Randonnée équestre en Mongolie
L’avion amorce à peine sa descente et déjà l’on est frappé par l'immensité. A 10 000 pieds sous nos ailes, la Mongolie s’étire doucement dans la lueur blanchâtre des premiers rayons du jour. La vue se perd au loin et le mot espace prend un nouveau sens. La descente semble ne plus finir dans cet horizon sans frontière où la piste se laisse timidement deviner au cœur de nulle part. On tourne le dos à Ulaan-Baator et rien de ce qu’on voit ne ressemble à quelque chose de connu. Juste le vert ras jusqu’au bout du monde et le vent qui galope sur les montagnes chauves. Bientôt je serai celui qui galopera sur ces collines infinies…
Un pays où les dimensions ont une autre taille
Après le train, le métro, les salles de transit, les longues heures d’avion, nous voilà arrivés. Enfin… presque. Près de 8000 kms parcourus déjà depuis Paris, les quelques 350 kms qui nous séparent encore de notre but semblent dérisoires. Erreur d’appréciation et changement d’échelle. Ici 350 kms, c’est huit heures de minibus 4x4 à apprivoiser la steppe à travers routes et pistes. « C’est quand qu’on arrive ? ». « Daran tolgoï » … (derrière la colline).
Et au bout, enfin, Kharakhorum. Cette ancienne capitale de la Mongolie est maintenant un gros village. L’électricité est bien là et les téléphones portables « passent », mais l’eau est tirée du puits, la douche est un bidon sur le toit des « toilettes » et les commodités ressemblent rigoureusement à la « cabane au fond du jardin » de nos grands-parents. Nous avons passé notre première nuit en « yourte ». Nous n’avons cependant pas su en profiter suffisamment car la suite nous a montré que le confort était encore plus rustique et qu’il faudrait quelques jours pour retrouver une possibilité de douche.
Ecoutant les recommandations de notre accompagnateur Alan, nous rangeons nos montres au fond des sacs. L’heure, codifiée par des aiguilles, ici n’existe désormais plus.
Kharakhorum abrite le monastère d’Erdene Zuu, premier monastère bouddhiste construit en Mongolie (1586) comptant une douzaine de temples et 108 stupas. Comme dans tous les monastères et musées, de nombreuses destructions ont eu lieu à l’époque communiste mais les restaurations ont été faites depuis. L’architecture est à base de formes géométriques, d’enchevêtrements et de couleurs vives, rappelant par leur foisonnement le baroque européen. A l’intérieur, des statues souvent gigantesques, une multitude de divinités couvertes d’offrandes, des tableaux, des tentures, des drapeaux, des moulins à prières… à cent lieues de notre culture, un dépaysement que nous vivrons au quotidien tout au long de notre séjour.
Les Mongols pratiquent le bouddhisme tibétain et la photo du Dalaï Lama est dans toutes les yourtes, sur le meuble réservé à la religion. Nos jeunes accompagnateurs nous ont montré qu’ils suivaient ces préceptes : lors de chaque visite d’un monument religieux, ils font l’offrande de quelques billets, font dire une prière par le moine de service ou se recueillent devant les bannières et les objets du culte. Ces rituels n’ont aucun caractère obligatoire et l’on n’attendait pas de nous de nous y plier. Cependant, effectuer les 3 tours (pour le passé, le présent et le futur) des Ovoo (stèle de pierre rituelle dédiée à Tengri, le maître des esprits) garantit au voyageur la bienveillance des esprits de la steppe, et surtout… la communication avec les nomades !
La richesse du cœur et de l’accueil
Il faut dire que les éleveurs rencontrés au cours du voyage respectent scrupuleusement ces préceptes religieux ainsi que des pratiques d’accueil très chaleureuses envers leurs hôtes, même si la méconnaissance de la langue ne nous a pas permis d’apprécier à sa juste valeur cette gentillesse. Nous l’avons pourtant ressentie à chaque arrivée ou à chaque départ de la yourte. Et déjà dans l’équipe à nos côtés dès la descente de l’avion :
· Notre interprète a appris le français grâce à la mission culturelle française à Ulaan-Baatar ; il se débrouillait bien dans le quotidien et pour les visites culturelles. On peut peut-être regretter que parfois les explications complètes n’aient pu être données sur des thèmes à caractère religieux, culturel, sociétal ou politique mais peut-il être pointu sur tous les sujets ?
