Le projet écono-comique de Nicolas Sarkozy
Comme prévu, c’est l’été et les choses se précisent côté campagne présidentielle. Pour la droite, ces deux mois estivaux seront l’occasion de plancher sur son programme économique. Et quand je dis travail, je pèse mes mots. Il ne faut pas oublier la difficulté d’aborder un tel sujet pour des handicapés de l’économie.
Avant tout, quelques précisions sont nécessaires.
D’une part, soyons réalistes. Quand l’UMP parle d’économie, qu’on se le dise : tout le monde sera frappé par ses mesures, et s’ils font une économie, c’est celle de lister les épargnés, puisqu’il n’y en aura aucun.
D’autre part, les programmes politiques — et leurs pendants économiques — n’ont jamais été, pour les partis et lors d’une présidentielle, que la cinquième roue d’un carrosse de Cendrillon dont le sort est scellé jusqu’à l’élection du candidat puisqu’il se transformera bien vite en citrouille passé cette date ; il serait donc naïf de prendre pour argent comptant ce qui n’est que l’habituel mélange de poudre aux yeux pour 49.9%, poudre de perlimpinpin pour 49.9%, et pipeau de grand chemin QSP 100%.
Mais comme la majorité présidentielle nous fait la joie de nous fournir quelques éléments, rigolons en les lisant. On aura largement le temps de pleurer lorsqu’une petite partie d’entre eux sera mis en route (par l’UMP ou le PS, peu importe ici : ce qui est bon pour l’un est bon pour l’autre).
Pour le moment, il ne s’agit que d’un bouquet de propositions, mais déjà, on apprend qu’il vise haut puisqu’il s’agit de faire de la France «une terre de production et de croissance». Avant d’aller plus loin, rappelons que les artistes qui s’expriment ici sont ceux qui sont responsables de l’état actuel des choses, et que l’ensemble des cascades effectuées dans le cadre de ce spectacle pyrotechnique le sont sans filet, sans répétition ni préparation et avec votre argent, et sous vos applaudissements.
Le document, véritable embryon de ce que sera le programme présidentiel lorsqu’il sera à pleine puissance (on frémit) décline quelques idées fortes :- Les impôts n’augmentent pas. On y croit, parce que c’est du solide, du sûr, du vécu.
- Le système fiscal va être plus précis, affûté, poli pour mieux répondre aux besoins de financement actuels. La précision diabolique de Bercy permet d’envisager la chose avec un optimisme béat.
- On va « recadrer » certains mécanismes économiques qui se sont traduits par « des abus pendant la crise ». On croirait lire une facture de plombier mafieux dont le montant total explique mal les deux ou trois canalisations en pvc douteux posées à la va-vite qui montrent déjà des signes de fuites.
Heureusement, on envisage d’ajouter à ces idées fortes un « discours clair sur le respect de la trajectoire des finances publiques fixée après la crise ». Trajectoire est un mot ambitieux pour décrire le parcours parfaitement chaotique des finances françaises, sauf à le rapprocher de celui d’un gros missile chargé ras la gueule dont la partie balistique vient tout juste de commencer… Quant à considérer que nous nous plaçons à présent après la crise et plus en plein dedans, ce n’est plus ambitieux, c’est proprement comique. On croirait lire du Lagarde.
En tout état de cause, les propositions suivent et ressemblent à s’y méprendre à la tambouille électorale habituelle.
Ainsi, l’UMP préconise d’alléger les charges sociales (antienne habituelle, vœu pieux toujours relégué aux calendes grecques) et, pour compenser cette baisse qui n’aura pas lieu, d’instaurer une TVA sociale. Là, pour le coup, on peut raisonnablement compter dessus. Les taxes étant toujours payées par le maillon le plus faible, on sait déjà qui va morfler. Vous.
En parallèle de cette augmentation prévisible de la TVA sociale, on aura droit aussi à la hausse de la TVA traditionnelle, de 5 points tout de même. La sodomie fiscale prend des parfums de tournante au tabasco. Bizarrement, au moment de payer, le petit picotement au fondement sera exactement le même pour l’une et l’autre TVA, soulignant bien que la différence entre les deux bricolages est avant tout dans la tête, au contraire du reste. Et ce sont les pharmaciens qui vont faire des affaires sur les baumes et les pommades…
Comme d’habitude, le juif pardon le riche sera financièrement mis à l’amende, afin de lui rappeler la honte qui le frappe d’avoir hérité d’attributs physiques, intellectuels ou – pire – familiaux lui permettant de gagner sa vie sans dépendre de la solidarité nationale. Honni, il sera donc surtaxé. On frappera donc les bijoux (les vrais Français, patriotes, n’en ont pas et n’ont que des obligations d’État, tout le monde le sait), les chevaux, le tabac et les voitures haut de gamme, comme les Porsche Panamera. Au moins, cette partie économique sera en parfait accord avec les propositions de Hollande qui, lui non plus, n’aime pas les riches.
Là encore, pour compenser le fait de taper un peu tout le temps sur ceux qui introduisent la richesse dans le pays (au contraire de certains autres qui, eux, se contentent de la pomper), les mêmes filous experts économiques de la majorité proposent ensuite l’introduction d’une « contribution de tous » histoire de donner enfin la possibilité aux plus pauvres de participer aussi, youpi, youpi, à l’impôt républicain. Voilà qui donne la pêche, non ?
Aucun détail n’est donné, en revanche, sur d’hypothétiques mesures anti-délocalisations (un chouilla interventionnistes), le rééquilibrage de l’impôt entre les petites et les grandes entreprises (très vaguement étatistes), et le toilettage des niches fiscales, réalisé comme on s’en doute à la marge et au micromètre près afin de transformer la jongle fiscale française en maquis inexpugnable.
Dans tout ce fatras, on peut cependant mentionner l’idée d’un impôt dont on pourrait choisir l’affectation. C’est, véritablement, la seule lueur d’intérêt que peut éveiller ce salmigondis de mesures parfaitement interventionnistes, confiscatoires et qui se contentent de redistribuer une richesse qu’elles n’arriveront jamais à produire. On peut même se prendre à rêver d’un impôt unique où chaque citoyen affecterait comme bon lui semble ce qu’il veut aux principaux ministères. L’impôt est inique, mais il deviendrait ludique en introduisant une bonne dose de concurrence entre les ministères.
Rassurez-vous cependant : cette idée amusante ne verra pas le jour. Les frictions administratives en viendront à bout.
On notera, en fil des propositions, la critique un poil déplacée d’une gauche aussi socialiste que l’UMP ; le PS n’a guère pu participer, si ce n’est au niveau des régions, au pillage du pays. Certes, les vieux débris trotskystes et les jeunes arrivistes aux idées déjà poussiéreuses ne sont pas en manque de lubies taxatoires non plus, mais l’éloignement du pouvoir leur aura permis la posture facile du « On aurait fait mieux à votre place ».
Bref. De tout ça ne restera que le fatras habituel qui sera oublié une fois l’élection passée. À lire les inepties proposées, le mal est profond, l’inculture économique totale et quoi qu’il arrive, ce pays est foutu.
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