Si l'euro survit à la crise actuelle, cela ne pourra avoir lieu que par une centralisation absolue des politiques (d'austérité) économiques.
Ce n'est pas souhaitable, évidemment : l'euro est la cause de la crise actuelle, non une conséquence. La centralisation sera donc un tribut à payer pour une unification politique qui n'a aucun sens économique.
Bien entendu, le problème n'est jamais présenté de cette façon.
L'article de Tommaso Padoa-Schioppa commenté hier établissait cependant clairement que pour cet européen éminent (l'un des créateurs de la BCE), la démocratie dans un contexte européen est redéfinie de façon drastique : l'électeur est, au mieux, un aimable figurant.
Me renseignant sur cet homme, j'étais tombé sur l'annonce de la publication des actes d'un séminaire en honneur à la mémoire de ce technocrate.
Ce séminaire était organisé, le 14 juin dernier, par Notre Europe, le think tank que présidait Padoa-Schioppa. On y retrouve Trichet, Mario Monti, Delors, Barnier, Pisani-Ferry...
Il est à craindre que ce cénacle n'ait adopté la même conception fort restrictive de la démocratie sachant que le thème du séminaire était "l'euro, les investisseurs et la gouvernance". La question principale étant : "quelle forme de gouvernance acceptable par les Etats membres est-elle susceptible de fournir plus de stabilité à la zone euro, tout en lui permettant d’atteindre les objectifs attendus du développement économique et social en termes de pouvoir d’achat, de création d’emplois et de compétitivité ?"
Par exemple, Mario Draghi, de chez Goldman Sachs la BCE (bientôt), expliquant que "l’un des principaux avantages qu’offre l’adhésion à l’UE réside dans la possibilité pour les pays aux institutions plus faibles d’internaliser plus aisément les structures et les actions requises pour parvenir à la stabilité et à la croissance durable."
En bon français : l'Union permet de faire passer partout des politiques régressives, y compris dans des pays qui n'auraient jamais songé à les adopter sans le carcan européen.
Mario Monti : "Ceux qui, tout comme moi, ont toujours vu d’un bon oeil la forte capacité de l’Allemagne à orienter l’Europe vers une économie sociale de marché, vers une culture stable et une sorte de Ordnungspolitik, ne peuvent qu’espérer qu’un effort pédagogique proactif soit entrepris par le pouvoir politique allemand, dans le but d’inciter le public non pas à plus d’ouverture en terme de solidarité, mais tout simplement à se préoccuper, par « égoïsme éclairé », de son intérêt bien compris." L'objectif européen selon cet autre Mario est bien l'Ordnungspolitik (ou ordolibéralisme en français), soit une conception principalement libérale de la société (au sens économique), vaguement mâtinée de paternalisme social.
Je n'ai ni le temps ni l'envie de lire le compte rendu de ce séminaire (qui se tenait à huis clos) destiné à deviser des moyens d'écraser encore un peu plus la démocratie.
J'ai juste fait le décompte de quelques expressions :
- gouvernance : 168 occurrences ;
- investisseurs : 139 occurrences ;
- état : 92 occurrences ;
- marché : 87 occurrences ;
- compétitivité : 14 occurrences ;
- citoyen : 13 occurrences;
- discipline : 12 occurrences ;
- parlement : 10 occurrences ;
- agences de notation : 7 occurrences ;
- démocratie : 5 occurrences ;
- création d'emplois : 4 occurrences ;
- pouvoir d'achat : 1 occurrence ;
- électeur : 0 occurrence.
Clair ?