je ne pouvais pas souscrire un abonnement à une revue anglaise comme, par exemple, The Economist sans l’autorisation du ministre des finances et il me fallait abandonner ma nationalité si je voulais acheter des actions d’une société étrangère. Le contrôle des prix s’étendait à tous les biens et services, quelle que soit l’activité. Les rémunérations étaient soumises au contrôle des revenus et, à l’occasion, gelées. Je n’avais pas le droit d’augmenter les salaires de mes employés, ni de leur accorder une prime, même si je le considérais justifié. Les importations étaient sévèrement contrôlées. Des subventions énormes étaient versées aux entreprises industrielles pour leur permettre simplement de survivre. Les jeunes en âge de travailler s’expatriaient en masse.

Alléger l’État ?
Donner pour objectifs la diminution du nombre des allocataires !

Le nouveau gouvernement réformateur élu en 1984 se trouva confronté à trois types de problèmes : trop de dépenses publiques, trop d’impôts, trop d’État. Il fallait réduire les dépenses publiques et les impôts ; il fallait diminuer le rôle de l’État dans l’économie. La question était : comment ? La première chose à faire dans ce cas est bien évidemment de se demander si tous les fonds dépensés par l’État produisaient des résultats tangibles pour les citoyens de Nouvelle Zélande. Pour être sûr que ce serait désormais le cas, nous avons complètement changé la méthode de détermination des budgets alloués à chaque agence gouvernementale. Ainsi, nous avons en quelque sorte passé un contrat avec les responsables de ces agences : nous leur avons demandé de nous préciser clairement les résultats concrets auxquels ils comptaient aboutir avec les fonds ainsi mis à la disposition de leurs administrations. Nous avons aussi changé le mode de recrutement de ces hauts responsables administratifs : nous avons recruté ceux que nous jugions les plus compétents pour ces fonctions, non seulement en Nouvelle Zélande mais encore dans le monde entier, sur la base d’un contrat de cinq ans, renouvelable éventuellement pour trois ans supplémentaires. Ils ne pouvaient être licenciés avant la fin de leur contrat que s’il n’avaient pas atteint les objectifs sur lesquels nous nous étions mis d’accord avec eux ; ainsi cela stabilisait leur position en cas d’élections conduisant à un changement de majorité gouvernementale. Motivés par cette obligation de résultats, ces hauts fonctionnaires n’avaient d’autre choix vis à vis de leurs subordonnés directs, tout comme les dirigeants du secteur privé, que de leur fixer aussi des objectifs très clairs et leur faire comprendre qu’eux aussi avaient une obligation de résultat.

Nous avons tout d’abord demandé aux diverses administrations publiques des avis et des conseils sur les politiques à mettre en oeuvre dans les domaines respectifs de leur agence. C’était en quelque sorte notre premier « contrat » avec elles. Cette demande de conseils était destinée à susciter un débat de fond entre le gouvernement et les hauts responsables administratifs sur les moyens d’atteindre les objectifs fixés comme, par exemple : comment réduire le nombre de mal nourris ou de sans-logis ? Au passage, je signale que la question posée n’était pas de savoir comment l’État pourrait assurer à chacun ses besoins alimentaires ou un logement suffisant. La vraie question était de savoir comment il pourrait y avoir moins de personnes mal nourries ou mal logées. En d’autres termes, comme nous l’avons clairement fait comprendre à nos interlocuteurs, le succès ne serait pas mesuré par le nombre de personnes qui bénéficieraient des subsides gouvernementaux en ces domaines, mais par le nombre de personnes qui cesseraient de dépendre des aides gouvernementales et deviendraient ainsi capables de subvenir par elles-mêmes à leurs propres besoins.

Réduire les impôts ?
Diminuer la fonction publique !

