Allemagne: l'énigme du Prince de Leubingen

Publié le 04 juillet 2011 par Jann @archeologie31

En 1877, lorsque l'archéologie en était encore à ses balbutiements, le professeur d'art Friedrich Klopfleisch s'est intéressé à une colline de près de neuf mètres de haut  à Leubingen, près d'une chaîne de collines escarpées en Allemagne de l'Est nommée Kyffhäuser. Il a fait creuser un trou sur le haut du tumulus afin d'accéder à la chambre funéraire à l'intérieur.
Lorsqu'ils y sont parvenus, tout y reposait encore intact: Il y avait les restes d'un homme, avec une cape d'or aux épingles brillantes, des outils précieux, un poignard, un pot de nourriture ou de boisson (à proximité des pieds de l'homme) et le squelette d'un enfant couché sur ses genoux.


Le "Prince" de Leubingen était sans aucun doute un membre de l'élite: ainsi les agriculteurs avaient entassés au moins 3.000 mètres cubes de terre à l'époque où le tertre funéraire était à la mode. Ils avaient aussi construit une voûte en forme de tente avec des poutres en chêne et recouverte d'un monticule de pierres.
Pendant des années, les chercheurs ont tenté de comprendre l'origine du pouvoir de ce prince.
Aujourd'hui le bureau d'Etat de Thuringe de la préservation historique a avancé d'une étape vers la résolution de ce mystère.
Les archéologues ont utilisé une puissante machine afin d'excaver les 25 hectares de terrain dans les environs immédiats du monticule...
Une infrastructure enterrée. 
Ils ont découvert les restes d'un des plus importants bâtiments de la préhistoire en Allemagne, avec 470 mètres carrés de plancher; un trésor d'objets en bronze, et un cimetière dans lequel 44 paysans ont été enterrés dans de simples tombes sans fioritures.
Avec des restes déterrés aussi bien de huttes que de palais, le site de Leubingen fournit un exemple frappant des différences sociales.
Mais la fouille éclaire aussi sur le moment historique où l'humanité a perdu son innocence économique À l'ère néolithique, les communautés agricoles étaient encore égalitaires car chacun possédait tout autant. Mais vint l'âge du bronze, qui a vu l'émergence d'une classe supérieure privilégiée, la caste des chefs. Ils vivaient une vie relativement luxueuse, étaient enterrés dans une opulence plus grande encore, et ornaient leurs épouses avec des bijoux en or et des colliers d'ambre.
Les archéologues sont particulièrement enthousiasmés par une cache d'armes qui a été découverte. Les armes sont enfouies dans la saleté dans un pot en céramique. Les tests réalisés avec un accélérateur de particules ont déjà montré que le pot contient environ 100 lames de hache en bronze.

Cette étrange pratique consistant à enterrer des objets de valeur est typique de l'époque. Mais la raison de cet acte reste un mystère. «C'est comme si quelqu'un avait enfoui 100 voitures de sport Mercedes», explique le directeur du projet Mario Kussner.
Le pot était enterré à l'extérieur, le long de l'immense maison récemment découverte: les arbres aussi épais que des poteaux téléphoniques ont été abattus pour construire les 44 mètres de long de la bâtisse. Le toit était couvert de roseaux ou de bardeaux de bois et devait mesurer environ huit mètres de haut. La structure n'a apparemment jamais abrité d'élevage.
L'aube de l'Age du Bronze
Certains chercheurs ont émis l'hypothèse que le bâtiment était un temple et ont interprété les haches comme des offrandes aux dieux des enfers. Cependant Kussner pense que le bâtiment était la résidence du «Prince», qui vivait là avec ses sbires et faisait payer les droits et taxes aux marchands venant de loin.
A cette époque, les marchands apportaient principalement du sel et de l'ambre. Le commerce du bronze, un matériau de luxe, commençait également à prospérer. La technologie pour mélanger le cuivre à l'étain ou l'arsenic pour fabriquer du bronze, qui avait été développée en Orient, s'est répandue en Europe vers environ 2200 avant JC. Pour la première fois, un matériau dur est disponible et il pouvait être fondu pour être versé dans des moules.
Cependant, la matière première était rare, et les caravanes apportaient les barres de cuivre non transformées provenant d'aussi loin que les montagnes des Carpates et des Alpes. L'étain provenait principalement des Cornouailles.
Les forgerons ont progressivement forgé des armes plus complexes, de meilleurs outils et des bijoux plus recherchés. Ainsi, le monde s'est divisé entre riches et pauvres.
Kussner estime que le «Prince» et ses gardes surveillaient un «rayon de 80 kilomètres» et faisaient un profit exorbitant. Il pense que le chef du groupe a mis ses lames de hache dans ce pot pour exprimer sa fidélité.
Un autre artefact trouvé dans la tombe, une petite enclume, suggère que l'homme avait quelque chose à voir avec la métallurgie. Il est possible qu'il ait été un forgeron lui-même. Mais, de toute façon, il est clair qu'il contrôlait son entourage grâce à l'utilisation de la force. L'enfant qui l'a suivit dans la tombe a dû lui être sacrifié.
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