Miles Kane, le survivant

Alors que le soleil semblait se diluer dans les vapeurs brûlantes du ciel d’été, j’étais là, au milieu de mon salon à contempler, au beau milieu de meubles design, le premier James Bond. Premier chef-d’œuvre dont le générique, ovoïde et pop, constituait en soit une forme d’aboutissement stylistique. Le film se situait dans une Jamaïque très coloniale, loin, très loin du Blob Marley des seventies. Avec ses méchants si méchamment campés, ses pépés body sculptées, ses voitures sublimes, la saga des James Bond représentait un must de classe éternelle, d’entertainment feutré. Ici, la figure maléfique prenait les traits d’un eurasien lettré, le docteur No. En face de lui, 007, le male absolu. Sean Connery lui prêtait son visage. Anglais pour l’élégance, italien pour la virilité exacerbée. L’homme était écossais. Sans parler de sa propension à déshabiller le casting tout entier. Et puis, il y avait cette guitare omniprésente, très rock pour l’époque qui signait chaque apparition du héros. Classe et rock donc. Comme Miles Kane. Je me suis permis cette aparté cinématographique non pas pour vous flouer mais parce qu’elle m’a paru frappante de similitudes. Oh bien sûr, Miles Kane ne peut rivaliser face aux charmes ténébreux du plus célèbre des agents secrets de sa majesté. Et ce, malgré les costumes que celui-ci arbore dans l’ensemble du plan média, y compris sur la pochette. Shooté en noir et blanc,on le voit nonchalamment réajuster sa veste, les yeux perdus dans un brouillard de cheveux. En congés des Rascals, son premier groupe, et des Last Shadow Puppets, son premier super groupe avec Alex Turner des Arctic Monkeys, il réapparait plus fringant que jamais avec un nouveau line up dévoué à sa seule cause, réuni autour de son nom. Miles Kane en lettres roses, fines, comme pour trancher. Les onze titres qu’il nous propose sont à l’avenant. Cinglants comme une décharge d’adrénaline. Malgré des accents revivalistes lorgnant vers les 60s, le son, impeccable, explose dans les enceintes. Cela commence de façon presque calme avec Come Closer dont le refrain, efficace, séduit d’emblée. Ouais ce sale gosse aux faux airs de Keith Moon a du style. Rearrange prend le relais et de quelle manière avec ses claviers glapissants. Là encore, l’écriture savante du bonhomme claque à l’évidence. Il faut dire que Miles Kane semble avoir trouvé l’équation parfaite entre pop songs acidulées, le doucereux My Fantasy et le californien Quicksands, et tubes hargneux. Dans cette catégorie, Inhaler irradie de puissance. Kane s’y montre même un brillant soliste à en juger par le chorus de guitare déchirant ce parfait ordonnancement. Il faut voir ce titre joué live pour juger de son réel potentiel. Telepathy, Kingcrawler et Happenstance paraissent faibles au regard de la débauche d’électricité en fusion qui surgit à chaque seconde. Entre ces chansons moins exubérantes, s’est glissée une perle, Take The Night From Me, sorte de romance italienne aux arrangements savoureux. Il faut enfin saluer le choix pour des morceaux courts, ne dépassant jamais les trois minutes trente. Ce sacro-saint idiome des sixties qui avait si bien réussi aux Stones, Beatles, Who, Kinks et autres Pretty Things sied à merveille à Sir Kane dont le retour sonne ici comme son heure de gloire. Alors qu’Alex Turner a atteint un bon niveau de notoriété, au-delà des cercles indie geek, Miles Kane paraissait à la traîne. Cet album changera peut-être la donne, tout du moins on l’espère. Comme un James Bond, cette première livraison solo finit bien… Avec Colour Of The Trap dont la production mate nous renvoie aux meilleurs disques de Lennon enluminés par le Spector des années 70-71. Colour Of The Trap, morceau titre de cet opus dont on espère qu’il attira de nombreux fans dans ses filets. Afin que Miles Kane passe du survivant au surpuissant.

http://www.deezer.com/fr/music/miles-kane/colour-of-the-trap-947433

http://www.guardian.co.uk/music/video/2010/nov/03/miles-kane-how-i-wrote-inhaler-video

05-07-2011 | Envoyer | Commentaires (1) | Lu 1928 fois | Public Ajoutez votre commentaire