L’importance de la décision de la Cour d'appel de Limoges du 13 juillet 2010 a été sous-estimée. Sept petits-enfants de Louis Renault, ont réussit le tour de force non seulement de faire condamner le Centre de la mémoire d'Oradour-sur-Glane (Haute-Vienne) à retirer de son exposition permanente une photo (cf illustration) sur laquelle apparaît l'industriel auprès d’Hitler et Göring mais également, à payer 2.000 euros aux plaignants.
Le cliché litigieux a été pris au salon de l’auto de Berlin de février 1939. Louis Renault apparaît présentant aux dignitaires nazis une Juvaquatre. La légende est pourtant sobre: "Louis Renault présente un prototype à Hitler et Göring à Berlin en 1938 [...] Louis Renault fabriqua des chars pour la Wehrmacht. Renault sera nationalisé à la Libération".
Pour les héritiers de l'industriel, le lien entre la photo et sa légende constituait un montage anachronique et un mépris flagrant de la vérité historique.
65 ans après l’ordonnance de nationalisation des biens de Louis Renault, la Cour d’appel de Limoges leur donnera raison. Une décision motivée par le constat que les usines Renault n’ont pas fabriqué de chars pendant l’Occupation et qu’il n’y a pas de lien entre le rôle joué par Louis Renault "durant l’occupation et les cruautés dont furent victimes les habitants d’Oradour-sur-Glane".
La thèse avancée par la famille Renault est classique, récurrente pour de nombreux industriels ou commerçants accusés de s'être livrés a une collaboration fructueuse avec l'occupant. Celle d’un capitaine de l’industrie, un héros de la première guerre mondiale pacifiste, dont la contribution à l’économie de guerre allemande aurait été limitée et contrainte.
Elle occulte naturellement le rôle de son entourage dans l’épisode de la cagoule tout comme son obsession à créer un cartel européen de l’automobile quitte pour cela à s’engager dans une coopération, une collaboration économique, avec l'occupant.
Annie Lacroix-Riz sur Mediapart s'indigne de ce tri sélectif et procède à quelques rappels sur Louis Renault dont celui-ci : "Demeuré chef suprême de ses établissements, il maintint sous l'Occupation sa vieille collaboration étroite avec la police française, à laquelle la Saur remettait toutes les fiches du personnel. L’administration de l’usine faisait appel à ses services à tout propos, pour arrêter ceux qui appelaient au sabotage de la production de guerre allemande: la responsabilité de la Saur dans l’arrestation de militants communistes ensuite livrés à la police allemande est strictement établie par les fonds de la Préfecture de police, par exemple pour les 10 de décembre 1941 et les 24 de juillet 1942, déportés ou fusillés. C’est cela qui rendit impérative à la Libération la confiscation des usines Renault, et que le refus d’un droit de réponse à la campagne unilatérale larmoyante menée au service des héritiers de Louis Renault empêche les Français de connaître".
"Un peuple sans mémoire est un peuple sans avenir" aimait à dire Aimé Césaire. La dérive de la « droite populaire », ce collectif informel d’une quarantaine de députés de l’UMP à la charnière avec le Front National en constitue une illustration
Lundi Lionnel Luca annonçait lundi sa démission du poste de secrétaire national de l’UMP en charge de l'Immigration, en raison de ses "divergences" "sur la question de la binationalité".
Lionnel Luca veut revenir comme ses collègues de la droite populaire sur le statut de binational. "Sur la binationalité, on aurait pu ouvrir un débat, de façon à ce qu'elle soit à géométrie variable. Autant il est normal que des citoyens européens puissent avoir une double nationalité, autant on peut s'étonner que ceux qui ont été colonisés veuillent à tout prix conserver la nationalité de leur colonisateur", explique le député dans les colonnes du Figaro.
Bégaiement de l’histoire et fin des tabous, dans les années 30 une partie de la droite française tenait un discours similaire, apeuré et haineux à l’égard des étrangers qui trouva une mise en œuvre concrète dans la Révolution nationale de Vichy.
Le parlementaire UMP semble emprunter le même chemin qui conduisit Pétain et sa clique à adopter et promulguer la loi du 22 juillet 1940. Un texte scélérat qui instaurait la révision systématique de toutes les naturalisations accordées entre le 1er janvier 1927 et le 4 juillet 1940 soit, 510 690 personnes.