Mais personne ne s’est demandé comment ils s’y prendraient. »
Dans un Londres en ruines, sur une berge de la Tamise qui charrie des milliers de corps, le professeur Simon Reddin se met en contact avec son homologue américain pour lui raconter comment la fin du monde est arrivée…
Le genre de la science-fiction ne compte plus ses récits de fin du monde, que cette dernière constitue la conclusion de l’intrigue ou son point de départ : résultante d’une guerre nucléaire ou d’un cataclysme, voire d’un désastre écologique, elle laisse le plus souvent quelqu’un pour nous raconter comment ça sera après. De leur côté, par contre, les mythologies et les religions parlent plus volontiers d’apocalypse – quel que soit le terme précis qu’elles leur donnent – après laquelle il n’y a en général plus rien, même pas un narrateur. Supergod se place entre ces deux extrêmes, car en tant que résultats d’expériences pas toujours bien maîtrisées, les super héros, ici, dépassent le stade du surhomme pour atteindre celui du divin…
Mais Ellis décrit aussi un besoin d’idoles si viscéralement ancré dans la nature humaine qu’en l’absence de dieux réels, les hommes se les fabriquent de toutes pièces sous couvert de créer des super armes, bien que sans pour autant parvenir à comprendre quelle volonté les anime, et encore moins à les maîtriser : le lot des dieux est de commander après tout, non d’obéir ; or, on sait bien comme les créations de l’homme ont la fâcheuse manie de n’en faire qu’à leur tête – surtout quand il s’agit de sauver le monde… En fin de compte, on trouve assez peu de différences entre les dieux et les monstres de Frankenstein, et quand plusieurs s’affrontent, peu importe lequel terrasse les autres car l’être humain, lui, perd toujours la partie.
Pour cette raison, Supergod traduit une compréhension du thème super héros rarement égalée. Non une de ces cultures encyclopédiques où l’érudit voit ses capacités de réflexion noyées dans une masse de détails en fin de compte assez mineurs, mais bel et bien une méditation reposant sur une vue d’ensemble du genre qui permet d’en distinguer la substantifique moelle, ou du moins de s’en faire une représentation bien assez exacte. Plus qu’un conte exceptionnel, Supergod s’affirme aussi comme une observation soigneusement soupesée sur ce qui reste à ce jour un élément prépondérant de la pop culture anglo-saxonne et qui depuis une dizaine d’années maintenant commence à donner des résultats à la mesure de son potentiel réel.
Supergod, Warren Ellis & Garrie Gastonny, 2009
Milady, Milady Graphics, mai 2011
128 pages, env. 15 €, ISBN : 978-2-811-20530-0
- le site officiel de Warren Ellis
- la page web officielle de la série chez Avatar Press
- les 12 premières planches de l’album chez BD Gest’
- d’autres avis : Absolute Zone, Mandorine, Chroniques de l’abîme, Pulp Club