Quel blagueur, ce Joaquim Phoenix. Derrière l’acteur de talent, qui a navigué dans les grands films dramatiques ou les histoires les plus intimes, et surfe sur une très bonne vague depuis une dizaine d’années, se cache en réalité un artiste torturé et jusqu’au-boutiste. Filmé par Casey Affleck, le voici mettant en scène sa propre déchéance, tragédie moderne un peu trop chorégraphiée pour être pleinement plaisante.
Revenons sur la chronologie. 2008 : Phoenix termine Two Lovers, de son vieux camarade James Gray. Dans la foulée, il annonce subitement la fin de sa carrière d’acteur. Il veut désormais se consacrer à son nouveau destin, chanteur de hip-hop. Trop dingue pour être vrai? Peut être. Sauf que J.P. (de ses initiales) n’écoute personne, et fonce dans le tas. Filmé par la caméra de Casey Affleck (une première pour l’acteur, mais ça semble de famille), le voici descendant lentement les marches d’une déchéance programmée, clairement indiquée par un manque d’hygiène de vie et de corps (d’esprit?) apparent. Longue barbe, cheveux hirsute, JP se veut artiste maudit, enfermé dans sa villa californienne, désireux d’un destin qui n’est pas le sien, reniant son passé trop doré pour être vrai.
L’idée est séduisante : suivre un acteur au sommet de sa renommée dans son auto destruction la plus totale. Hélas, la parie Affleck-Phoenix décide de jouer la carte du réalisme le plus total, tout en semblant préparer chaque séquence. L’intrusion de la caméra, inexpliquée, n’aide pas à entrer dans ce faux documentaire à la gloire (ou pas) d’un Joaquim Phoenix qui pourtant se donne à fond. Egratignant sa renommée sur l’autel de la création artistique, le voici transformé en son moi véritable, le JP dépressif et alcoolique, drogué à la forte odeur parti dans un délire égocentrique total. Les deux assistants qui sont à ses côtés passent pour deux idiots un peu trop immobiles. Faux docu, mais vrai film, dans lequel les deux compères lancent un débat intéressant, sans forcément aller jusqu’au bout de leurs idées. On aurait aimé voir plus de trash, ou plus de finesse dans la dégringolade de Phoenix au fond de son trou.. En lieu et place, on découvre un acteur jouant sa déchéance, quelquefois au bord de la rupture, filmé certes dans les conditions du réel mais en bridant sa capacité à se livrer totalement. Finalement, le vrai Phoenix reste à découvrir…
Projet excitant, acteurs en vogue, I’m Still Here a de quoi motiver le spectateur à faire le déplacement. Finalement moins percutant à l’arrivée, on ne sait plus trop où se situer.. Si on peut en tirer quelques leçons évidentes sur la notoriété et les désirs des acteurs derrière tout ça, on ne saura jamais vraiment si le but de Casey Affleck et Joaquim Phoenix a réellement été atteint. Et si l’album de JP sortira un jour!