· Notre chauffeur et un véhicule tout terrain nous précédaient ou suivaient avec les vêtements, la nourriture (le plein pour les 15 jours ayant été fait à Ulaan-Baatar) et tout l’équipement nécessaire à cette randonnée. Nous avons pu apprécier son sens du service et ses qualités de pilote : il maîtrisait sans encombre les parcours (parfois accidentés) et la conduite en ville (souvent dangereuse). On roule à droite en Mongolie mais détail amusant les véhicules ont le volant aussi bien à droite qu’à gauche, vraisemblablement lié à leur pays d’importation.
· Atza, notre cuisinière qui matin, midi et soir, nous préparait des plats variés, d’inspiration asiatique, toujours très bons. Et ce, quelque soit le lieu où nous trouvions. Le résultat important, c’est que nous n’avons eu aucun problème coté intestinal. Cela compte dans un pays où l’eau est prise dans les rivières à l’endroit où elle paraît la plus propre… et où les préparations traditionnelles dans les yourtes avaient des odeurs pas très engageantes. Le sourire aux lèvres du soir au matin, Atza était toujours disponible pour nos appareils photo.
· Khantchig, notre guide, éleveur de son état, nous a fait découvrir les secrets de son pays.
Quelques heures de camion supplémentaires après, nous arrivons au campement d’Adia, qui nous fournira les chevaux, il est le père de notre guide. Nous sommes accueillis dans la yourte, Adia ayant revêtu son traditionnel manteau appelé « dell » et bien sûr botté à la mongole.
Outre les formules verbales de politesse qui nous sont traduites et après nous être assis sur de tout petits tabourets de bois, nous avons droit au bol de lait parfumé au thé, salé… et brûlant. Par la suite, dans toutes les yourtes où nous serons accueillis, il y aura toujours un thermos avec ce lait chaud.
Un pays de traditions
Dans la culture mongole, les échanges sont très codifiés. Ainsi avant d’entamer une conversation sous la yourte, il est d’usage d’accepter l’offrande rituelle du bol d’Aïrag. Pour la recevoir, il convient d’abaisser la manche de sa chemise, de placer la main gauche sous le coude du bras droit, et de tendre la main droite pour recevoir la coupe. Si l’on n’aime pas le lait de jument fermenté (ce qui peut demander un certain effort à nos palais français), on n’est pas obligé d’en boire : il suffit alors de tremper le majeur de la main droite dans le liquide, et d’asperger successivement au-dessus de sa tête (à gauche, au milieu et à droite, pour bénir la terre, le ciel et le territoire), puis de porter la coupe à ses lèvres, sans boire une seule goutte, après avoir mouillé son front avec son majeur mouillé du breuvage…
On boit ce lait dans des bols, que l’on se passe de l’un à l’autre après avoir pris le temps nécessaire de l’aspirer par petites gorgées sonores, en mangeant parfois des gâteaux, durs comme des pierres. Pendant ce temps, on s’échange des cigarettes car le tabac n’est pas interdit en Mongolie, même si les inscriptions sur le danger de fumer sont sur tous les paquets.
Puis, Adia nous fait passer à chacun, un flacon contenant un produit que l’on dépose sur le dos de sa main et que l’on « sniffe » bruyamment. J’avoue ne pas y avoir trouvé d’odeur particulière… Vient enfin le moment de fumer la pipe. Une pipe longue et fine dont le fourneau n’est pas plus gros qu’un dé à coudre. Ce qui fait que le temps de préparation et de nettoyage est beaucoup plus long que le temps consacré à fumer. Pendant ce temps, on parle beaucoup… de nouveaux mongols entrent dans la yourte, d’autres en partent … la yourte est le lieu de rencontre et de convivialité par excellence.
Dehors nos chevaux nous attendent, attachés à une corde tendue entre deux poteaux, à presque 2 mètres de hauteur. Ce sont des chevaux de petite taille, de différentes couleurs de robe et très calmes. A notre avis de cavalier français amateur, ils mériteraient quelques kilos supplémentaires car on leur voit les côtes, et avant d’être sellés, un bon coup d’étrille ou de brosse ne leur ferait pas de mal ; leurs sabots pourraient également être parés.