En même temps que nous nous engagions dans cette voie, nous avons posé un certain nombre de questions de fond aux responsables des administrations publiques. La première question était : que font réellement ces administrations ? Et la seconde : font-elles ce qu’elles devraient faire par rapport à leur rôle propre ? Une fois obtenue la réponse à ces deux questions, il leur a été demandé de restreindre le domaine d’intervention de chacune de leurs administrations à ce qui correspondait à leur raison d’être, à ce qu’elles devaient faire. En d’autres termes, si ce que faisaient ces administrations ne ressortait pas du rôle propre de l’État, elles devaient désormais ne plus le faire. Enfin venait une dernière question : qui devaient payer les services que rendent les administrations gouvernementales : les contribuables ? les usagers ? les consommateurs ? les entreprises ? Cette question est importante car, dans de nombreux cas, les contribuables financent un certain nombre de dépenses dont ils ne reçoivent, en définitive, aucun avantage. Et si on ne fait pas payer le coût d’un service par ceux qui l’utilisent, d’une part, on incite au gâchis et, d’autre part, les services rendus perdent leur vraie valeur.

Quand nous nous avons engagé ce processus au ministère des transports, celui-ci employait 5.600 personnes. A la fin du processus, il n’y en avait plus que 53. Pour l’agence des forêts, nous sommes passés de 17.000 personnes à 17. Le ministère de l’industrie employait 28.000 personnes. J’étais alors ministre de l’industrie. A la fin du processus, il ne restait qu’une personne, moi-même. La principale activité de ce ministère était la conception et la construction d’unités de production industrielle mais il n’est pas nécessaire d’être employé de l’État pour être compétent et capable en ces domaines. On va me dire : « Vous avez détruit tous ces emplois ! » Grossière erreur ! L’État a bien cessé d’utiliser son personnel pour effectuer toutes ces tâches ; elles n’ont pas disparu pour autant et il a bien fallu trouver des gens pour les accomplir. J’ai rencontré un certain nombre de travailleurs forestiers quelques mois après leur licenciement par le gouvernement ; ils étaient loin d’être malheureux. Ils m’ont dit qu’ils gagnaient maintenant trois fois plus que ce qu’ils gagnaient auparavant ; bien plus, ils avaient découvert avec surprise qu’ils avaient pu augmenter leur productivité d’environ 60 % par rapport à leur productivité antérieure ! Le phénomène a été similaire dans tous les domaines que je viens de prendre en exemple.

Tout simplement, ce n’est pas le rôle de l’État de faire par lui-même un certain nombre de choses. C’est pourquoi nous avons privatisé les télécommunications, les transports aériens, les services d’irrigation, les entreprises informatiques, les imprimeries gouvernementales, les compagnies d’assurances, les banques, les institutions financières, les institutions de crédit immobilier, les chemins de fer, les transports routiers de personnes, les hôtels, les transports maritimes, les firmes de conseils du monde agricole, etc. Au total, le transfert au secteur privé de toutes ces activités s’est traduit par une augmentation de leur productivité et une baisse des prix de leurs produits ou services. Ce fut, en définitive, un gain net important pour l’économie du pays. Il a aussi été décidé que d’autres administrations étatiques pouvaient être gérées comme des entreprises du privé : elles devraient alors être capables de faire des profits et de payer des impôts. Ainsi, par exemple, nous avons regroupé toutes les activités relatives au contrôle aérien dans une société de droit privé. Cette société, avons-nous demandé à ses dirigeants, devrait désormais réaliser un taux de profit raisonnable par rapport aux capitaux investis. De plus, nous leur avons fait comprendre qu’elle ne devait plus espérer de capitaux frais de son actionnaire, l’État. Nous avons procédé de la sorte pour 35 agences gouvernementales. Toutes ces agences coûtaient à l’État environ un milliard de dollars par an. Maintenant elles versent à l’État, en dividendes et impôts, un milliard de dollars par an.

