Après une épopée médiatique, l’aventure législative de la prime de 1 000 euros pour les salariés vient de débuter au Parlement. Avec cette mesure, Nicolas Sarkozy remet le doigt sur la répartition des richesses dans l’entreprise. Une question délicate et un projet déjà très controversé. Les patrons y voient une prime électorale et une menace pour la croissance de leur entreprise ; les syndicats pointent eux, le risque de diviser les salariés qui ne pourront pas tous la toucher. News of Marseille a décortiqué le projet et s’est confronté à un patron du département : Maurice Wolff, vice-président de l’UPE 13.
La crise est passée et 2012 approche à grand pas… Voilà le contexte dans lequel s’inscrit le projet de loi de la prime contre dividendes, chère à Nicolas Sarkozy. Le chef de l’Etat revêt son costume de président du pouvoir d’achat, qui lui avait valu son succès en 2007 et poursuit, après la réforme sur la fiscalité, son recentrage social.
Le but de cette prime ? Redresser le pouvoir d’achat des Français en berne et surtout inciter les entreprises à mieux partager le fruit de leurs bénéfices. Une mesure critiquée à l’unisson par les partenaires sociaux. Pour la CFDT – Confédération Française Démocratique du Travail –, « Il y aura peu d’élus et beaucoup de déçus ». Quant aux patrons, Maurice Wolff, vice-président de l’UPE 13, y voit la menace de faire fléchir la croissance déjà faiblarde des moyennes entreprises, au lendemain d’une crise économique mondiale.
Les discussions entamées à l’Assemblée sur ce projet devraient se poursuivre au moins jusqu’au 28 juin avant de basculer vers le Sénat. S’il est adopté, le gouvernement entend faire appliquer, dès l’été cette mesure. À l’instar de la réforme des retraites, Nicolas Sarkozy est décidé à aller « jusqu’au bout ».
De son côté, News of Marseille est aussi bien décidé à aller jusqu’au bout. Décryptage de l’histoire tumultueuse de cette prime pour savoir qui d’entre vous pourrait en bénéficier ou pas !
Une épopée médiatique et politique
La prime contre dividendes a entraîné une cacophonie médiatique de la part des ministres qui témoigne bien
d’une chose : le partage des richesses est un sujet sensible au sein de la société. Un enjeu où il est difficile de satisfaire toutes les parties.
Souvenez-vous, c’était le 7 avril 2010 en Isère, lors de la Semaine de l’industrie. Nicolas Sarkozy a évoqué les prémices de sa création : « Au moment où l’on augmente ce que l’on donne aux actionnaires, il faut que les salariés, eux aussi en aient une partie ! ».
Une mesure de « justice sociale » au moment où le pouvoir d’achat baisse : l’inflation sur un an a atteint 2,1% au mois d’avril, soit le chiffre le plus élevé depuis 2008, selon l’Insee. Parallèlement, les résultats du CAC 40 eux ont plus que bonne mine. 80 milliards d’euros de bénéfices en 2010 pour les multinationales. Soit une hausse de 70% par rapport à 2009. Et 40 milliards d’euros de dividendes distribués aux actionnaires.
Le président ressort son cheval de bataille pré-crise des subprimes : le partage de la valeur ajoutée dans l’entreprise que « les salariés ont contribué à créer ». En févier 2009, Nicolas Sarkozy avait déjà évoqué ce principe avec la règle des trois tiers. Un tiers des bénéfices pour les employés, un tiers pour les actionnaires et un autre tiers pour les investissements. Une idée qui n’a rien donné : les patrons s’y sont opposés et la crise financière et économique a secoué sévèrement le monde du travail.
Partager les profits, oui mais comment ? Le mot « prime », est lâché sur les ondes d’Europe 1, le 13 avril par le ministre du Budget, François Baroin en même tant qu’un montant « d’au moins 1 000 € ». De quoi faire grincer des dents les patrons qui viennent tout juste de clôturer les NAO, ces fameuses Négociations Annuelles Obligatoires où les partenaires sociaux ont décidé, souvent dans un climat tendu, de l’augmentation des salaires.
