La naissance de Calamity Suz
J'ai regardé trop de westerns quand j'étais jeune (et moins jeune d'ailleurs, j'aime toujours autant ça) et forcément, non seulement ça m'a donné envie de monter à cheval (je suis persuadée que ma vraie passion pour l'équitation vient de là), mais ça m'a surtout donné envie d'aller monter là-bas. Afin de consigner à jamais les bons moments, j’ai tenu mon journal, extraits…
Samedi 7 août
Le grand jour est enfin arrivé, j'ai l'estomac noué comme avant chaque départ bien sûr, mais là c'est différent. C'est un trop vieux rêve qui se réalise enfin...
23h20, heure locale de Las Vegas (moins neuf par rapport à Paris, soit 8h20 du matin pour nous, drôle d’heure pour aller se coucher), j'attends mon tour pour la douche à l'hôtel.
L'arrivée sur Las Vegas était assez impressionnante. Il paraît que c'est une ville que les astronautes repèrent très facilement depuis l'espace à cause de la lumière, et moi foi ça ne m'étonne pas. L'aéroport est à la mesure du pays (et de la ville), absolument gigantesque avec des machines à sous partout (bon je sais, on m'avait prévenue mais quand même ça surprend). Rémy l'accompagnateur nous attendait au carrousel à bagages. Le temps de récupérer nos sacs et nous quittons l'aéroport climatisé. Grande baffe de chaleur "Eteignez le four SVP" et Rémy de nous dire "oh, il fait bon ce soir". Ca promet.
Dimanche 8 août
Avec 9 heures de décalage horaire tout le monde est réveillé de bonne heure. A 7 heures nous nous sommes levées avec la ferme intention de profiter de la piscine dans la mesure où ça serait la seule que nous verrions jusqu'à notre retour. L'eau était super bonne, la température de l'air pas encore trop chaude (dans les 25°) et il n'y avait personne (forcément un dimanche à 7 heures du matin…). Un partie du groupe était là et on plaisantait sur le côté "aventure" du circuit : affalés sur nos chaises longues au soleil. Il y a déjà une assez bonne ambiance ; ça va être cool.
Brunch buffet "all you can eat" avec la surabondance américaine typique, d'autant que Las Vegas est particulièrement réputé pour la démesure de ses buffets. Il paraît que c'est la ville aux Etats-Unis où l'on consomme le plus de crevettes. On s'est allègrement baffrés et enfin départ vers l'Est (hein ? je croyais que c'était l'Ouest à cheval...).
Une fois sortis de Las Vegas c'est le désert, puis l'Utah et à nouveau une heure de décalage (dans l'autre sens, soit moins 8 pour nous). Les cactus, le sable, les camions, les routes. Tout est source d'étonnement et de commentaires. Les premières roches rouges (que nous verrons tout au long de notre voyage nous assure Rémy) font leur apparition.
Et parlant de roche rouge, nous voilà sur Zion National Park. Pendant près d'une demi-heure nous sommes montés par une route en lacets au milieu des pitons rocheux, falaises et autres canyons. Pour se fondre dans le paysage le goudron a été teinté en rouge… La route suit la Virgin River, à l'origine de la formation des gorges de Zion, sur une bonne partie du chemin, on se retrouve ainsi au fond des canyons creusés par l'eau au fil des siècles et des millénaires. Ce qui frappe surtout en arrivant dans le "parc" c'est le retour de la verdure après l'aridité du désert.
Petit cours "montage des tentes". Moi je suis une novice complète, mais les autres ne semblent pas davantage connaître ce type de tentes, des tentes igloos, donc sans "sardines" (les crochets qu'on plante par terre au bout des ficelles dans les tentes canadiennes). L'inconvénient c'est qu'elles s'envolent (forcément elles ne sont pas retenues au sol), mais après tout c'est plutôt drôle de courir après sa "maison". Appelez-moi Dorothy.
