Tokyo, fin d'un monde (Kiseki no Shônen), T2 & T3
Junichi Soujou
Kodansha, 2004 (série terminée en 3 volumes) - Delcourt, 2011
L'histoire (après le tome 1)
"J'aime ton futur." Ce message, que Miho Omori reçoit sur son portable, qui lui a réellement envoyé? D'où? Et surtout, quand? Depuis qu'elle a rencontré Yuma Oda, plus rien n'est clair, ni certain : son fameux futur, celui des autres, et même le présent semblent se dérober sous ses pieds... Et ce n'est pas une métaphore. Yuma Oda, donc, mais aussi Taro Saegusa, au comportement de moins en moins logique, et les mystérieux hommes en noir, venus du futur... Tous gravitent autour de la pauvre Miho, dont la vie et la mort doivent se décider, le jour de la Saint-Valentin, sur la terrasse panoramique de la Tour de Yokyo...
Ce que j'en pense
Au mois de mars, je vous faisais un compte-rendu plutôt favorable de la lecture du premier tome de Tokyo fin d'un Monde, en m'interrogeant sur la suite de cette courte série. Prophétique, je me posais des questions, qui laissaient poindre un soupçon d'inquiétude : "que lira-t-on? Une intrigue apocalyptique, ou bien un huis clos entre trois personnages, ou encore un soufflé qui retombera mollement (ce que je n'espère pas)?" Un peu plus bas, j'en remettais une couche : "Bonne pioche, que ce Tokyo, fin d'un monde. Et grosse attente. Espérons qu'elle ne sera pas déçue." Soufflé qui retombe, attente déçue... je vais être franc : c'est exactement ce que j'ai ressenti à la lecture des tomes 2, et surtout 3, de ce qui se présentait comme un quasi-seinen d'anticipation, et qui se révèle au final un shonen sentimental à l'intrigue alambiquée.
Sur les qualités déjà rencontrées lors du tome 1, je n'ai pas grand chose à redire. J'avais apprécié un dessin détaillé, hyperréaliste, original, et souvent spectaculaire ; c'est encore le cas. Le hic, c'est qu'aucune nouveauté n'intervient à ce niveau : pas de nouveaux personnages ni de nouveaux lieux, ou presque ; c'est donc du pareil au même. J'ai tourné les pages avec une sensation de perpétuel déjà vu, ce que renforce la structure du récit, construite presque exclusivement sur des flashes-back et des flashes-forward. Quelques bons moments cependant : la scène où la balle sort du flingue et où le temps se fige, bien qu'elle sorte tout droit de Matrix, est très bien faite.
Ces remarques sur le dessin, je ne les aurais pas faites si elles n'étaient pas liées à la narration. Car c'est là que le bât blesse. En fait, avec les tomes 2 et 3, j'ai eu la désagréable impression que sur un excellent point de départ, l'auteur ne savait plus comment développer l'intrigue, et se contentait de la délayer dans un suspense artificiel. Il se passe moins de choses dans les tomes 2 et 3 que dans le tome 1.
Pour ne rien arranger, l'auteur s'est cru obligé de couper l'action (après l'avoir bien fait durer) toutes les deux ou trois pages, genre : la balle part, la balle est partie, la balle file vers sa cible, la balle va toucher la cible, bon alors qu'est-ce qu'elle fout, la victime attend la balle, hééého, elle arrive oui ou non, et VLAN, non-non-non, on est ailleurs avec un autre personnage et la suite de la trajectoire on la verra la prochaine fois. C'est agaçant, hein? Alors que le tome 1 me faisait lire et relire certains passages pour être sûr de n'avoir rien manqué, les tomes 2 et 3 m'ont vu tourner les pages mécaniquement, en essayant de ne pas décrocher. Et il m'est arrivé un truc pour la première fois en lisant un manga : je crois que j'ai pas compris ce que ça veut raconter... Embêtant. Très embêtant.
Au passage, je me permets un gros spoil (dans la mesure où j'ai bien compris, parce que ce n'est pas évident) : le titre annonce un fin du monde, hé bien je n'en ai pas vu le commencement (le jeu de mots est involontaire). Je ne ferai pas non plus une tartine sur le paradoxe temporel, dans lequel la narration s'est totalement perdue. C'était raconté avec plus de clarté et de finesse dans la Traversée du Temps...
Et pour parachever cette mauvaise impression, j'ai dégotté le détail qui tue : l'explication scientifique pourrie. En général, après une explication on est supposé en savoir plus, non? Et bien pas là. Le comble du ridicule, c'est donc d'expliquer le comment du voyage dans le temps : pour sauter dans le passé, ou dans le futur, suffit de sauter dans un genre de trou, et quand ta chute dépasse la vitesse de la lumière, tu y es : tu voyages dans le temps. Voilà voilà. Rien à ajouter.
Ah, si. Vous n'auriez pas un puits disponible, j'ai une soudaine envie de voyager dans le temps, jusqu'à mon libraire ce samedi. Peut-être que j'aurais acheté quelque chose de mieux. Ah oui mais non, tu peux pas, le paradoxe temporel, tu comprends, cet article n'aurait jamais été écrit, tout ça, oh, et puis flûte.
Cet article vous a plu ?