Beaucoup d'entre vous préparent vos valises, tandis que moi, je rêve encore d'escpades, et me souviens de mes voyages antérieus...
Lors de mes vacances estivales de l’année passée, j’eus le bonheur de visiter la Cité Éternelle, théâtre depuis plusieurs siècles du plus grand génie de l’Homme, mais aussi de sa cruauté la plus vile et la plus destructrice. Résumer en quelques lignes ce qu’est cette ville équivaudrait à un blasphème, car ma prose ne saurait décrire ses merveilles sans occulter une part de son charme hypnotique. Or, Rome est la ville qui, parmi toutes les autres, mérite un portrait de son absolu. Aussi vais-je la dépeindre en plusieurs épisodes, selon mon humeur, tentant d’en donner une image saisissante et totalement personnelle…
Le parc du bâtiment se nomme paradoxalement Villa Borghèse, tandis que le casino est dénommé "Galerie".
Je vous épargnerai ici le récit en détail de notre périple, ponctué de marches sous un soleil incandescent, de métros bondés et de bus aux horaires loufoques. Bien que cocasse, ce récit est ici plus que superflus, et desservirait celle qui fut un de mes coups de cœur romain. Je me permets simplement de rappeler qu'il est en général pénible de voyager en plein été dans une capitale où la chaleur se fait aussi étouffante ; nous n'avions néanmoins eu d'autre choix. Alors, quelques recommandations : - les autorités distribuent en général des bouteilles d'eau. Ne faîtes pas les malins, prenez-les. Vous en aurez besoin. - renseignez-vous par avance pour des horaires de bus, de métro, les changements de station, vous gagnerez un temps précieux. Ou, si vous avez la chance d'être hébergé dans un bon hôtel (ce fut notre cas), négociez avec le chauffeur des navettes de bus pour être déposé au plus près du site que VOUS voulez visiter. Conduire à Rome est un SUICIDE. Si jamais vous emboutissez une Ferarri... - En parlant de métro, méfiez-vous des pickpockets (faîtes attention aux gens lisant des cartes, une main est si bien dissimulée sous ce couvert), et surtout, aux horaires de pointe. Les compressions de César, ce n'est rien, à côté.
Terre promise des chefs-d’œuvre de l’Art italien (mais pas seulement), la Villa Borghèse trônait parmi son écrin de verdure, splendide édifice en pierre blanche, affichant un air fier et impénétrable.Impénétrable, elle le fut surtout pour les appareils photos, confisqués dès l’entrée, à l’instar des sacs à main, portables et boissons diverses. Depuis la date fatidique du 11/09, la sécurité est poussée à son paroxysme dans cet édifice ; il faut cependant reconnaître que ce qui se trouve entre ses murs ne mérite pas moins d’attentions que celles-ci. Quant à la file d’attente, c’est bien la première fois que je n’y porterai pas atteinte, et pour cause : les 20° du sous-sol où nous patientions étaient une bagatelle comparés au 40°du jardin environnant. Enfin, une fois franchi les portiques, nous entrâmes dans une salle merveilleuse, dont les parures dorées contrastaient avec la simplicité relative de la façade, et les dimensions somme toute modestes du lieu.
Celui-ci fut la demeure éponyme des Borghèse, une famille noble et fortunée originaire de Sienne. Sa construction fut commandée par le cardinal Scipione Borghèse, neveu du pape Paul V, qui assouvit ainsi son désir de casino (petite résidence de campagne) dédié entièrement à sa collection d'œuvres d’art. La façade de la bâtisse est ainsi un exemple remarquable de l’architecture du XVIème siècle ; l’intérieur cependant fut passablement modifié par les propriétaires successifs (on pense notamment à l’ajout de stucs dorés, de fresques, etc.). Pendant tout ce temps, la famille Borghèse n’a cessé d’acquérir de multiples chefs-d’œuvre. Néanmoins, le XIXème siècle marque un tournant dans l’historique de la famille : le prince Camille Borghèse ayant épousée Pauline Bonaparte, la propre sœur de Napoléon, il se voit contraint en 1807 de céder à son beau-frère une grande partie de ses collections. Même si une partie de ce don lui sera restitué après la chute de l’empereur en 1815, la perte fut trop grande pour être ignorée et, en 1833, François Borghèse signa un fidéicommis rendant l'ensemble du patrimoine familial inaliénable. Les fiances de la famille se dégradant, c’est l’Etat italien qui racheta le parc (aujourd’hui propriété de la municipalité de Rome) et le casino pour en faire un musée.
Le musée abrite tant et tant d’œuvres magistrales qu’il me serait impossible de toutes les nommer et les décrire en ce billet. Je vous ai donc concocté une très petite liste de mes coups de cœur…
Daphné et Apollon, ensemble baroque de Le Bernin, 243 cm 1622-1625
S'inspirant de la légende de la nymphe Daphné, refusant d'être capturée par Apollon et préférant se transformer en arbre, cette composition est àcouper le souffle, tout simplement ! La technique est prodigieuse, et le marbre si lourd acquiert une légèreté sans pareil…Dame à la licorne, Raphaël, 1505-1506, 65x61cm, huile sur bois transportée sur toile.
Avant la restauration en 1934-36 de ce portrait, lles historiens ignoraient que la petite licorne et les mains de la jeune femme avaient été reprises par un autre peintre, dissimulant par la même l’identité du véritable créateur de ce tableau ; redécouverts, ces éléments permirent son attribution à Raphaël. Entre douceur d’un regard et mystère d’un animal légendaire, mon cœur chavire…David avec la tête de Goliath, le Caravage, 1610, huile sur toile, 125x101cm.
Comment ne pas âtre frappé par la violence de la scène marquée par le clair-obscur ? L’artiste, qui a donné ses propres traits à Goliath, paraît ici plus que jamais un être tourmenté… Alors que nous effectuions cette visite, nous fûmes marqués par l’absence de certaines œuvres du Caravage, et l’interdiction d’accéder à une des salles les plus célèbres du musée. Nous découvrîmes bien vite qu’en réalité, une exposition-rétrospective de l’œuvre de Michelangelo Merisi se tramait… Cet artiste méritait bien un billet, non ?