CONFESSIONS D’UNE FEMME
Notre garde forestier
S’appelait Gautier.
Il était particulièrement fidèle,
A mon mari, Jean-Noël
Moi, j’avais ramenée de Galice
Une servante pour mon service
Cinq ans auparavant.
Elle avait alors seize ans.
On chassait beaucoup.
Chez les voisins et chez nous.
J’avais remarqué un bel homme,
Le baron de Cardome.
Quand Hervé partait
Voir ses métayers,
Cardome me rendait des visites
Charmantes et fortuites.
Mon mari sourcilleux
Me semblait anxieux.
Je m’en suis aperçu :
Il ne m’embrassait plus !
J’entendais la nuit
Des pas à mon huis
Et dehors, je sentais rôder
Quelqu’un de mon côté.
Le château devenait hanté ?
Un soir, après le diner,
Hervé m’a questionné:
« Avec moi, vous plairait-il
De venir tuer ce Goupil
Qui cherche pitance
En permanence
Au poulailler.
Surprise, j’allais m’habiller.
Nous partîmes.
Hervé ne disait mot .
Nous atteignîmes bientôt.
Le bord de l’étang.
Me sentant
Frémir, il s’enquerra
-«Cette épreuve vous suffira ?
Si oui, disparaissez ! »
-«Du tout, je ne suis pas là
Pour m’effacer ! »
L’instant d’après, il signala :
-«Le voyez-vous, sous la futaie ?»
Une ombre en effet se manifestait.
Une flamme me passa devant les yeux.
Sur le sol caillouteux,
Je vis un homme rouler.
J’étais affolée.
Mon mari m’empoigna
Et, avec brutalité, me traina
Jusqu’au corps étendu.
Il me jeta dessus.
Il allait me tuer.
Déjà il levait son pied
Botté de cuir. Son talon
Allait écraser mon front
Quand nous vîmes ma servante
Paquita, tremblante
Enlaçant le cadavre de Gautier,
Le garde-forestier.
Elle baisait sa bouche, ses yeux.
Comme un chat furieux.
Mon mari aussitôt comprit.
Et me dit consterné
-« Oh ! Pardon, ma chérie,
Je t’avais soupçonnée.
Or c’est l’amant de Paquita,
Que je viens de tuer recta ! »
Mais moi, au-delà
Des baisers de Paquita,
De ses amoureux sanglots,
De ses vibrants sursauts,
Je me suis juré :
Jamais plus je ne serai
Fidèle à Jean-Noël.