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Le Verrou de DSK …

Publié le 23 mai 2011 par Paulettedemymuseum @mymuseum

Ce n’est pas pour surfer sur l’actualité de DSK, mais le hasard a fait que j’ai interrogé il y a deux semaines Harold Cobert, un jeune écrivain plein de talent.*

Je lui ai demandé : quel est ton tableau préféré ? Le Verrou de Fragonard m’a-t-il répondu.

Tout ça c’était bien avant l’Affaire mais le tableau rappelle étrangement le fait divers du Sofitel New-yorkais… A vous de juger !

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Le Verrou a été peint vers 1777. Il représente une chambre en désordre où un homme serre fortement une femme qui semble se débattre. Tout en retenant la femme, l’homme tente de verrouiller la porte.

Étrangement, ce tableau est un pendant à L’Adoration des bergers. On dit que Fragonard a voulu opposer ainsi l’Amour profane à l’Amour sacré. Mais sans doute, Harold a-t-il une autre interprétation !

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Paulette : Pourquoi as-tu choisi de parler du Verrou de Fragonard ?

Harold : Parce qu’il incarne précisément, avec une sorte de prescience fascinante, toutes les dualités du XVIIIe siècle. On ne peut en effet savoir avec certitude s’il s’agit d’une scène voluptueuse ou d’une scène de violence. Le mouvement des corps est ambigu. La femme tente-t-elle de retenir l’homme après l’amour (le lit est défait, l’homme est pieds nus) ou celui-ci l’attire-t-il à lui de force en faisant coulisser le verrou pour l’enfermer ? Le lit défait, suggérant que l’acte d’amour a été consommé, contredit la pomme, symbole du péché originel, qui n’est pas croquée. En bref, s’agit-il d’une scène de viol, grave et violente, ou d’une scène d’amour, légère et libertine ? Toute l’ambivalence du XVIIIe siècle, en somme…

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Paulette : Le lit défait laisse à penser que les amants ont fait l’amour mais l’attitude de résistance de la jeune femme brouille la lecture du tableau. Quelle est ton interprétation de la scène ?

Harold : Très franchement, je n’en sais rien ! Mon penchant naturel pour un libertinage solaire, où l’amour est un jeu joyeux et librement consenti, me porte à croire que c’est une scène de passion où un amant rejoint sa maîtresse pour quelque partie fine jubilatoire. Preuve que ce tableau, par son ambiguïté et les questions qu’il pose, révèle plus de la personnalité de celui qui le regarde que sa véritable signification !

Paulette : Par ailleurs pourquoi l’homme veut-il verrouiller la porte ?

Harold : L’homme veut verrouiller la porte parce que ce type d’acte se circonscrit à la stricte intimité. Pour être tranquille également, sans doute, pour éviter qu’un mari jaloux ou barbant ne fasse irruption dans la pièce à un moment inopiné. Pour la symbolique et sa puissance de suggestion, je pense, car un verrou est une languette de métal coulissant dans un orifice…

Paulette : Et cette pomme mystérieuse, posée sur la table de nuit, qu’en penses-tu ?

Harold : Comme je te le disais précédemment, elle incarne évidemment le péché originel, et plus précisément ici le péché de chair. Qu’elle ne soit pas entamée suggère que l’acte sexuel n’a pas encore été consommé, mais d’autres éléments du tableau peuvent être compris dans le sens inverse. Les sens, voilà bien le sujet central de ce Verrou !

Paulette : Tu es un spécialiste de Mirabeau. Penses-tu qu’il ait vu ou apprécié le Verrou ?

Harold : Malgré son extrême laideur, Mirabeau était un grand libertin, un homme chéri des femmes. Je ne sais pas s’il l’a jamais vu, mais je suis certain qu’il l’aurait fort apprécié. Mais dans son interprétation solaire, car Mirabeau, à la différence de Sade, n’avait pas d’inclination pour la cruauté en matière de plaisir, bien au contraire !

Paulette : Enfin, mon cher Harold, pourquoi aimes-tu tant le XVIIIe siècle français ?

Harold : Parce que c’est un siècle fascinant, pour de multiples raisons !!! Parce que rare sont les siècles concentrant la fin d’un monde et la naissance d’un autre. Parce qu’il est à la fois un siècle léger, libertin, humaniste, et un siècle sérieux, dense, en proie à des convulsions extrêmes. Parce que, d’une certaine manière, il est le siècle le plus proche de nous et constitue l’acte de naissance du monde dans lequel nous vivons. Un exemple. Comment commence la Révolution française ? Par la réunion des États Généraux le 5 mai 1789. Pourquoi réunit-on ces Etats Généraux ? Parce que les caisses de l’État sont vides… Neuf révolutions sur dix commencent par une crise économique. Il y a là, me semble-t-il, matière à quelque réflexion contemporaine…

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*Harold Cobert a écrit des romans à succès comme Un hiver avec Baudelaire. L’entrevue de Saint-Cloud, qui relate la rencontre entre Mirabeau et Marie-Antoinette a reçu le Prix du style 2010.


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