Petite baignade dans la fameuse Virgin River (60 centimètres d'eau au maximum) en admirant les derniers rayons de soleil sur les roches de Zion. Ca rafraîchit bien et on se met du sable partout. Le coucher de soleil est exceptionnel : le bas des pitons est dans l'ombre tandis que le soleil fait ressortir les tons rouges et orangés de la pierre sur les hauteurs. Les mule deer (daims) traînent dans le camping au milieu des tentes. Tant qu'on ne s'approche pas trop près ils ne bougent pas.
Lundi 9 août
Ca paraît dingue, mais c'est encore en vacances qu'on se lève le plus tôt : petit déjeuner à 7h30. Toilette succincte et départ pour le Visitors Center où, sur une maquette en 3D, on se rend compte de l'immensité du parc et Rémy nous montre les deux balades que nous ferons dans la journée.
La première balade (8 km aller-retour) nous mène sur Angels Landing, promontoire perché à 453 mètres d'altitude où l'on accède par des chemins que même certaines chèvres n'oseraient pas emprunter. Le nom d'Angels Landing ("là où se posent les anges") a été donné au lieu par les premiers prospecteurs arrivés dans le coin qui estimaient que les pentes étaient si raides que seuls les anges pouvaient se poser au haut du promontoire. En fait d'anges, quelques humains aujourd'hui y arrivent, aidés certes par quelques chaînes posées ça et là à même la roche. Mais la vue du haut vaut tous les efforts. On surplombe la rivière et les canyons. La roche rouge et blanche se mêlent au bleu du ciel et au vert des arbres. C'est absolument superbe. Zion est à 1500 mètres d'altitude, l'air est sec et la chaleur (dans les 38°C) est tout à fait supportable. La descente de la partie la plus escarpée était finalement plus facile que la descente du chemin tracé en lacets. Ca descend très sec et c'est assez pénible pour les cuisses. La récompense se trouvait au bout du chemin, ceux qui avaient abandonné à mi-chemin nous attendaient les pieds dans l'eau.
Route jusqu'au départ de la balade de l'après-midi : les Narrows. Rémy nous annonce la couleur pour la promenade de l'après-midi dans les gorges. Environ quatre heures de marche, les pieds dans l'eau la plupart du temps, parfois un peu plus ("d'accord il se peut qu'à un endroit on ne fasse pas pied, ça dépend du niveau d'eau"). L'idée était d'aller le plus loin possible afin d'échapper au flot des touristes et retrouver un peu de calme. Le spectacle est saisissant : les falaises s'élèvent de part et d'autre de la rivière (qui n'a de rivière que le nom, car je connais des torrents avec plus d'eau), parfois sur 600 mètres. Au fond coule la Virgin River sur des galets et pierres, parfois du sable sur assez peu de profondeur.
Mardi 10 août
Départ pour Bryce Canyon. Encore de la pierre rouge sur la route (et à l'arrivée) et de la pluie. Par chance, il a fait beau pendant la balade (disons qu'il n'a pas plu) et finalement un ciel chargé entrecoupé de rayons de soleil ça crée des tâches superbes sur les reliefs de Bryce. Nous avons emprunté le Navajo Loop trail, un sentier de balade d'1,5 km qui nous fait descendre au fond de l'amphithéâtre et voir quelques superbes pitons.
Bryce Canyon, contrairement à son nom, n'est pas du coup un canyon, mais un amphithéâtre. Au fil du temps, l'érosion (essentiellement l'eau via la pluie) a errodé la roche. Là où la pierre est plus dure, des colonnes sont restées debout tandis que le reste de la pierre s'effondrait autour. Certaines formations ont des formes étonnantes. Nous reprenons la route vers le ranch sous la pluie.
Les paysages sont toujours aussi beaux et le ranch vraiment perdu au milieu de nulle part. C'est un ranch en bois et pierre qui fait plus penser à un chalet suisse qu'à un vrai ranch d'ailleurs.