Nous avons pu ainsi réduire les effectifs des administrations publiques de 66 %, et donc alléger d’autant le poids de l’État sur la société civile. La part de l’État dans le PNB est tombée de 44 à 27 %. Le budget de l’État est alors devenu excédentaire. Il n’était pas question cependant de conserver des excédents disponibles. Nous savions en effet que, s’il y avait de l’argent non utilisé, il se trouverait bien quelque inconscient pour trouver une raison de le dépenser. En conséquence, nous avons utilisé ces excédents d’abord pour éponger la dette de l’État ; la dette publique est tombée de 63 % à 17 % du PNB. Les excédents budgétaires non affectés au remboursement de la dette nous ont par ailleurs permis de réduire le poids de la fiscalité. Ainsi, nous avons réduit de moitié le taux de l’impôt sur le revenu et supprimé un certain nombre de taxes annexes. Paradoxalement, les recettes de l’État ont augmenté de 20 %. Oui ! Ronald Reagan avait raison : réduire les taux de l’impôt a effectivement pour conséquence l’augmentation des recettes fiscales.

Encourager la créativité ?
Supprimer les subventions !

Parlons maintenant de cet envahissement de la société civile par l’État au travers des multiples formes de subventions et d’aides gouvernementales. Il faut bien mesurer, pour traiter de cette question, les conséquences d’une telle politique : trop d’assistance gouvernementale crée une mentalité d’assistés ; et, quand se répand une telle mentalité, les gens perdent leurs capacités d’innovation et de créativité, et ont de plus en plus besoin d’être assistés.

Laissez-moi vous donner un exemple. A l’époque, en 1984, les aides gouvernementales représentaient quelques 44 % des revenus des éleveurs de moutons en Nouvelle Zélande. Le principal débouché de cet élevage est la viande d’agneau. L’agneau se vendait 12,50 dollars la bête sur le marché mondial. L’État donnait en sus aux éleveurs le même montant : 12,50 dollars par bête. Et bien, nous avons supprimé en un an toutes les aides gouvernementales aux éleveurs de moutons. Vous imaginez que ceux-ci n’étaient pas très heureux ! Pourtant, après avoir accepté comme une nouvelle donne qu’ils ne devaient plus s’attendre à recevoir de subventions gouvernementales, ils ont constitué un groupe d’études chargé de réfléchir aux moyens de gagner 30 dollars par agneau. La conclusion de ces réflexions a été que cela serait difficile, mais pas impossible. Néanmoins, il fallait que le produit mis sur le marché soit conçu différemment, il allait falloir modifier les processus de production, il fallait prospecter de nouveaux marchés. En deux ans, c’est à dire vers 1989, ce qu’ils mettaient maintenant sur le marché, équivalant à un agneau, se vendait 30 dollars au lieu de 12,50 initialement. D’évolution en évolution, ce chiffre d’affaire par agneau est passé, deux ans après, à 42 dollars ; en 1994 il passait à 74 dollars, puis vers 1999 il atteignait les 115 dollars. La leçon à tirer est claire : les éleveurs de moutons de Nouvelle Zélande sont allés à la recherche de nouveaux marchés et ils ont trouvé des clients qui acceptaient de payer plus cher leurs produits. Ainsi, si vous allez dans les meilleurs restaurants, aux États-Unis, et si vous commandez de l’agneau de Nouvelle Zélande, vous le paierez aujourd’hui entre 35 et 60 dollars la livre.

Comme on pouvait s’y attendre, quand nous avons décidé de supprimer les aides gouvernementales aux éleveurs, beaucoup ont prédit qu’il en résulterait un exode massif de ceux-ci. Pourtant, cela n’a pas été le cas. Je donnerai un seul exemple pour illustrer mon propos : n’ont cessé leur exploitation que 0,75 % des exploitations consacrées à l’élevage du mouton ! Et, clairement, ceux qui les exploitaient n’étaient pas à leur place dans cette activité. En outre, certains prévoyaient la disparition d’un grand nombre d’exploitations familiales au profit d’entreprises de type capitaliste. Finalement, c’est le contraire qui s’est produit : les exploitations de type capitaliste ont reculé, et celles de type familial sont devenues plus nombreuses. La raison en est probablement que les exploitations familiales peuvent se permettre une rentabilité moins forte que des entreprises de type capitaliste. En définitive, il est arrivé ce qui pouvait arriver de mieux. Cela a démontré une chose : si les gens n’ont d’autre choix que de faire preuve de créativité et d’esprit d’innovation, ils trouveront par eux-mêmes des solutions.