Ce n’est cependant pas l’approche des Mongols qui sellent leur cheval au moment où ils en ont besoin et partent, généralement au galop, faire leur travail d’éleveur. Ce sont avant tout des chevaux de travail.
Nous voilà partis, six chevaux pour quatre cavaliers, à travers la steppe pour un périple de 12 jours.
Des chevaux mongols pour compagnons de voyage
Nos chevaux mongols sont solides, trottinent mieux qu’ils ne marchent, d’un petit trot très confortable et nous faisons aussi quelques beaux galops au milieu de nulle part, ivres de liberté. A la fin de la journée, nous avons fait du chemin, vu de nombreux troupeaux de vaches, yacks, chèvres ou brebis, et bien entendu des chevaux dont l’élevage est essentiellement tourné vers la boucherie.
Petits (de 1m20 à 1m50 au garrot pour les plus grands), d’une endurance à faire blêmir nos pur sang arabes et d’une agilité incroyable, ces chevaux mongols sont un régal sous la selle. Calmes mais vifs, leurs pointes de vitesse sont d’autant plus impressionnantes que le terrain accidenté de la steppe ne pardonne pas l’erreur. Stupéfiant de les voir slalomer entre les terriers de « suslik » (rongeurs de la famille des marmottes, de la taille d’un écureuil) et les roches volcaniques qui affleurent. Incroyable de les rentrer à peine fatigués après plus de 50 km quotidiens à des rythmes qui n’ont parfois rien à envier à nos raids équestres. Etonnant de voir les chevaux de rechange nous suivre ou nous précéder fièrement, sans attache.
Mais qu’on ne s’y trompe pas : leur docilité sous la selle n’est en rien comparable à celle de nos chevaux d’école. Beaucoup plus fiables à bien des égards, leurs réactions n’en restent pas moins celles de chevaux conservés à demi sauvages… pour se défendre des fréquentes attaques de loups.
Les troupeaux ne réagissent pas à la vue d’autres chevaux et l’on se demandait s’il y avait des étalons ; en France, dans ces conditions, nous nous faisons fréquemment quelques frayeurs car le chef de horde se signale toujours.
En fin de journée, nous retrouvons une famille mongole qui nous accueille dans sa yourte avec son lot de cérémonies traditionnelles.
Une fois les chevaux dessellés, ils sont généralement entravés par deux car il n’y a pas d’arbres, ni de possibilité d’attache dans la steppe et on les lâche. Au mois de mai, l’herbe est déjà rase : ils ont assez peu de nourriture pour se refaire une santé pour le lendemain. Parfois, il n’y a même pas d’eau. Ce sont vraiment des animaux très rustiques car ils nous ont toujours portés, sans fatigue apparente ni boiterie, quels que soient le temps et la température, très changeants en cette saison. En moins de deux semaines, nous avons eu du grand soleil et de la neige !
Après avoir côtoyé pendant quelques jours les cavaliers mongols, nous nous sommes vite aperçus des différences avec nos pratiques d’européens et ce fut pour moi une grande surprise de constater que ce peuple, qui a envahi, grâce à sa cavalerie, une grande partie du vieux continent, avait une maîtrise assez basique de l’équitation. Outre les soins, pour le moins succincts donnés à leurs chevaux, leur monte sur la selle mongole avec des étriers très courts leur donne une allure très différente de la nôtre (ils ne servent pas trop des jambes et le fouet est une aide permanente pour changer d’allure) et ils ont tendance à beaucoup tirer sur la bouche du cheval. Je n’ai pas eu l’impression qu’ils pouvaient obtenir le maximum des capacités de l’animal. Mais ce n’est pas leur objectif car ils changent souvent de monture et le travail qu’ils ont à faire se fait, ce qui finalement est tout ce qu’ils demandent à leurs chevaux.
Une douzaine de jours sur les steppes mongoles, cela passe vite. Nous avons pu parcourir les étendues immenses de la steppe, sans arbre, avec ou sans troupeaux en liberté, sans lignes électriques, ni constructions… la nature telle qu’elle existe depuis la nuit des temps. Et ce silence imposant, rendu plus grand encore par le vent ou les cris des animaux. Pas d’horaire, si ce n’est qu’il ne fallait pas arriver à la nuit. Une semaine hors du monde moderne, dit civilisé… Quel dépaysement !
