Au sujet de sa musique, la formation anglaise parle d’un croisement entre Daft Punk et les Eagles. A l’écoute du petit dernier, « The English Riviera », on penchera plutôt pour la deuxième comparaison tant la musique de Metronomy évoque les ambiances ouatées de la West Coast des seventies. Le leader et principal compositeur, Joseph Mount, nous livre les principales clés pour décrypter ce troisième opus au raffinement indéniable.
Un vrai album de studio
Anna Prior (batterie), Gbenga Adelekan (basse), Oscar Cash (synthé/saxophone) et Joseph Mount (chant, guitare, synthé) forment aujourd’hui le groupe Metronomy. C’est cette formation qui a enregistré le très élégant « The English Riviera ». Plutôt habitué aux albums fait à la maison, le quatuor s’est retrouvé dans un nouveau contexte pour élaborer ce troisième opus : « Cette fois-ci, le processus d’enregistrement a été totalement différent », explique le porte-parole Joseph Mont. « Tout a été réalisé dans un studio professionnel alors qu’auparavant, les albums de Metronomy étaient conçus dans ma chambre. J’aurais pu continuer ainsi éternellement car c’est vraiment fun. Mais, cette fois-ci, il nous fallait quelque chose d’encore plus solide au niveau sonore. Notre volonté était d’enregistrer à l’ancienne dans un studio, de le faire piste par piste pour chaque instrument. Notre précédent disque (ndlr : « Nights Out » en 2008) contenait trop de programmations donc je voulais que le nouveau sonne le moins programmé possible. » Et Joseph de préciser avec encore plus de détails la spécificité sonore de ce « The English Riviera » : « C’est très certainement un vrai projet de groupe, et, en même temps, il y a plus de parties acoustiques, on peut entendre correctement chaque instrument. »
Early technology
A ce stade, nous sommes donc en droit de nous demander ce qui trottait dans la tête (chercheuse) du guitariste chanteur anglais, quelles étaient ses véritables sources d’inspiration : « Durant notre travail sur ce disque, j’ai beaucoup écouté de premiers enregistrements fait à partir d’instruments électroniques, que ce soit des synthétiseurs ou des boîtes à rythmes. C’était bien avant que les ordinateurs et le numérique envahissent toutes les productions. Je pense, par exemple, aux disques d’Herbie Hancock ou de Stevie Wonder qui ont été conçus à partir de synthétiseurs mais qui étaient enregistrés d’une manière classique, sans beaucoup de programmations. L’idée pour ce disque était donc de réaliser un album « électronique » en utilisant un maximum de vrais instruments. » Il est à noter que, dans ce processus créatif, les souvenirs musicaux de Joseph tiennent une place prépondérante. En effet, la fibre nostalgique du musicien a totalement orienté la direction musicale de « The English Riviera », comme il nous le précise : « L’idée de départ de ce disque était de retrouver l’ambiance musicale de mes 15, 16 ans, quand tu vas pour la première fois à une fête chez des amis, que tu bois ton premier verre d’alcool ou que tu fumes ton premier joint. Il y a plein de disques qui me rappellent ces fêtes comme « Entroducing » de DJ Shadow, « The Score » des Fugees ou Portishead. Je voulais vraiment retrouver cette ambiance downtempo et enfumée qui me donnait le sentiment de vraiment grandir à l’époque. » Et Joseph d’imaginer des étudiants qui achètent pour la première fois un album de Metronomy et qui se mettent à tripper sérieusement sur cette musique qui invite à la « coolitude ». Un vrai fantasme pour tous musiciens qui se respectent.
Des disques repères
Lorsqu’on demande au briton les disques qui l’ont définitivement marqué au cours de ces dernières années, il mentionne, non sans une certaine réticence (dûe à la peur du ridicule ou de passer pour une sorte de vieux conservateur ?) : « Pet Sounds » des Beach Boys, « Entroducing » de DJ SHadow, « Dark Dancer » des Rythmes Digitales (aka Stuart Price), « Fullfillingness First Finale » de Stevie Wonder, le white album des Beatles, « Music Has The Right To Children » des Boards Of Canada, les remixes de Funkstörung, « Rumours » de Fleetwood Mac et « Paul’s Boutique » des Beastie Boys. On a donc là un beau panaché d’influences qui se retrouvent toutes combinées, d’une manière ou d’une autre, dans « The English Riviera ». Au sujet de ce titre, on se demande bien quelle est cette fameuse riviera ? On connaissait la française mais pas l’anglaise. « J’ai juste imaginé que la région dont je suis originaire (ndlr : le Devon, au sud-ouest de l’Angleterre) était un coin super branché musicalement et jeune, ce qui n’est absolument pas le cas, » explique, non sans malice, Joseph. « J’ai inventé une scène musicale – le ‘Devon Sound’ – un peu comme le son de la côte Ouest dans les années 70. Dans mon imagination, le Devon était devenu un endroit comparable à Portland dans l’Oregon, il suffisait ainsi de déclarer à la presse musicale qu’on venait de la riviera anglaise pour être digne d’intérêt. » Encore un fantasme de musicien qui prend forme le temps d’un album. Même si Metronomy est un vrai groupe sur scène, Joseph garde la maîtrise complète du processus de création, de la composition à la production : « Suite au départ de Gabriel et avec l’arrivée d’Anna à la baterrie et de Gbenga à la basse, nous sommes devenus un quatuor. Nous n’utilisons donc plus aujourd’hui de « backing tracks » ou de programmations sur scène. Tout est joué ce qui rend les choses plus excitantes en live. »
Au cœur de la pop
Alors que le groupe a repris « Toxic » de Britney Spears, Joseph affirme vouloir remixer des artistes hip hop comme Lil Wayne. En fait, tout cela découle d’une fascination globale pour la musique pop américaine. « Aux Etats-Unis, on a l’impression que les rappeurs et chanteurs pop n’ont fait qu’écouter de l’eurodance, ce qui nous a un peu plombé au cours de ces 20 dernières années. Je regrette les Neptunes ou les productions du Timbaland des débuts. J’aime beaucoup Britney et j’espère qu’elle va reprendre le dessus par rapport à Lady Gaga qui lui doit beaucoup. » Quoi qu’il en soit, « The English Riviera » doit une fière chandelle aux musiques des deux côtés de l’Atlantique. Joseph parle d’ailleurs d’un croisement entre le rock de L.A. des 70’s et le trip hop de Bristol. Un mélange hybride qui permet à Metronomy de proposer une belle incursion en terres pop.
Texte : Laurent Gilot
Photo : DR
Metronomy, The English Riviera (Because Music)
Sortie le 11 avril 2011
Metronomy, The Bay