Parce qu'un homme sans mémoire est un homme sans vie, un peuple sans mémoire est un peuple sans avenir. (Ferdinand Foch)Les connaissances d'un expert sont évidemment stockés dans sa mémoire. Une machine hypothétique qui serait capable de transcrire les connaissances de cet expert en documents manipulables serait d'un grand secours pour transmettre son savoir et son savoir-faire.
Il n'en existe bien entendu pas aujourd'hui, et c'est le travail de l'ingénieur des connaissances, ou plus spécifiquement du médiateur technique, que de tenter d'expliciter ces connaissances et de les formaliser sous forme de documents, au moins pour celles qui sont explicitables.
La mémoire à long terme
La mémoire à court terme n'étant pas vraiment pertinente pour parler des connaissances, je saute toute une partie de l'ouvrage pour aborder directement la mémoire à long terme.
Tout d'abord, il existe plusieurs types de mémoire à long terme. Si je retiens la conception de Squire, les diverses formes sont les suivantes.
- Les mémoires explicites contiennent des connaissances verbalisables. On y distingue :
- la mémoire épisodique : elle contient les souvenirs personnels de l'individu, y compris son expérience professionnelle ;
- et la mémoire sémantique : elle contient les connaissances générales (faits, règles, concepts...) qui ne sont pas propres à l'individu.
- Les mémoires implicites contiennent des connaissances non verbalisables. On y distingue :
- la mémoire procédurale : elle contient les capacités motrices (gestes, parole...) apprises par l'individu et qu'il sait reproduire automatiquement sans se poser de question ;
- l'apprentissage perceptif : elle contient les capacités sensorielles (reconnaissance d'un objet, d'un bruit...) apprises par l'individu ;
- le conditionnement : elle contient les associations entre des situations que l'individu a fréquemment rencontrées ensemble ;
- et l'apprentissage non associatif : elle contient les comportements innés (réflexes) ou acquis par l'habitude.
La représentation des connaissances
L'auteur propose trois classes de représentations mentales des connaissances :
- les représentations imagées, sous forme visuelle et analogique ;
- les représentations propositionnelles, sous forme de langage ;
- et les représentations liées à l'action, décrivant comment une action se déroule.
Les représentations propositionnelles font intervenir diverses structures :
- des déclarations de faits concernant des objets (un arbre possède un tronc), et des réseaux qui relient de telles déclarations ;
- des concepts définis par des propriétés (les poissons sont des animaux qui nagent dans l'eau) ou par un objet représentatif, le prototype (un moineau est un prototype d'oiseau), et des réseaux sémentiques qui décrivent quels concepts sont inclus dans quels autres (les baleines sont un sous-groupe des mammifères) ;
- des schémas représentant la relation entre diverses parties d'un tout tel qu'on peut généralement le rencontrer (une voiture a des roues, une carrosserie, un moteur ; un moteur est constitué de cylindres, de pistons) ;
- ou des scripts représentant des événements ou actions communément rencontrées (aller au restaurant), avec les objets que l'on rencontre (tables, personnel), le rôle des intervenants (clients, serveur, cuisinier), les séquences successives (entrée, commande, repas, sortie).
- procédurales, c'est-à-dire qu'elles représentent comment l'action s'effectue : elles incluent les prérequis (pour tailler un crayon, il faut un crayon et un taille-crayon) et les opérations élémentaires à effectuer (introduire le crayon dans le taille crayon, tourner) ;
- ou déclaratives, c'est-à-dire qu'elles décrivent les modifications apportées au cours naturel des choses par l'action : on peut citer le type d'intervention (peindre), le type de changement (modification de la couleur des volets), le contexte (une maison avec des volets, un peintre) et le but de l'action (rendre un aspect neuf aux volets).
- des réseaux sémantiques qui déterminent les relations entre des actions plus élémentaires (utiliser une cafetière) et des actions plus générales qui les font intervenir (faire du café) ;
- des procédures qui expliquent le déroulement d'une actions à partir de la succession d'opérations élémentaires ;
- et des tâches qui expliquent comment une opération élémentaire d'une procédure est concrètement réalisée (il peut y avoir plusieurs manières de réaliser une opération).
Le traitement des connaissances mémorisées
Disposer de connaissances est une chose, les utiliser en est une autre. L'auteur appelle traitement la manipulation des représentations mentales évoquées ci-dessus, et qu'on peut qualifier de raisonnements. Si on se contente des traitements liés à la représentations des connaissances, on peut ainsi citer essentiellement :
- le jugement : c'est la sélection d'une réponse parmi plusieurs possibilités ;
- l'inférence : c'est la fabrication de nouvelles connaissances à partir d'anciennes, par exemple par déduction logique ou par analogie ;
- et la catégorisation : c'est l'utilisation de catégories d'objets, par exemple pour déterminer si un objet dispose d'une certaine propriété, ou pour comparer deux objets entre eux.
Que faut-il en retenir ?
Essentiellement, que la psychologie a mis en évidence un bon nombre de structures mentales qui permettent de représenter des formes variées de connaissances. Plusieurs de ces structures, en gros celles représentant des connaissances explicitables, ont un mode de représentation documentaire (texte, dessin ou vidéo).
Ces représentations ont été compilées par l'ingénierie des connaissances, et elles sont prêtes à l'emploi au travers d'outils méthodologiques.