#Chabanais reportage à Latresne

Publié le 03 juillet 2011 par Ivanberaud

Albert et Marianne, Justes de la nation

La famille Béraud avait sauvé deux fillettes juives pendant la Seconde Guerre mondiale. Ils sont honorés à titre posthume.


Dimanche dernier, Albert et Marianne Béraud, les parents de Vincent Béraud et de sa sœurCollinette Michelet (1), ont rejoint, à titre posthume, la liste des Justes parmi les nations pour avoir sauvé deux petites filles juives Mina Parsont et sa sœur Nelly, décédée en août 2010, pendant la dernière guerre mondiale.

Sœurs de cœur

Sur la terrasse de Collinette, Mina, 76 ans, a du mal à cacher son émotion. Et pourtant, de longues années se sont écoulées depuis ce jour, où, pendant la guerre avec sa grande sœur Nelly, alors qu'elle n'avait que 7 ans, elles devinrent « les sœurs de cœur » de Collinette. Officiellement, elles étaient cousines. Recueillies toutes deux par les Béraud et leurs 5 enfants, à Chabanais en Charente. « Pour nous, se souvient Collinette, c'était naturel. Nos parents ne nous ont jamais présenté les choses de façon héroïque. Mais ils nous avaient dit : « Si vous dites quelque chose, nous serons tous fusillés ». Mina feuillette ses quatre classeurs, étalés sur la table, comme pour chercher un soutien à son malheur, qui ne l'a pas lâché une seule journée tout au long de sa vie. « C'est le combat de ma vie et de celle de ma sœur, dit-elle, que de faire reconnaître les époux Béraud comme Justes. Pour montrer leur bonté et leur courage. Avec Nelly, qui a réalisé un film témoignage (2) de notre histoire, nous nous sommes acharnées pour les faire inscrire sur le mur des Justes à Paris puis sur le mur de Yad Vashem à Jérusalem ».

54 ans de séparation

La cérémonie de dimanche à Chabanais vient boucler la bataille de toute une vie. Une vie qui a séparé les deux familles durant 54 ans. « Après la guerre, en 1949, nous avons émigré aux États-Unis, témoigne Mina. J'étais revenue en France en 1958/1959, pour un an. Je m'y suis mariée, mais je n'ai, à l'époque, pas retrouvé trace de la famille Béraud. Pour Nelly, restée aux États-Unis, c'était une obsession. Elle enseignait à l'université et à chaque Français qui venait, elle demandait s'il ne connaissait pas les Béraud ».

Les années s'écoulent. Avec toujours le même espoir. Et enfin, en 1997, une certaine Claire, de Montpellier, après 6 mois passés à l'université où enseignait Nelly, rentre en France, avec une mission : retrouver les Béraud.

« Et là, le premier coup de fil à un certain Claude Béraud fut le bon, témoigne Mina, la voix tremblotante. Dès le premier coup de fil, j'ai reconnu les voix, plus d'un demi-siècle après ». Quant à Collinette, si elle n'a pas reconnu physiquement ses sœurs, elle savait que c'étaient elles. Les retrouvailles officielles sont alors organisées, sous fond d'échanges facilités par Facebook et autres réseaux. Depuis, les deux familles ne se quittent plus. Mina qui vit toujours aux États-Unis revient tous les ans. Et la transmission de la mémoire auprès des petits-enfants, arrière-petits-enfants et arrière-arrière-petits est assurée.

Cette semaine, Mina vient de la passer avec sa sœur Collinette, dans la maison familiale tresnaise, après avoir participé, dimanche, à la cérémonie officielle de remise de médaille en présence des deux familles réunies, de Natan Holchaker, délégué du Comité français pour Yad Vashem (3), du ministre près l'ambassade d'Israël en France et du maire de la commune. Et avant de continuer son pèlerinage dans les différentes communes où elle vécut. Notamment à Thiviers, où ses parents s'étaient réfugiés.

Marie Huguenin

(1) Collinette est par aileurs l'épouse de feu François-Xavier Michelet, maire jusqu'à mai 2005. (2) « Tombées du ciel », réalisé en 2004. (3) Yed Vashem, à Jérusalem, est un lieu de mémoire et un musée contre l'oubli des crimes nazis.

source Sud Ouest 2 juillet 2011