Je saisis l'occasion d'un commentaire sur mon dernier passage à France Inter (dans Le Grand bain ce jour) pour revenir sur une question récurrente: la télé-réalité est-elle à regarder au "second degré"? (http://comprendrelatele.blog.lemonde.fr/2011/07/03/doutreau-a-dsk-les-memes-erreurs-mediatiques/#comments)
C'est une hypothèse que j'ai souvent développée dans mes livres et dans les médias, c'est aussi ce que maintient le directeur de TF1. Une hypothèse rassurante car elle permettrait tous les excès sous prétexte que les gens ne seraient pas bêtes au point de prendre toutes les jeux cruels ou stupides de la télé-réalité à la lettre.
J'ai donc soutenu ce matin sur l'antenne de France Inter que ceux qui disaient cela ne tenaient aucun compte de la perception de ces programmes par un enfant de dix ans vivant dans un village. Ce qui me vaut ce commentaire: "Merci M.Jost de réécouter ce que vous avez dit sur les ondes de france inter ce matin concernant la capacité d’analyse d’un enfant de 10 ans non parisien…. Affligeant non ? je suppose que vous habitez Paris ?". Je n'ai pas réécouté l'émission car je n'ai pas l'habitude de me gargariser de ma propre parole, mais je persiste et signe. Ce n'est pas affligeant, Marie-Françoise, c'est la vérité. La réception d'une émission varie considérablement en fonction de l'appartenance sociale, de l'âge, du nombre de diplômes obtenus... Bourdieu ne disait pas autre chose. Et, si je le maintiens, ce n'est pas que j'habite Paris, comme vous le supposez, mais, précisément, parce que je passe beaucoup de temps dans un petit village. Les Parisiens ont beaucoup de suffisance : ils croient que tout le monde comprend comme eux. Il y a pourtant quelques données objectives qui vont à l'encontre de ce sentiment. Je les emprunte à Olivier Donnat, qui, dans son enquête sur les Pratiques culturelles des Français, rappelle le comportement particulier des Parisiens par rapport à ses compatriotes : alors que 3% des Français seulement n'ont pas la télévision, 17% ne l'ont pas à Paris; le temps de visionnement de la télévision par les jeunes y est aussi très inférieur au reste du pays, ce qui s'explique facilement, étant donné le choix des sorties possibles.
D'un point de vue psychologique, ont sait qu'un enfant n'a pas les mêmes définitions de la réalité. Je renvoie à Piaget.
Il faut donc s'y faire: nous ne sommes pas tous semblables devant les médias. Ce n'est insulter personne de le dire. Et c'est affligeant de voir qu'un telle vérité puisse sembler "affligeante". C'est parce que nous n'avons pas tous les mêmes chances de "décoder" les médias que je fais ce blog et que j'enseigne leur analyse depuis 30 ans. "Affligeant"?