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L’interview de Manet

Publié le 23 avril 2011 par Paulettedemymuseum @mymuseum

Dans le cadre de l’exposition Manet qui a lieu au Musée d’Orsay du 5 avril au 3 juillet, j’ai interviewé Edouard Manet himself ! Et oui !

Paulette : Monsieur Manet, on vous confond souvent avec Claude Monet, pourquoi ?

Manet : Au-delà de notre quasi-homonymie, on croit souvent à tort que j’ai été à l’origine du mouvement impressionniste mais c’est un peu plus compliqué … Mon cher ami Monet a été le chef de file des impressionnistes. Moi, j’ai été le premier à rompre avec l’esthétique officielle mais mon style, inspiré par Velasquez et Goya s’éloigne un peu de la veine impressionniste qui prône la peinture en plein air et utilise une palette claire.

Paulette : Vous avez été suivi ou admiré par des nombreux peintres : Renoir, Cézanne, Bazille, Degas…

Manet : Tous ces jeunes gens voulaient en finir avec les conventions et faire de nouvelles expériences : peindre sur le motif, mélanger les genres, portraits, paysage, nature morte.

Finis les tableaux académiques, les nus idéalisés… Comme moi, ils voulaient peindre la vie comme elle va. Peindre les cafés, les buveurs, les concerts, nos promenades… notre vie en somme !

Ah les cafés ! Avec Baudelaire, Zola, Berthe Morisot … nous y avons refait le monde ! Et surtout révolutionné l’art.

Baudelaire disait : « la vie parisienne est féconde en sujet poétique et merveilleux. Le merveilleux nous enveloppe (..) mais nous ne le voyons pas ». Moi je le voyais ce « merveilleux ». Il était partout : dans l’agitation de notre vie urbaine, dans sa réalité. Les prostituées, les élégantes… Tout faisait sujet.

Paulette : Le déjeuner sur l’herbe, Olympia sont des tableaux qui ont marqué les débuts de l’art moderne et qui ont fait scandale. Comment l’expliquez-vous ? Après tout, ça n’était pas la première fois que l’on peignait des femmes nues ?!

Manet : Avant ma peinture, les visiteurs qui allaient au Louvre posaient leur regard sur des Venus, des Daphnés, des Eves. Mais les femmes ne sont pas des déesses sublimes ou des vierges intouchables. Les femmes sont faites de chair et de sang, elles ont le regard franc et direct comme cette chère Victorine qui a si souvent posé pour moi.

Dans Le déjeuner sur l’herbe, Victorine n’est pas une déesse passive, c’est une jeune femme nue au milieu d’hommes en habits. Scandale !

L'oeil pop My museum le Louvre Déjeuner sur l'herbe Edouard Manet

Paulette : L’accueil qui a été fait à votre tableau Olympia a été encore plus mauvais.

Manet : On ne sait pas ce que c’est que d’être constamment injurié… et ce tableau a déclenché des déluges de critiques qui m’ont beaucoup touché. Pourtant je n’ai fait que peindre ce que j’ai vu : la prostitution à mon époque.

Dans ce tableau, Victorine dérange le spectateur. Ce n’est plus le visiteur qui regarde la femme, mais elle, qui le dévisage et exprime clairement sa sexualité.

L'oeil pop My museum le Louvre Olympia Edouard Manet

Paulette : Que pensez-vous de l’exposition qui vous est consacrée aujourd’hui à Orsay ?

Manet : Je suis bien sûr très fier de voir ces milliers de visiteurs se presser pour voir mes œuvres mais je ne peux pas m’empêcher de songer à toutes les fois où mes toiles ont été rejetées. Imaginez, des familles entières allaient en promenade au « Salon des Refusés » où nous exposions, pour se moquer de nos tableaux.

Pourtant je n’ai jamais recherché le scandale, j’ai même voulu la reconnaissance officielle. Mais ma peinture dérangeait. On me reprochait « ma manie de voir par tâches » ; mes sujets, ma facture, tout choquait.

Aujourd’hui je suis célèbre dans le monde entier mais il m’a fallu beaucoup de constance et d’obstination pour faire la seule chose qui est vraie : peindre du premier coup ce que l’on voit.


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