Les Rencontres d'Arles étant une des rares manifestations ayant échappé au fiasco de l'année du Mexique, il y a ici plusieurs expositions liées au Mexique, que je n'ai pas encore toutes vues.
Les passionnés de cinéma pourront se réfugier dans la fraîcheur de l'église des Frères Prêcheurs et rester longtemps devant les extraits des films de Gabriel Figueroa, directeur de la photographie de Bunuel et de John Ford, mais c'est quand même un peu hors sujet ici (si vous voulez absolument voir un film ici, allez voir 24 Hours Psycho de Douglas Gordon au Méjean...). Les amateurs d'histoire iront sous la canicule au lointain Musée Arles Antique voir la fameuse valise mexicaine et les planches contacts de ces trois gamins icôniques (ils avaient 25 ans), Capa, Chim et Gerda Taro pendant la guerre d'Espagne : cette redécouverte de leurs photographies est passionnante, en parallèle à quelques tirages déjà connus,en particulier dans les revues de l'époque. Elle mourra là-bas, eux survivront vingt ans de plus pour périr aussi dans des conflits des années 1950s. Parmi tant de photos de guerre, j'ai aimé celles-ci de Chim (planche-contact) où des soldats républicains mettent à l'abri un crucifix du couvent des Carmes Déchaussés Royaux à Madrid en octobre 1936, juste après le début de l'insurrection : deux larrons accompagnant le Christ en croix, scène grandiose et simple, aux ombres portées tragiques. Et (plus haut) au mur, ces photographies de réfugiés, chassés de chez eux, proscrits, promis aux camps d'internement, victimes de la lâcheté des démocraties européennes face à un pouvoir fasciste, tellement éternels, actuels.Il y a aussi des photographes mexicains, bien sûr; je n'ai jusqu'ici vu que ceux des Ateliers SNCF (où le stand de tir est toujours là, face à une exposition des affiches des Rencontres). La série Ricas y Famosas de Daniela Rossell me semble être l'équivalent mexicain actuel des années cocktail de van Dongen : pose et artifice; passons. Je n'ai guère été enchanté non plus par l'artifice grotesque des immigrés mexicains en super héros de Dulce Pinzon, évitement du politique au profit du spectacle. Les séries de Maya Goded sur les prostituées, et surtout sur les sorcières, réminiscences païennes en terre chrétienne, rites mystérieux de feu et d'eau, sont par contre de beaux témoignages pleins d'empathie.
Mais c'est surtout Enrique Metinides qu'on attendait; je l'avais découvert dans une exposition sur le voyeurisme et ce ne sont pas les images montrées ici qui me feront évoluer. Cet homme est absolument fasciné par l'accident, le morbide, la catastrophe; il fait remarquer candidement que c'est le cas de tout un chacun, en tout cas des badauds mexicains comme des visiteurs de ses expositions, et il accompagne joliment ses vues d'horreur de petits textes ironiques et détachés ("je ne me souviens pas bien, j'en ai tant vus, des suicides..."), voire de figurines de Lego ou de Disney, comble de l'horreur. Alors suivons-le dans son humour macabre : voici ci-dessus un Massacre de blondes et de brunettes brûlées vives dans un incendie, et ce n'est qu'un amas de poupées calcinées. Ci-contre : un jour, les policiers de garde à l'hôpital l'appellent pour voir cette radio du corps d'un homme qui refuse d'expliquer comment ça lui est arrivé : un chirurgien parviendra à extraire la bouteille de tequila du corps, et un autre chirurgien, ignorant sa provenance, la boira... Ses photos couleur sont souvent plus esthétisantes, moins brutales : on voit ci-contre la figure du diable dans les flammes, et (ci-dessous) ces tôles froisées lors d'un accident de chemin de fer pourraient rivaliser avec un Klasen. Mais, au-delà de l'anecdote, du récit et du témoignage, est-ce une telle découverte ?Enfin, une fois n'est pas coutume, je voudrais annoncer la vente aux enchères de photographies qui aura lieu vendredi à 18h30 au profit de la Cinémathèque de Tanger; il y en a pour toutes les bourses, de 150 à 15 500 euros, ou plus (pour un original de Francis Alÿs) et ça renflouera le budget fragile de la Cinémathèque.
(Médiocres) photos de l'auteur (mais les photos de presse ne sont pas accessibles), excepté la première.