Redresser le niveau scolaire ?
Responsabiliser les enseignants !

J’en viens maintenant aux problèmes que posait notre système éducatif. Il était en complète déconfiture : c’était notamment un échec complet pour environ 30 % des enfants scolarisés et particulièrement pour les enfants venant principalement des zones économiquement et socialement les plus défavorisées. Depuis vingt ans, il avait été consacré toujours plus d’argent à l’éducation mais les résultats empiraient d’année en année. En vingt ans, les sommes consacrées à l’éducation avaient doublé, avec des résultats plus mauvais qu’au départ. Nous en avons conclu qu’il fallait réfléchir très sérieusement à ce problème.

Nous avons tout d’abord cherché à voir à quoi servait précisément tout l’argent consacré à l’éducation nationale. Et comme nous n’étions pas sûrs de l’objectivité des services gouvernementaux, nous avons confié cette mission d’investigation à des consultants internationaux. Il ont fait apparaître que 70 % des fonds consacrés à l’éducation nationale allaient au financement des services administratifs. En conséquence, nous avons décidé immédiatement de supprimer tous les Conseils d’Education (« Boards of Education ») du pays. A leur place, chaque école a été dotée d’un Conseil de Gestion (« Board of Trustees ») dont les membres étaient élus par les parents d’élèves de l’école et par personne d’autre. Il a été décidé que les fonds alloués aux écoles par l’État seraient uniquement fonction du nombre d’élèves de l’établissement. En même temps, nous avons informé les parents qu’ils avaient le droit le plus absolu du choix de l’école de leurs enfants. Il me paraît en effet inadmissible qu’une autorité quelle qu’elle soit puisse obliger les parents à envoyer leurs enfants dans une école qu’ils jugent mauvaise. Ce nouveau système a été appliqué le même jour à 4.500 établissements d’enseignement.

Mais nous avons fait plus : nous avons donné aux écoles privées la possibilité de bénéficier des mêmes avantages financiers que les écoles publiques. Les parents bénéficient ainsi d’un « bon scolaire » qui leur permet d’avoir un plus grand choix en matière d’écoles pour leurs enfants. Là encore, tout le monde prévoyait qu’il y aurait un véritable exode des écoles publiques vers les écoles privées, l’écart de niveau entre celles-ci et celles-là étant estimé entre 14 et 15 %. Cette crainte ne s’est pas concrétisée et, qui plus est, la différence de niveau a disparu rapidement. Cela a pris environ 18 à 24 mois. Pourquoi cela ? Parce que, tout simplement, les enseignants des écoles publiques ont réalisé tout d’un coup que, si leurs élèves partaient ailleurs, les financements qu’ils recevraient seraient réduits d’autant, les fonds alloués, et destinés entre autres à rémunérer les enseignants, dépendant du nombre d’élèves de l’établissement. C’était donc leur emploi qui risquait d’être remis en question. Avant que nous ne lancions cette réforme, 85 % des élèves fréquentaient l’école publique. Un an après, à la suite de ces réformes, ce pourcentage ne s’était que peu réduit puisqu’il était passé à 84 %. Mais, trois ans plus tard, il était remonté à 87 % ! Pour autant, ce n’est pas le plus important : avant ces réformes, le niveau scolaire de notre pays était considéré comme inférieur à celui des pays comparables au nôtre d’un pourcentage estimé à 14 ou 15 % ; à la fin du processus, le niveau scolaire était estimé supérieur à ces autres pays d’un pourcentage de l’ordre de 14 à 15 %.

Assurer à l’État d’abondantes recettes fiscales ?
Diminuer le taux de l’impôt !