Mercredi 11 août
Le programme est parfait et me convient tout à fait pour une reprise et un premier contact avec des selles western. Nous allons à Boulder en voiture pour ramener les chevaux qu'un autre groupe a emmené. En fait, ils n'avaient pas pu monter la veille à cause de la pluie, du coup Bob leur avait proposé une balade aller simple et nous nous ramènerions les chevaux au bercail. Visite de Boulder vite faite. La ville est minuscule et ne compte pas plus de 150 habitants. Boulder est d'ailleurs la dernière ville des Etats-Unis où l'on a distribué le courrier à dos de mule. Et si ça, ça n'est pas une référence…
Le temps de descendre de la route et on est directement parti au galop, « canter ». Le terme "gallop" existe, mais Bob ne l'utilise pas. Pour lui c'est canter ou "a little fast" (un peu vite) ou fast (vite) ou very fast (très vite).
Ce coin de la région est désertique, pas au sens grande étendue de sable (on n'est quand même pas au Sahara), mais la seule chose qui pousse ce sont des arbustes rabougris, des sapins, des buissons et des cailloux. Sur la route (pas goudronnée) "Hell's Backbone" qui mène à l'écurie nous sommes partis au grand galop de front. Galop effréné plutôt. "Laissez passer la horde sauvage". C'était du à fond la caisse, on fait la course, tout le monde se double… Je n'ai jamais galopé aussi vite de ma vite. Je n'étais pas très rassurée, mais c'était grisant.
Déjeuner sandwich au ranch puis départ pour une nouvelle balade de quatre heures toujours dans la partie désert. Canyons, à pics vertigineux, roches et falaises. C'est superbe. Ce sont vraiment les décors qu'on a pu voir dans tout un tas de westerns. Les plateaux au loin, les canyons en contrebas. On est passé par des endroits dans lesquels même à pied, je ne me serais pas forcément sentie rassurée. Il faut faire confiance à son cheval et ça passe tout seul. Quelques superbes galops dans des chemins de sable sinueux entre les sapins (la résine ça colle…). Ce qui est fabuleux avec ces chevaux c'est qu'ils ne se suivent pas bêtement de façon débile, donc si on veut rester à l'arrière sans galoper c'est tout à fait possible et on n'a pas le risque d'être embarqué.
Au total on aura fait six heures de cheval dans la journée, dans un décor pas mal escarpé qui nécessite donc d'être présent sur sa selle et pas à rêvasser en attendant que ça se passe. Pas mal pour une reprise….
Jeudi 12 août
Le temps de préparer, seller et ferrer les chevaux, puis de les monter dans le van jusqu'au départ de la balade, nous n'avons commencé qu'à 11h00. Bob ferre ses chevaux à froid, donc il y a beaucoup de fers qui tombent et tous les matins il passe un temps fou à tout remettre en place.
J'ai un peu discuté avec lui sur la route. Il parle très lentement et articule, ce qui permet de le comprendre parfaitement. Il nous dit que si l'on trouvait des vaches en route on pourrait les monter vers les pâtures plus haut dans la montagne.
Effectivement nous avons trouvé des vaches en route. Pour les premières ça a été assez drôle d'ailleurs "Chut il y a des vaches. Ah non ce sont des rochers". Heu Rémy pourquoi ils bougent leurs oreilles les rochers à Boulder ? C'est vraiment extra de faire avancer les vaches. On est complètement indépendant, chacun va à son rythme, part dans son coin ramener une vache dans le bon chemin. Chacun travaille autour du troupeau et on ne se suit pas en file indienne ! Ah ça change des balades classiques…
Petite pause déjeuner et nous sommes repartis comme d'habitude au grand galop. "On va laisser marcher les chevaux un instant pour qu'ils se chauffent avant de galoper". En fait "d'instant", c'était juste la distance nécessaire pour sortir les chevaux de dessous les arbres où ils étaient attachés (cinq mètres ?).