Quelques jours plus tard, le ministre du Travail, Xavier Bertrand évoque le chiffre de 8 millions de bénéficiaires pour cette prime. La ministre de l’Economie Christine Lagarde recadre : « Aucun montant ne sera défini et in fine, ce seront les patrons concernés qui devront trancher sur le montant ». Le 25 mai, le Conseil des ministres avalise le projet de loi et dessine les premiers contours de la mesure.
Que dit le projet ?
Pour faire simple, commençons par ceux qui ne sont pas concernés !
« La majorité des salariés du département des Bouches-du-Rhône », selon Maurice Wolff. Notre territoire, un tissu de PME – Petites et Moyennes Entreprises, de 20 à 250 salariés – et de TPE – Très Petites Entreprises, moins de 50 salariés – qui n’ont pas coutume de verser des dividendes. En témoigne le rapport de l’Insee de 2006 où seul 16,4% des PME à l’échelle nationale versent des dividendes.
Si votre entreprise comporte moins de 50 salariés et pas d’actionnaires, cette prime est facultative. Bon, ne désespérez pas pour autant, des exonérations de charges sociales devraient être mises en place pour inciter votre boss à vous verser cette prime.
Passons aux concernés : plus de 50 salariés dans votre boîte ? Une entreprise qui verse des dividendes à des actionnaires ? Bingo, le premier niveau est passé avec succès ! Encore faut-il remplir un autre critère : que les dividendes versés soient en augmentation ces deux dernières années.
Les discussions entre partenaires sociaux pourront alors s’entamer sur le montant. Puisque pour l’instant, rien n’impose la somme de 1 000 €, de plus, cette prime ne dépend d’aucun paramètre spécifique – relatif au montant des dividendes, de leur progression. Et comme l’a déclaré la ministre de l’Economie, c’est l’employeur qui aura le dernier mot.
Syndicats et patronat montent au créneau.
Pour les Français, la mesure est presque adoptée : 62% d’entre vous estiment que c’est une bonne
solution, selon un sondage Viavoice, publié le 25 mai. Mais le son de cloche n’est pas le même de la part des partenaires sociaux.
Si l’idée de partager les bénéfices avec les salariés est « une bonne idée », pour François Chéréque, le secrétaire général de la CFDT ne voit pas tellement d’un bon œil cette prime. « L’annonce du gouvernement va faire beaucoup de déçus, il y aura très peu d’élus ».
FO, CGT, CFDT… Les trois syndicats tombent d’accord ; ce projet « risque de diviser » les salariés. Ceux des très petites entreprises ne sont pas concernés, les fonctionnaires voient leurs revenus gelés pour 2012, sans oublier les sous-traitants « qui participent à la création de la valeur ajoutée », rappelle la CFDT.
Le patronat rejoint aussi cette contestation, mais pour d’autres raisons. Bien que la présidente du MEDEF – Mouvement des Entreprises de France –, se soit dite « rassurée » par le recentrage de Christine Lagarde, Laurence Parisot monte au créneau sur RMC en dénonçant « une mesure incompréhensible et ruineuse » pour les PME au lendemain de la crise économique.
C’est bien connu, les patrons apprécient guère que l’Etat s’ingère dans leurs affaires. Adopté ou pas, « le message », d’après Maurice Wolff est passé aux entreprises. Partager plus ou payez plus ? Au risque de voir l’Etat s’immiscer davantage dans la vie économique face à la colère sociale qui grogne aux quatre coins de l’Europe.
Coralie Mollaret – News Of Marseille
Pour voir le reportage vidéo : Prime de 1 000 € : qui va la toucher ?
Merci à Section du Parti socialiste de l'île de ré