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La "debtocracy" ou le pouvoir des marchés financiers

Publié le 04 juillet 2011 par Raphael57

Un journaliste grec de 34 ans, Aris Hatzistefanou, a décidé d'utiliser la notoriété de son émission de radio “infowar” sur la station grecque Sky Radio, pour lancer une campagne de fonds afin de produire une vidéo Youtube sur la crise en Grèce. En seulement une dizaine de jours, il a récolté 8 000 euros et de nombreux professionnels de l’audiovisuel ont proposé de l'aider. C'est pourquoi, la petite vidéo du départ est devenue désormais un documentaire conséquent, visionné déjà par plus d'un million de personnes en Grèce. 

Ce documentaire, d'une durée de 1h15 min, est en langue grecque mais sous-titré dans de nombreuses langues étrangères dont le français. Il mérite d'être vu tant le message est à contre-courant de la doxa officielle en économie et très proche dans l'esprit de mon dictionnaire révolté d'économie. En toile de fonds, il rappelle ce que j'ai souvent évoqué sur mon blog, à savoir que le vrai problème de la zone euro n'est pas l'endettement mais le manque de fédéralisme et que les plans de rigueur imposés par le FMI et l'Union européenne déboucheront inévitablement sur une catastrophe économique et sociale !

Au surplus, il montre très bien que les plans de sauvetage ont pour finalité principale de sauver les banques - en l'occurrence allemandes et françaises - qui sont très exposées à la dette grecque et que seuls des tests de résistance très complaisants peuvent encore présenter comme capables de supporter un défaut souverain de la Grèce...


Debtocracy International Version par BitsnBytes
Par-delà le documentaire-choc, qui montre du reste très bien les ravages de l'idéologie néolibérale, le journaliste a cherché à a popularisé une campagne nationale demandant une commission d’audit de la dette publique du pays, à l'image de celle mise en place en 2007/2008 par le Président de l'Équateur, Rafael Correa, et qui entraîna la répudiation de près de 40% de la dette extérieure du pays, considérée comme illégitime car servant des intérêts particuliers au détriment de l'intérêt général. En réponse à l'impossibilité pour l'État de se financer sur les marchés financiers, le gouvernement grec, sous la pression de la "troïka", a accepté de voter un nouveau plan de rigueur en échange d'un versement de 12 milliards d'euros, ce qui ressemble à s'y méprendre au tonneau des Danaïdes... En effet, les dirigeants européens croient-ils un instant que des économies budgétaires de 28,4 milliards d'euros et des privatisations chiffrées à 50 milliards permettront de sortir la Grèce de l'ornière en 2015 comme par enchantement, une fois qu'il ne restera plus rien de grec en Grèce ? Je ne sais combien de fois j'ai écrit et dit que la Grèce ne pourrait jamais rembourser intégralement sa dette (ni publique ni privée d'ailleurs) au vu des conditions économiques actuelles et que son salut passerait forcément par un défaut. C'est au reste l'idée qui est en train de faire son chemin dans l'écheveau de nos têtes dirigeantes avec la proposition de "rollover". De quoi s'agit-il précisément ? En résumé, cela consiste pour les banques à continuer de financer la Grèce en achetant de nouvelles obligations d'État grecques à chaque fois que les titres qu'elles détiennent en portefeuille arrivent à échéance. Le programme de rollover est prévu pour s'étendre au moins jusqu'en 2014 et fait suite à une proposition des banques françaises fortement contraintes par le Trésor. Ainsi, les banques allemandes qui détiennent environ 10 milliards d'euros de dette souveraine grecque, contribueront à hauteur de 3,2 milliards d'euros à ce programme... sur la base du volontariat ! C'est là un point essentiel pour comprendre les négociations en cours : tant que les agences de notation considèrent que les banques participent volontairement au rollover, celui-ci ne sera pas perçu comme un événement de crédit, c'est-à-dire un incident de paiement qui nécessiterait de faire fonctionner les mécanismes de garanties souscrites au travers des CDS et qui entraîneraient des déboursements monstrueux à l'image de ce qui était arrivé à l'assureur américain AIG suite à la faillite de Lehman Brothers. Or, Standard & Poor's vient de considérer ce matin que le rollover reviendraient à placer Athènes en situation de défaut sélectif et qu'il s'agirait par conséquent d'un événement de crédit ! Retour donc à la case départ, car les marchés financiers ne sont pas contents d'une décision prise par des États souverains : la situation est simplement ubuesque ! A quand un véritable réveil politique au sein de l'Union européenne ?

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