Vendredi 13 août
Au programme "cattle driving" (convoyage de bétail), mais du vrai de vrai, jusqu'en haut des pâturages à 3000 mètres en haut de la forêt. Ce qu'on a fait hier d'après Bob c'est de "faire du cheval à côté des vaches" (il a le chic pour nous donner du coeur à l'ouvrage le Bob). Le ranch se trouve entre 1700 et 2000 mètres et nos promenades en forêt se font dans la Dixie National Forest
Au petit déjeuner, en préparation de notre rude journée, un vrai repas de cow-boy : bagel aux blueberries, omelette, bacon et raisins et jus d'orange (ouf !). Nous sommes donc repartis au même endroit que la veille et avons commencé à rassembler les vaches que nous trouvions en route. L'aîné des garçons était avec nous. Sa mère nous a raconté qu'il y a quelques années, alors qu'il n'avait que 10 ans, elle était en train de convoyer des vaches avec lui et un autre cowboy. Au bout d'un moment elle s'était inquiétée car elle ne le voyait plus depuis un certain temps. Et voilà Cru qui arrive avec 30 vaches à lui tout seul. Evidemment, il a probablement commencé à monter à cheval avant de savoir marcher…
L'autre plaisir de se promener ainsi dans la forêt est le nombre d'animaux que l'on est amené à voir (à part les vaches et certains humains !) : aigles, mule deers (daims aux grandes oreilles), marmottes, jack rabbits (lapins aux oreilles démesurées), jackalopes (ne vous laissez pas avoir c’est le dahu local)…
A peine avions-nous terminé notre pomme, que Bob nous envoyait regrouper les vaches qui étaient en train de se disperser. Moi je l'ai suivi de l'autre côté pour couper la route et les faire aller sur le bon chemin. Super galop autour du lac… A 14h30, nous étions donc à nouveau en selle pour affronter la partie la plus dure du convoyage : le reste de la route était un chemin de deux mètres de large au mieux au milieu de la forêt bien tassée, pleine d'arbres, de pierres et tout en montée. Il fallait tout le temps aller récupérer les vaches, qui refusaient obstinément de marcher là où c'était plus facile, et se perdaient à loisir au milieu des arbres. Afin d'éviter qu'elles se dispersent trop, on a commencé à crier pour les faire avancer plus vite. Résultat on gueulait, on leur tapait dessus, on les insultait. C'était vraiment génial. Les chevaux n'ont peur de rien et avancent même quand ils doivent pousser les branches d'arbres devant eux, sauter par dessus des arbres morts, monter des "sentiers" raides. Ils sont vraiment extraordinaires.
Samedi 14 août
Et nous voilà de nouveau repartis pour la forêt avec le van. Je suis montée devant de façon à pouvoir discuter avec Bob. Après tout les autres ont plus de mal à parler anglais et je dois souvent assurer la traduction. Bob est très fier de ses garçons. Cette année il avait organisé un rodéo pour les enfants (rodéo sur veaux). Sur les quinze inscrits, seuls cinq garçons se sont présentés, dont les trois siens ! Il avait acheté une boucle de ceinture à offrir au gagnant du rodéo mais du coup il en a acheté une à chacun des gamins, avec leur nom, le nom du ranch et la date afin de les féliciter. A côté de ça, il m'explique qu'il ne les laisse pas pleurer, car quand on pleure, ça fait encore plus mal, alors que si on serre les dents, la douleur passe. "Les femmes ne devraient pas pleurer non plus d'ailleurs". Et oui, nous sommes bien chez les cowboys, la vie à la dure.
Bob ne connaît que deux allures à cheval : le pas et le galop (avec d'accord tout un tas de vitesses différentes…). Nous avons fait une belle balade dans la forêt une fois encore, avec quelques supers galops dans les prairies, voire dans les chemins un peu plus larges de la forêt. Pause déjeuner au bord d'un petit lac, où nous espérions souffler un peu (après tout Bob avait dit "journée cool").
Comme le temps commençait à virer à l'orage, Bob nous a demandé si nous préférions une balade "cool" mais longue, ou courte mais dure, soit trois heures au lieu de quatre. Ayant peur de nous mouiller nous avons opté pour la balade courte. Ah ah ah. Comment gagner du temps pour redescendre du haut d'une forêt ? C'est simple en descendant en ligne droite et tant pis si on est couché sur le dos de son cheval pour contrebalancer et si l'on doit passer au milieu des fourrés, des branches et autres obstacles naturels… A un moment nous nous sommes questionnés sur la pertinence de notre choix, en particulier quand la seule chose que faisaient nos chevaux était d'enjamber des troncs juchés au sol tel un mikado géant.
En récompense de notre convoyage d'hier on a eu droit à du steak au dîner, avec haricots verts et patate (immense) au four.