Passons maintenant à un autre sujet : le poids de la fiscalité et la capacité concurrentielle des entreprises. Beaucoup de personnes du secteur public ne voient pas que la compétition économique est maintenant mondiale : les capitaux et les hommes peuvent se déplacer si rapidement que la seule façon d’empêcher les délocalisations d’entreprises est de faire de telle sorte que l’environnement institutionnel et culturel soit plus favorable au développement des entreprises qu’ailleurs. Il convient de s’arrêter quelques instants sur ce qui s’est passé en Irlande, il n’y a que deux ans. L’Union Européenne, sous l’impulsion de la France, a critiqué fortement la politique fiscale irlandaise, tout particulièrement en matière d’impôt sur les sociétés, parce que le gouvernement irlandais avait décidé de réduire cet impôt de 48 à 12 % et que, de ce fait, cela avait créé un mouvement important de délocalisations des entreprises vers l’Irlande. L’Union Européenne a alors voulu forcer l’Irlande à augmenter le taux d’impôt sur les sociétés de 17 points, pour le ramener à un niveau comparable à celui des autres pays européens. Les Irlandais ont refusé de suivre cette recommandation, cela va sans dire. L’Union Européenne a alors argumenté en disant que la politique fiscale irlandaise était déloyale et créait des distorsions dans la concurrence. Le Ministre des Finances d’Irlande a alors répondu qu’il était parfaitement d’accord avec cet argument : en effet, c’était inéquitable que le taux d’impôt sur les sociétés soit 12 % alors que celui de l’impôt sur les revenus personnels était de 10 % . En conséquence, le gouvernement irlandais a décidé de ramener le taux de l’impôt sur les sociétés à 10 %. Une autre bataille perdue pour les Français !

Quand nous nous sommes penchés sur notre système fiscal, nous avons découvert qu’il était extrêmement compliqué, et à tel point qu’il conduisait les entreprises et les particuliers à gérer leurs affaires en dépit du bon sens. Nous nous sommes alors posés un certain nombre de questions sur les objectifs de notre système fiscal : est-il destiné, pour l’essentiel, à faire rentrer les fonds dont l’État a besoin ? ou a-t-il en même temps comme objectif d’être un outil de la politique sociale du gouvernement ? ou, enfin, en sus de ces deux objectifs, a-t-il aussi pour objet d’influencer et modifier les comportements des citoyens ? Nous avons conclu qu’un système fiscal raisonnablement conçu ne pouvait poursuivre simultanément autant d’objectifs et qu’il fallait le limiter à son rôle propre, à savoir faire rentrer de la façon la plus efficace les fonds dont l’État a besoin. Nous avons donc décidé qu’il n’y aurait que deux types d’impôts, un impôt sur les revenus et un impôt sur la consommation, que la détermination de l’impôt serait faite de la manière la plus simple possible et que les taux d’impôt seraient réduits autant qu’il serait possible. Ainsi, pour les revenus élevés, alors que le taux d’impôt de la tranche supérieure était de 66 %, nous n’avons prévu qu’un seul taux uniforme de 33 %. Pour les petits contribuables, un taux uniforme de 19 % a été retenu, alors que les tranches inférieures étaient auparavant taxées à 38 %. Nous avons créé une taxe uniforme sur la consommation de 10 % et supprimé tous les autres impôts : impôts sur les plus values en capital, impôts sur le patrimoine, etc. Nous avons apporté une grande attention à concevoir le système de telle sorte que cela ne réduise pas les recettes fiscales et que nous puissions le présenter à la population comme un jeu à somme nulle. Mais, en définitive, ce qui est arrivé est que les recettes ont augmenté de 20 % ! Pourquoi cela ? Parce que les contribuables ont moins cherché à trouver les failles de la loi et à réduire leur charge fiscale. Si les taux d’impôts sont peu élevés, les contribuables ne vont pas chercher à tout prix, notamment en dépensant des fortunes pour les services de juristes et de comptables cher payés, les failles dans la loi qui leur permettront de réduire leur charge d’impôts. En vérité, la constatation que j’ai pu faire est que, dans tous les pays où on avait réduit les taux d’impôt et simplifié le système d’imposition, les recettes fiscales ont toujours augmenté. Dans tous les cas, elles n’ont jamais diminué.