Merci petits chevaux de nous avoir apporté ces moments de liberté et de rencontre avec des gens d’une autre époque.
Sur la steppe, nous faisons nos adieux à nos amis mongols et dans la brume de l’horizon il me semble voir la silhouette du grand Kahn, veillant encore sur son peuple…
Bayertai* sereine Mongolie !
* aurevoir
(texte : Yves Bourdeau & Susana Gonzalez)
Encadrés
La « ger » (yourte) mongole
L'élément le plus important de la vie nomade mongole est reste encore la yourte traditionnelle. Bien que depuis la seconde partie du 20ème siècle, la Mongolie se soit fortement urbanisée, plus de la moitié des Mongols continue à vivre dans leur habitat traditionnel, aussi bien les nomades à la campagne que les habitants permanents des villes et villages. En Mongolie, plus d'un million de personnes vivent encore sous une yourte.
Il s’agit d’une habitation familiale composée une pièce unique autour d'un poêle. Plusieurs lits servent de sièges dans la journée, autour d’une table basse où est posée la nourriture. La seule ouverture est la porte d'entrée, à l'opposé de laquelle se trouve traditionnellement le lit du chef de famille. La yourte a l’avantage d’être facilement démontable et remontable en quelques heures.
La yourte est toujours montée et décorée selon le strict respect des coutumes. La porte de la yourte doit toujours faire face au sud (ou légèrement au sud-est), en direction du soleil. Elle est un espace fortement ritualisé et de nombreuses coutumes y sont respectées. Les règles de convenance y sont très nombreuses, notamment concernant les gestes et les positions corporelles, ou le sens de circulation autour de la table ou du poêle central.
La yourte est un lieu d’accueil et l’étranger est toujours le bienvenu. Sachez apprécier cette invitation en vous pliant aux règles d’usage afin d’aller à la rencontre de ce peuple fascinant.
Tourisme éthique
Ce circuit est organisé en collaboration avec l’association Olzi. L’objectif de l’association est de promouvoir et développer une vision équitable du tourisme, et des actions de type humanitaire à l’occasion de certains voyages (un container de matériel médical a ainsi été envoyé l’hiver dernier pour venir en aide aux populations mongoles urbaines et nomades).
Les voyages ethniques à la rencontre des cavaliers nomades mis en place par l’association profitent directement aux Mongols, dans un esprit respectueux des traditions. En voyageant avec Olzi, les cavaliers (mais aussi les marcheurs, raquetteurs, skieurs et accompagnateurs de chiens) participent directement au maintien des traditions nomades et permettent à une quinzaine de familles de perpétuer leur vie dans la nature. Des yourtes achetées par l’association ont été confiées en gérance aux familles les plus pauvres. En période creuse, elles leur permettent de bénéficier d’un hébergement plus spacieux, et en période touristique d’accueillir les étrangers dans une ambiance authentique et familiale, moyennant des finances qui leur reviennent intégralement. Ce type de parrainage est voué à un développement souhaitable auquel chacun peut participer.
L’association participe en outre au développement du tourisme de l’intérieur, au sein des familles nomades. Atsa, notre jeune cuisinière de 17 ans, a pu bénéficier une formation de plusieurs semaines à Ulaan Baator, entièrement financée par Olzi. De la même façon, Akha et Khantchig, nos jeunes guides équestres mongols devraient très prochainement séjourner quelques mois en France pour parfaire leurs pratiques d’encadrement et apprendre les rudiments de notre langue. A terme, ils pourront ainsi accueillir les cavaliers français en toute autonomie. Un esprit bien loin du tourisme de consommation et des sentiers battus du tourisme de masse.
Découvrez la Mongolie à cheval
Si vous aussi souhaitez découvrir la culture mongole au plus près de la réalité, retrouvez les séjours équestres organisés par Western Horizon Organisation et distribués par l’Agence du Voyage à Cheval sur leur site www.agenceduvoyageacheval.com ou contactez Rémy Pagnard au 03 81 62 02 96.