Dimanche 15 août
Petit déjeuner à 7h30 car comme la balade se fait dans le désert il va faire chaud, il faut donc partir de bonne heure.
Au total nous avons fait 40 kilomètres en environ cinq heures et une vingtaine de galops, sur des sentiers sinueux entourés d'arbres. Je me suis fait allègrement fouetter par les branches et j'ai mangé plus que ma part de poussière. La balade s'est faite dans le désert d'Escalante, une zone qui a été placée en parc national assez récemment par Bill Clinton. Le paysage est absolument superbe, je ne pourrai plus jamais revoir les westerns avec le même état d'esprit. La dernière partie de la balade s'est faite le long de la rivière Escalante qui zigzague paresseusement au fond du canyon, si bien qu'on l'a traversée assez souvent. Ca a certainement été la plus belle balade du séjour, peut-être parce que c'était aussi la dernière ?
Lundi 16 août
Déjeuner à 8h30 avec pancakes et poires au sirop. Rémy nous avait prévenu que nous n'avions pas vraiment d'horaire, mais qu'il ne fallait pas trop traîner quand même car à Capitol Reef on ne peut pas réserver les places de camping et c'est "premier arrivé, premier servi".
Et route vers Capitol Reef plus au nord. Les paysages sont toujours aussi beaux, mélange du vert de la forêt d'un côté et les roches blanches et rouges toujours présentes. A un endroit on pouvait même apercevoir au loin (très au loin) les buttes de Monument Valley. Installation au camping : il y a tellement de place qu'on ne sait pas où s'installer. Finalement ça a du bon de pouvoir déplacer les tentes. L'orage menaçant nous montons les tentes avant de déjeuner et grand bien nous a pris. A peine avions nous fini de débarrasser et laver la vaisselle que nous avons dû nous réfugier sous les tentes. Le programme prévoyait de faire la sieste en attendant qu'il fasse moins chaud pour aller faire la balade. Ben quoi, on a fait la sieste sous la pluie, finalement le programme n'était pas si différent… !
Direction la balade de "Hickman Bridge", à 1 mile du parking. Le chemin (sentier ?) monte allègrement. Première pause pour admirer des pétroglyphes (dessins gravés sur la roche) Fremont, les indiens du cru il y a très longtemps, et manger des figues de barbarie (et se mettre des épines plein nos mains pleines de doigts). Le grand intérêt géologique de Capitol Reef (qui doit son nom à ce que de nombreuses roches ont des formes de dômes, comme le Capitol) est ce qu'on appelle le "Waterpocket Fold". L'eau crée des espèces de bassins dans la pierre, qui finissent par se creuser pour laisser passer l'eau et créer de nouveaux bassins plus bas et ainsi de suite. Nous entrons dans un trou qui est donc un bassin creusé et l'on peut voir le fond se creuser à nouveau peu à peu par l'action de l'eau. Evidemment comme la pierre n'a pas la même résistance partout ça crée des formes assez originales tout en courbes. Hickman Bridge est un pont naturel dans la roche.
Mardi 17 août
Le temps de se débarbouiller, défaire les tentes et prendre le petit déjeuner, nous quittons le camping pour la balade. Rémy lâche un petit groupe au pied du "Cohab Trail", balade au milieu d'un canyon, et part avec le reste du groupe vers les pétroglyphes. Encore une fois la montée est rude, mais la vue du haut est exceptionnelle et par la suite nous avançons au fond du canyon, donc, à part quelques rochers à grimper en toute simplicité, c'était une balade très agréable qui nous a permis d'admirer les cactus et fleurs locales, ainsi que les petits tamias (chipmunk, vous savez les Tic et Tac de Walt Disney) toujours présents ici.
Départ pour Monument Valley, à Mexican Hat, à l'arrière du parc, un coin moins fréquenté par les touristes où nous serons seuls.