Faire respecter la réglementation ?
En réduire la complexité !

Abordons maintenant la question de la multiplicité des réglementations. Toutes les règles et réglementations détaillées que doivent respecter les citoyens sont généralement rédigées par des fonctionnaires non élus et qui n’ont pas à rendre de comptes aux électeurs. Le problème est que, dès lors que ces réglementations existent, il devient extrêmement difficile de les supprimer. Pour cela donc il fallait trouver un moyen radical. Il fallait attaquer le mal à la racine. La solution retenue a été de réécrire en les simplifiant les lois qui avaient été à l’origine de ces réglementations. Ainsi, par exemple, nous avons réécrit les lois relatives à l’environnement : la nouvelle loi sur l’environnement, le « Resource Management Act », faisait 348 pages ; mais elle remplaçait une loi qui, elle, remplissait un volume d’une épaisseur de près d’un mètre. Autres exemples : le code des impôts, les lois relatives à l’agriculture, celles relatives à la sécurité et la santé ; nous les avons tous réécrits. Pour ce faire, nous avons fait travailler ensemble les meilleurs éléments de nos services, leur demandant de réfléchir au problème suivant : à supposer qu’il n’existe pas actuellement de lois encadrant la vie économique, quelles lois devraient être imaginées qui soient les plus favorables au développement économique ? A l’issue de ces travaux, pour bien faire accepter ces changements dans les lois, nous avons insisté sur les économies d’impôt qui en résulteraient. Finalement, ces lois nouvelles, créant de nouvelles bases de départ, ont permis de rendre caduques tous les règlements que les lois précédentes avaient engendrés.

La raison d’être de toutes ces réformes dont je viens de parler trouve finalement son origine dans une approche différente de la façon de gouverner. Ainsi, permettez-moi de vous raconter comment nous avons résolu le problème que nous posent les cervidés. En Nouvelle Zélande, il n’y avait pas de gros gibiers naturels jusqu’à ce que les Anglais introduisent des cervidés. Certains de ces animaux ont fini par s’échapper dans la nature et se sont multipliés au point de devenir un véritable fléau. Les années qui ont suivi, pendant 120 ans, nous avons essayé de nous en débarrasser, sans succès. Jusqu’au jour où quelqu’un a suggéré que nous donnions aux agriculteurs le droit de les attraper et d’en faire l’élevage. Nous leur avons donc dit qu’ils pouvaient attraper et élever ces animaux à la condition qu’ils soient élevés en enclos dont les clôtures aient au moins 2,5 mètres de haut. Depuis, le gouvernement n’a plus eu à dépenser même un dollar pour se débarrasser des cerfs sauvages. Mais une autre conséquence en est que la Nouvelle Zélande fournit maintenant 40 % du marché mondial de ce type de viande. Il suffisait d’un peu de bon sens pour supprimer un problème et en faire une nouvelle source de revenus !

Réformer l’État ?
Veiller à l’utilité de ses services !

Laissez-moi pour finir vous donner encore un exemple. Les services administratifs du Ministère des Transports sont venus nous voir un jour en nous disant qu’ils devaient augmenter les taxes sur les permis de conduire. Nous leur avons demandé de nous justifier pourquoi il fallait augmenter cette taxe. La raison qui nous a été donnée était que le coût du renouvellement des permis de conduire était supérieur au produit de la taxe au taux actuel. Nous avons donc demandé pour quelle raison les permis de conduire étaient ainsi systématiquement renouvelés. On nous a regardés de façon bizarre comme si cette question était idiote : tout le monde en effet a besoin d’un permis de conduire ! Je leur ai alors fait remarquer que j’avais eu mon premier permis de conduire à l’âge de quinze ans ; je leur ai ensuite posé la question suivante : « Le renouvellement du permis de conduire a-t-il pour objet de s’assurer des capacités du conducteur à conduire ? » Nous avons donné dix jours à nos interlocuteurs pour réfléchir. Un des arguments qui nous a alors été donné était que le permis de conduire permettait à la police de s’assurer de l’identité des personnes. A cela, nous avons répondu que ce qui était nécessaire à cet effet était une carte d’identité mais qu’un permis de conduire n’était pas fait pour cela. Ils ont fini par admettre qu’il n’y avait pas de bonne raison qui puisse justifier ce renouvellement périodique des permis de conduire. Nous l’avons donc supprimé. Maintenant, un permis de conduire est valable jusqu’à ce que la personne atteigne l’âge de 74 ans. Ensuite, elle doit passer tous les ans un examen médical pour s’assurer qu’elle n’a pas d’empêchement physique pour conduire. Ainsi, non seulement il n’a pas été nécessaire d’augmenter la taxe mais encore il a été possible de supprimer un département administratif. C’est ce que j’appelle avoir un regard neuf sur la façon de gérer l’État.

