Ce très beau livre, très aéré, très illustré, aussi facile qu'agréable à lire, apparaît finalement comme un travail de vulgarisation du livre un peu aride du grand-père : "Contribution à l'Histoire du boisement des Landes de Gascogne".
La réserve exprimée vis-à-vis de quelques personnalités établies qui était une des originalités de ce premier livre est ici encore plus marquée, surtout à l'égard de Jules Chambrelent : "Cela pour réfuter la légende selon laquelle le massif gascon aurait été semé à la vitesse de la foudre par deux ou trois bienfaiteurs, sous l'œil médusé des indigènes.".
La thèse ici défendue est que l’ensemencement des Landes en pins maritimes n’a pas été seulement le fruit de la loi de 1867 et de la volonté de transformation radicale de cette contrée par Napoléon III, même si la puissance publique centralisatrice et autoritaire en a précipité la propagation (ainsi que l’aubaine toute momentanée de la Guerre de Sécession).
Dès le XVIIIème siècle, et plus particulièrement sous l’influence des physiocrates, on a commencé à fixer les dunes et à semer des pins (une semence qui ne coûte pratiquement rien) pour pouvoir les gemmer, c'est à dire en recueillir la sève, la résine, fruit de nombreux dérivés. La technique est séculaire : on protège les semis du vent par un lacis de branchages et de bruyères présentes un peu partout. Ce qui importe est aussi de drainer les grandes étendues de marécages, la faible pente du terrain ayant la propriété d’emprisonner l’eau en de vastes bourbiers où sévit le paludisme.
Pendant des générations successives, des compagnies rivales engloutiront des fortunes pour financer et tenter en vain de réaliser des canaux destinés à rendre les Landes accessibles et à favoriser leur exploitation. C’est l’arrivée du Chemin de Fer et le financement des frères Péreire qui serviront de déclic. La création de la Ville d’Hiver d’Arcachon par Emile Pereire et le prolongement de la ligne de Bordeaux à La Teste vers Bayonne sont emblématiques. Les riches spéculateurs qui se porteront acquéreurs de milliers d’hectares de terrains communaux feront le reste.