Le désert pendant près de trois heures avec la fin de Capitol Reef, des grandes montagnes de pierre et l'approche vers Monument Valley. La descente vers la Vallée des Dieux est impressionnante, 1500 pieds de chute sur une route en gravier, où il ne vaut mieux pas perdre ses freins. L'immensité du paysage est grandiose. Il y a le même type de buttes qu'à Monument Valley, mais elles sont beaucoup plus éloignées et l'impression d'espace est saisissante.
Nous sommes arrivés au corral vers 16h00. Après avoir discuté avec Hermann, le guide Navajo, Rémy nous annonce que nous partirons à 17h00, ce qui nous laisse le temps de nous changer et préparer un sac pour la nuit. Succinct le sac, il n'y aura pas d'eau, pas de douches, pas de toilettes, rien que nous perdus au milieu de nulle part. Bref le sac de couchage, le tapis, le pyjama et la brosse à dents suffisent. Mais promis ils nous emmènerait dans une douche plus tard le lendemain. Et vive les lingettes !
Dîner chez les indiens d'un "taco Navajo". Puis nous nous sommes rassemblés autour du feu pendant qu'Hermann nous parlait des Navajos, puis nous a chanté quelques chansons traditionnelles.
Certains ont installé les toiles de tente par terre et se sont couchés dans le Hogan, la maison traditionnelle des Navajo. Ca faisait assez dortoir tous en rang d'oignons. Un autre groupe est allé se coucher autour du feu. Pour ma part, je me suis installée toute seule à l'écart des arbres pour pouvoir admirer le ciel étoilé et les étoiles filantes. L'air est un peu frais, mais mon duvet est bien chaud, le contraste est agréable. Il y avait un orage époustouflant derrière Monument Valley. Au début, j'ai cru qu'il s'agissait d'un spectacle de son et lumière ; ce qui en quelque sorte était vrai, sauf que mis en scène par un pyrotechnicien d'un autre calibre. Les éclairs étaient impressionnants. C'est vrai qu'en ville, les orages on ne les voit pas. On a juste le bruit, un peu de lumière aux fenêtres et la pluie. Ici les éclairs étincellent et on voit l'orage se déplacer au loin.
Mercredi 18 août
J'ai suivi le lever du soleil tout en mettant mon journal à jour. Ca bouge sous mon tapis… L'air est un peu frais, il n'y a pas un bruit, c'est magnifique. Laurence est venue s'asseoir à côté de moi pour regarder le soleil. Puis Rémy nous a rejoint et est allé battre le tambour pour réveiller tout le monde
Nous sommes revenus à cheval au corral, à une allure faite pour nous plaire : le galop. Véritable course sur les dernières centaines de mètres… Le rêve.
De là, nous sommes allés faire la visite de Monument Valley en 4x4. Les Navajos gèrent complètement Monument Valley qui se trouve sur leur réserve. Le 4x4 que Rémy nous a pris est un pick up aménagé avec des sièges et un toit en toile (vu le soleil, c'est appréciable), ce qui avait l'avantage de nous permettre d'être tous ensemble. Nous avons donc visité la vallée pendant trois heures et déliré sur les formes des roches. Certaines formes sont très classiques et connues et ont des noms. Il faut d'ailleurs parfois faire preuve d'imagination et tout le monde ne voit pas la même chose. Par la suite, nous avons carrément déliré à inventer des formes où il n'y en avait pas. On va leur refaire leur parcours de visite à ces indiens…
A la sortie du parking il y a des sanitaires avec douches publiques (et payantes). Pour 1$ (en pièces de 25 cents, on a fait tous les fonds de porte-monnaie) on a cinq minutes d'eau non stop. Du coup, pour en profiter un maximum, pendant que l'un se savonne, l'autre se rince, nous sommes entrées à deux sous les douches. Cinq minutes c'est court, mais finalement on a largement eu le temps et l'eau sort avec une telle puissance que ça fait massage en même temps. On se sent à nouveau humain…
Et en route pour Page et le Lac Powell, retenue des eaux du Glenn Canyon Dam. L'orage gronde de part et d'autre de la route (mais pas une goutte sur nous ! Il paraît même que parfois les orages sont si localisés, qu'il ne pleut que d'un côté de la route). C'est tout gris, mais on a droit à un arc-en-ciel.