Dans cet ordre d’idées, il se passe actuellement des choses dignes d’intérêt aux États-Unis. Peut-être ne vous en rappelez-vous pas, mais en 1993, le Congrès a voté une loi appelée « Loi sur la performance et les résultats de l’action gouvernementale » (« Government Performance and Results Act »). En application de cette loi, les divers services de l’État doivent préparer un plan à long terme sur les objectifs qu’ils visent et faire un rapport annuel sur l’état d’avancement de ce plan et les avantages qu’ont déjà apportés aux citoyens les réalisations en cours. Dans le même esprit, le Président Bush a institué ce qu’il a appelé le « Rapport opérationnel du Président » (« President’s Management Agenda ») ; il y passe en revue les informations que donnent les rapports des divers services et décide les actions qu’il conviendra d’entreprendre. De tels procédures sont pleines de promesses si elles sont mises en ?uvre correctement.

Réfléchissez à ceci : il y a actuellement, aux États-Unis, 187 programmes fédéraux destinés à aider les gens qui cherchent à retrouver un emploi. Le coût de ces programmes est de 8,4 milliards de dollars et, pour leur gestion, 2,4 millions de personnes y sont employées. Si on ne retenait que les trois programmes les plus efficaces et si on supprimait tous les autres, et si on consacrait la totalité des 8,4 milliards de dollars à ces trois programmes, il a été estimé que 14,7 millions de personnes trouveraient du travail. Le statu quo coûte aux États-Unis plus de 11 millions d’emplois. Ce nouveau regard sur la façon de gérer l’État, telle que je viens de l’illustrer, conduirait à responsabiliser directement d’une façon ou d’une autre ceux qui gèrent ces programmes de telle sorte qu’ils supportent les conséquences de la mauvaise gestion des fonds prélevés sur les contribuables. C’est dans cette direction que devrait s’orienter l’action du gouvernement.

Par Maurice P. Mac Tigue
Publié par la revue Point de Rencontre, numéro 78, d’octobre 2005, puis par l’Institut Hayek de Bruxelles

1. Traduction par Jacques Michel Peu-Duvallon de Maurice McTigue, « Rolling Back Government : Lessons from New Zealand », Imprimis, April 2004,vol. 33, n° 4, reprinted by permission from Imprimis, the National speech digest of Hillsdale College (www.hillsdale.edu). L’article reprend l’essentiel d’une conférence donnée le 11 février 2004 lors d’un séminaire organisé sur le campus du Hillsdale College. La traduction a été publiée dans le Point de Rencontre, n° 78, octobre 2005, pages 26 à 38. Les sous-titres sont du Point de Rencontre. Le Point de Rencontre Cercle Frédéric Bastiat de Paris 35, avenue Mac Mahon 75017 Paris.

2. M. Maurice McTigue a assumé de nombreuses responsabilités ministérielles en Nouvelle Zélande, notamment lorsqu’il a fallu libérer le pays des entraves à l’économie posées par un État devenu tentaculaire et alléger le poids des réglementations, dans le milieu des années 80. Il participe aux États-Unis à divers comités relatifs au méthodes de gestion et d’évaluation de la fonction publique.


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