Installation au camping qui est loin d'être aussi agréable que les autres. Ici c'est beaucoup plus tourisme de week-end familial. Le temps d'installer le camp, nous allons faire trempette pendant que Rémy va s'occuper de réserver le bateau pour le lendemain. L'eau est très claire et bonne, la lumière du coucher de soleil sur les roches sur la rive en face est exceptionnelle.
Corvée de bois pour le barbecue. Ouais, autant chercher une aiguille dans une botte de foin… (et en l'occurrence on aurait apprécié le foin). Laurence a eu de la chance et a trouvé un joli tas sous un barbecue voisin. Moi j'ai trouvé une grosse bûche, idéale pour la veillée de Noël, pour faire griller la viande moins !
Jeudi 19 août
Le petit déjeuner était prévu à 6h30 mais en fait nous étions tous debout avant et nous ne nous sommes évidemment pas gênés au niveau du bruit trop contents d'ennuyer les voisins qui nous avaient gêné la veille. A 8h00 nous étions au guichet pour prendre notre hors bord, 130 chevaux. Rémy nous a assigné des places afin d'équilibrer le bateau et nous avons piqué notre première pointe de vitesse afin de tester le moteur. C'est géant, le bateau pique du nez et l'air est frais. Le temps était un peu gris, mais c'est peut-être mieux ainsi, on ne souffre pas trop de la chaleur à l'arrêt, après tout nous sommes quand même en plein milieu du désert.
Nous nous sommes arrêtés au pied d'une dune du haut de laquelle la vue est superbe. Mais bonjour la grimpette… D'après les connaisseurs elle est pire que la dune du Pilat ; en tout cas les derniers mètres étaient particulièrement durs (j'ai fini à quatre pattes).
Nous n'avons pas pu aller jusqu'au bout du canyon, car à cause de l'orage de la veille la surface de l'eau était jonchée d'arbres morts et de branches qui se mettaient dans les pales du moteur.
De Navajo Canyon nous sommes passés à Antelope Canyon. Rémy voulait nous faire faire une balade à pied au bout du canyon, un endroit où la roche se resserre particulièrement (un peu comme dans la Virgin River, mais sans eau). Juste avant d'arriver au bateau nous avons vu un serpent à sonnette réfugié dans un trou. Nous nous sommes approchés à distance raisonnable et Rémy l'a pris en photo. Même pas peur…
Quelques heures de route pour arriver à Grand Canyon et nous sommes arrivés de nuit dans la forêt entourant le Grand Canyon ce qui nous a permis de voir un maximum d'animaux le long de la route (bien vivants, je vous rassure), et de ne pas s'arrêter à l'entrée pour payer dans la mesure où les rangers étaient partis se coucher depuis longtemps. Seul un lapin était assis au milieu de la route semblant nous attendre (on se croirait dans les Lettres de mon Moulin de Daudet).
Vendredi 20 août
Rémy nous fait visiter quelques-uns des casinos de Vegas et nous testons notre chance avec quelques dollars avant d'aller se coucher.
Samedi 22 août
Le retour…
Tant de souvenirs et d'images se bousculent encore dans ma tête. Mais on ne peut pas forcément mettre sur le papier les instantanés qui ont fait de ce voyage ce qu'il a été. Les rires partagés pour des bêtises, la montée d'adrénaline face au vide, le souffle coupé par la beauté d'un paysage, l'émotion à voir des dizaines de marmottes s'enfuir devant soi, le piqué d'un aigle chassant, la sensation de plénitude en contemplant les étoiles dans le ciel la nuit au-dessus de Monument Valley, et se dire "ça y est, j'y suis enfin, j'ai accompli un rêve". Autant d'instants précieux qui resteront à jamais dans mon coeur…
Je vous souhaite d'avoir la chance d'un jour réaliser un rêve aussi vieux que le mien et de ne pas en ressortir déçu. De vous dire que les rêves les plus fous peuvent un jour se réaliser. Je ne sais plus qui a dit "la première chose à faire pour qu'un rêve se réalise, c'est de se réveiller". Alors réveillez-vous et ce que vous avez en vous, faites-le pour donner un sens à votre vie.
Août 1999